Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 12/11/2012 22:39:53
Rubrique : Interviews, lu 4493 fois. 4 commentaires
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Portrait: Anne Marie Turbé, dressur, doma, adestramento, dressuur et training


 

 

 

 

                LA JUGE D'AUJOURD'HUI

         Anne Marie Turbé (AMT) est juge "O" (officiel) de la FEI. Elles sont 3 femmes dont Diana Brownlie (Gbr) et Martha Hank Nicoll (Usa),  ainsi que  15 hommes à avoir obtenu ce statut. Le plus haut grade dans l'échelle des juges internationaux, celui de ceux qui peuvent Présider les Championnats du Monde. Pour en arriver là c'est un long chemin… Etre juge international demande beaucoup de temps et de disponibilités. Les déplacements sont longs avec 5 jours de concours mais cette qualification "O"   classe AMT parmi les Juges et Arbitres de haut niveau. Anne Marie a fait  des études de lettres à la Fac et l'Ecole Normale, elle est professeur de français dans un collège. L'aménagement de son  temps est aujourd'hui officialisé par le Ministère jeunesse et sports. Anne Marie est de ce fait rendue disponible pour ses obligations vis-à-vis de la FEI. Il a fallu 2 années de demandes, avoir fait un Championnat du Monde et avoir obtenu  les certificats de la FFE, et de la FEI pour l'obtention de ces facilités.

Les angoisses du juge regardant le classement:  " l'ai-je bien jugé (e) ? "

 

 

         LES ORIGINES

         Toute jeune Anne Marie vivait à la campagne et se qualifie elle-même  comme étant le   "canard noir de la famille". Alors que  ses sœurs faisaient de la danse classique ou du piano, Anne Marie ne pensait qu'au cheval après en avoir côtoyé quelques uns dans l'exploitation agricole de sa tante et dans son village. A force de persuasion, la famille va céder et le papa va accompagner la jeune cavalière de 10 ans dans un club de l'Essonne où elle prendra ses premières leçons. Anne Marie ne se dit pas   "vaccinée cheval"  depuis ce temps mais bien plutôt "contaminée cheval" ! La formule est à retenir, nous le sommes tous,  elle me rappelle une autre  raillerie : " on se demande parfois qui tient la longe, le cheval ou l'homme ! "

         Et voilà la jeune cavