Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 19/11/2018 16:59:23 Rubrique : Interviews, lu 3473 fois. 3 commentaires |
|
CHRISTOPHE MACREZ ... " en passant par la Lorraine" ...
... vous y rencontrerez forcément Christophe Macrez, soit dans une cabine de juge ou sur le terrain d'un concours, inspectant les installations. Ce lorrain d'origine de la région de Saint-Dié est aujourd'hui l'une des chevilles ouvrières de l'attelage du Grand Est. Nous avions convenu d'un rendez-vous depuis longtemps, mais l'homme est très engagé dans de nombreuses activités. C'est un passionné pour tout ce qu'il entreprend, et donc un adepte du perfectionnisme. Christophe Macrez est, de ces personnes interviewés très extravertis et proactifs dans tout ce qu'ils entreprennent. Il n'y a donc qu'à se laisser porter.
Comme la plupart d'entre nous, l'équitation a souvent été un choix familial. J'ai laissé parler notre interlocuteur, intervenant très peu, juste pour clarifier les propos et les organiser pour maintenir le déroulement chronologique des époques.
" Mon père avait 2 rêves, posséder une Jaguar et avoir des chevaux. Il a travaillé en Irlande et y avait pris le goût de monter à cheval. Il a choisi les chevaux plutôt que la voiture. Le premier cheval mis en pension chez un agriculteur, s'est vite retrouvé à la maison. Un peu plus tard il a été rejoint par d'autres congénères, dont un frison avec lequel j'ai fait mes premiers pas en équitation. Aujourd'hui la maison familiale anime une écurie privée. Voilà comment j'ai abordé l'équitation, en prenant des leçons dans la région. L'origine de la famille est de Montreuil sur mer du côté paternel, j'y ai pris un peu de cours d'équitation là-bas aussi.
1980 Elsa Sokil forme les meneurs lorrains |
Un peu plus tard l'attelage est entré dans la famille. Nous y pratiquions promenades et randonnées, mon père aux guides. A cette époque Madame Elsa Sokil présidente fondatrice de l'ALA, (Association Lorraine d'Attelage) était également Présidente de la Commission d'Attelage, la discipline ayant intégré la Fédération. Il y avait aussi à cette époque, comme dans toutes régions des "enseignants de l'attelage" non diplômés, mais qui avaient des connaissances empiriques sur l'attelage. Ainsi, c'est notre maréchal ferrant Pascal Barthélémy qui a instruit mon père. De l'attelage à un cheval, mon père est passé à l'attelage en paire avec l'aide de Raynald Humblot, qui a beaucoup accompagné le développement de l'attelage vosgien.
Sont arrivées les petites compétitions comme le derby de Corcieux organisé par Georges Thiébault. Un concours qui a été longtemps notre championnat du monde ! C'est un concours qui est encore organisé aujourd'hui au mois d'août. Corcieux est un petit village de montagne près de Gérarmer. Dans ce lieu touristique il y a plus de 1000 spectateurs pour assister à ce derby. Ce derby offre aux concurrents une balade le matin, et quelques obstacles de marathon puis une manibilité l'après-midi..
Invités sur ce derby, j'ai accompagné mon père comme groom avec Éric Defaucheux qui était lui, groom d'un meneur de compétition et donc possédait une expérience des obstacles, heureusement ! j'ai connu là ma première grande émotion à l'attelage avec le passage d'un gué, ou les deux juments boulonnaises se sont montrées récalcitrantes ! Comme vous le voyez sur la photo je n'étais pas loin de sauter hors de la voiture !
Éric Macrez aux guides, Christophe Macrez avec la casquette et Eric Defaucheux
Raynald Humblot organisait chez lui un derby à Sainte Hélène avec un talus assez imposant à descendre. Nous avons participé à ces derbys vosgiens plusieurs années, des concours d'entraînement avec des juges plus ou moins officiels. Nous avons également participé au derby de Vagney. Ces concours ont mis à l'attelage beaucoup de monde. Ils ont eu l'avantage de faire découvrir la discipline et la compétition à des meneurs qui étaient des meneurs de loisir. Mais il faut reconnaître que sans règlement et sans délégué technique, les concours n'étaient pas toujours favorables au bien-être animal et à l'équité sportive. Les obstacles pouvaient être dangereux.
Une voiture Pouvreau avec l'essieu arrière directionnel au Derby Sainte Hélène
On a donc débuté l'attelage avec un cheval frison. Le cheval étant attelé seul à une voiture à 4 roues manquait d'endurance. Le secteur de Saint Dié est très vallonné. Mon père originaire du Nord, s'est donc tourné naturellement vers des chevaux boulonnais. Ses premiers boulonnais ont été achetés à Gérard Sainte-Beuve.
Eric Macrez ex président de l'AFA |
Chaise frisonne |
Mon père voulait se mettre à l'attelage à quatre chevaux, il a acheté deux autres chevaux boulonnais chez un éleveur du Nord. C'est Pierre Jacob du Domaine Equestre de Stambach, meneur d'attelage de Tradition et le seul propriétaire en France d'une chaise frisonne, qui l'a formé au menage à 4 guides. C'est ainsi que nous avons rejoint d'autres meneurs de Tradition au concours de Saverne, il faut bien le dire sans grande préparation ! La voiture utilisée pour ce concours de Tradition, mon père l'a acheté par hasard. Lors de la livraison d'une petit 2 roues par le livreur de chez Pouvreau, il y avait dans le camion une voiture quatre roues pompeusement appelée "Doctor Wagen". Ma mère s'est exclamé " Oh au moins elle est belle celle là !" Dès lors, l'affaire fut rapidement conclue au téléphone avec Bernard Pouvreau, et la voiture est restée à la maison pour un bon prix... Notre premier concours de Tradition n'a pas été sans péripéties. Nous étions à un mariage le samedi après-midi avec voiture et chevaux. Après avoir remisé tout dans le van, nous avons pris la direction de Saverne ou une écurie nous attendait. Sans connaître les dîners de concours de Tradition, nous sommes entrés dans une grande salle de réception en tenue d'écurie au milieu d'un repas disons "en grande tenue" !
Sur la photo de gauche, le regretté Yves Dauger
Un peu plus tard nous avons découvert le TREC avec Philippe Fringant. Claude Parisot qui a fait beaucoup pour le développement du TREC, a ouvert le TREC aux attelages en Lorraine. C'est une époque postérieure au décès d'Elsa Sokil. Elle qui avait fait beaucoup pour l'attelage de compétition en Lorraine, la discipline commençait à décliner dans la région. La découverte du TREC attelé a remis les meneurs dans le sens de la compétition. Le TREC est une discipline que j'affectionne, car j'ai toujours été un passionné de l'orientation, de la lecture de cartes, des azimuts et des distances à déchiffrer.
2003 TREC à Padoux, le PTV. Sur la photo de gauche je cours derrière la voiture après avoir ouvert et refermé une porte. Mon père a été sélectionné pour les Championnats de France en 2007, Championnat de France qu'il a gagné.
a.o: en résumé vous n'avez jamais pris les guides en compétition ?
En effet, je n'ai jamais mené en compétition. J'ai mené à la maison, en famille, mais comme souvent, l'enseignement de l'équitation ou de l'attelage passe difficilement de père en fils, ou d'époux à épouse ou inversement. Et puis est venu le temps qui a été plus réservé à mes occupations professionnelles, j'ai acheté une maison et la vie de famille qui va avec ...
Le cadre attelage en Lorraine
Il a existé un Salon du cheval à Nancy dans les années 1999 à 2009, « Chevalissimo ». En 2004 Jeanine Swedrowski qui était juge et Présidente de l'ALA m'avait demandé un coup de main sur le stand et de l'ALA. C'est à cette occasion le président du CRTE qui était Bernard Pruvost (Ferme des Eparges), m'a introduit dans les instances et les arcanes des Comités Régionaux d'Equitation. J'ai fait la connaissance de Jean Collin Président du Comité d'Equitation de Lorraine. Il m'a demandé d'organiser une épreuve attelage dans le salon. J'ai réuni quelques meneurs notables de la région, et organisé une démonstration d'attelage sur une maniabilité combinée en musique. On a fait quelque chose de très dynamique et sportif pour l'époque. J'ai dû convaincre puisqu’il l'on m'a demandé de prendre la Présidence de la Commission Attelage. Jean Collin est quelqu’un qui a beaucoup compté pour mon engagement dans les instances régionales, j’ai continué d’ailleurs à œuvrer aux côtés de Jean Louis Pinon en Lorrain puis maintenant au CRE Grand Est.
Au micro Jean Louis Pinon (photo Sophie Girardin – CRE GE)
Le Juge
2014 à Cousances |
2016 AG CRE de Lorraine (photo Sophie Girardin – CRE GE) |
Des gens m'ont suivi, comme Antoine Jeanson qui est devenu un ami proche. Il n'y avait qu'une compétition en Lorraine, c'était chez lui à Cousances les Forges. Deux ans plus tard nous avions six compétitions dans l'année. C'est beaucoup de démarches auprès des organisateurs potentiels. C'est à cette époque que j'ai fait la connaissance de Jean-François Trangosi.
Jean-François Trangosi est quelqu'un pour lequel j'ai de l'affection et de la reconnaissance et une estime particulière. C'est lui qui m'a invité dans sa cabine de juge, et qui m'a fait jugé hors concours. C'est comme cela que j'ai fait mon apprentissage. Des gens comme Marion Lotte ou Étienne Samain lui doivent également beaucoup. J'ai souvent été invité à Compiègne. C'est en 2012 que j'ai été nommé juge national.
Ambiance conviviale à Compiègne. Christophe Macrez distille lui-même ses eaux-de-vie et il en fait profiter ses amis juges.
J'ai découvert dans le corps des juges, des gens très sympathiques, des caractères de toutes natures, des gens qui ont des histoires et des parcours très différents, des gens qui ont des visions de l'attelage très différentes aussi, et là je dirais malheureusement. Comme officiel de la fédération on se doit d'avoir la même pratique de Biarritz à Lille. Une chose à laquelle je suis très attaché, c'est l'unicité qui pour moi est la base de l'équité sportive. On doit juger de la même manière de Biarritz à Lille.
a.o: vous soulevez une question que j'ai souvent abordée concernant le jugement du dressage et son manque d'unicité. Ce manque d'unicité n'est-il pas le résultat d'une décentralisation de la formation des juges aux régions et aux CRE, sans une parole et "une politique" nationale unique pour la formation des juges ?
La fédération était partie sur une bonne idée, c'était de nommer des juges référents pour assurer les formations. La formation n'était plus déléguée aux juges élites, mais à quelques juges avec un référentiel et un support au niveau national. C'est une bonne idée qui n'a pas été accentuée, et appuyée. Pour ça il faut un patron au niveau national. Et puis je crois beaucoup à l'intérêt de la mobilité. Ainsi le formateur devrait venir d'une autre région que celle concernée par une formation de juge. Cette mobilité, ce mélange nous tirerait vers l'unicité indispensable. En faisant tourner cinq personnes référencées sur le territoire, les formations seraient efficaces et pertinentes. On a aussi besoin d'un relais, par la Commission d'attelage ou autre instance pour développer notre discipline dans les régions.
A ce stade de l'interview une large discussion s'engage "tous azimuts", discussion autour de laquelle nos points de vue sont souvent très proches. Pour citer un exemple, nous convenons que le juge ne doit pas être forcément un technicien du cheval, et que ses compétences sont ailleurs.
Je ne suis pas issu du monde de l'équitation supérieure je n'ai pas la formation d'un cavalier, et je ne me revendiquerai jamais comme un technicien du cheval. Le juge est là pour juger, et non pas pour donner des recettes ou des conseils de travail. Je suis là pour dire ce à quoi doit ressembler et à quoi doit correspondre le travail qui m'est présenté par le meneur. Aller au-delà c'est outrepasser ses compétences. Malheureusement bien souvent les concurrents ne comprennent pas ce message. Il est évident qu'il n'est pas nécessaire d'être un sportif expert dans un sport, que ce soit de l'attelage, du Dressage du patinage artistique ou de la gymnastique pour juger! Avoir l'œil, voir ce qui est juste ou pas, et donner la bonne note, ce sont ces qualités que le juge doit personnellement et constamment développer.
Une chose à laquelle je crois et qui se révèle très efficace entre les juges, c'est le jeu des questions-réponses sur le règlement, genre quizz entre nous qui se fait via internet. C'est Malo qui est à l'origine de cette "formation permanente".
Les Amis
Je voudrais citer quelques amis, comme Bruno Kempf, c'est un excellent chef de piste, rigoureux, très humain est très actif dans sa région. Nos échanges nombreux avec l'Alsace sont très productifs, il est un de ceux qui font énormément pour le Grand Est Attelage. Sébastien Schoch, est lui aussi un chef de piste d'avenir en Lorraine. C'est une famille de meneur, c'est un homme discret très important pour le développement de la discipline.
de g à d Bruno Kempf, Christophe Macrez, Sébastien Schoch l'équipe de Grand Est lors du concours d'Uzès en 2018
ici avec des meneurs lorrains: Diane Delmas, Joann Vera, Marie-Ange Risch, Jean Schoch
où bien encore ici à Oberschaeffolsheim
Derrière moi, Sébastien Schoch, et 2 jeunes juges du Grand Est, Margaux Radici et Marie-Pierre Defontaine qui est juge de dressage monté et meneuse.
Christophe apprécie la confiance de ceux qu'il nomme "ses pères" comme Jean François Trangosi, Malo Miossec, Dominique Coudry, et Marie Pierre Bruneel
Ces quatre personnes ont développé mon savoir et m'ont permis de juger un peu partout, cet interview est pour moi l'occasion de les remercier.
Marie Agnès Jeanjean organisatrice du concours du Meslay du Maine entourée du jury
J'ai eu la chance de rencontrer des gens qui m'ont fait voyager. J'ai beaucoup appris d'autres pratiques, d'autres organisations, des bonnes comme des mauvaises. Les juges en qui je crois dans notre région et qui débutent dans le jugement, je n'ai qu'une envie pour eux, c'est d'utiliser le réseau relationnel que j'ai aujourd'hui pour les faire voyager. C'est très important et cela participe de cette unicité dont nous avons parlé.
J'ai des bons copains un peu partout, comme en Normandie, ici chez Sabine et Malo Miossec lors d'un concours à Gonneville avec Jean François Guilloteau.
Une ballade à cheval à Gonneville avec Thierry Lecerf qui fait ses débuts dans les fonctions de chefs de piste.
.
|
Je voudrais aussi ne pas oublier mon ami Louis Basty dans mes propos. C'est d'ailleurs à Rosières il y a 10 ans, où j'ai rencontré attelage.org pour la première fois . Vous êtes venus transporter les chevaux de Laure et Louis Basty pour les emmener à Neewiller (Photo Pixevisuel).
Nous sommes aujourd'hui une grande région avec un gros projet en 2019 à Sélestat qui organisera son premier CAI. On y travaille beaucoup, Marie Ange Risch est à la manœuvre, on cherche à les aider financièrement avec le Comité Régional du Grand Est, ainsi que les instances Régionales et Départementales.
Sélestat 2018: Christophe Macrez, Malo Miossec, Jean François Trangosi, Bruno Kempf, Daniel Fischer
Ma conclusion: clap de fin ? certainement pas. Si la discipline voulait bien un jour s'ouvrir dans son fonctionnement, nul doute que des personnes comme Christophe Macrez auraient un rôle à jouer pour un développement efficace et harmonieux... mais tout cela n'est que mon avis !
Interview JCG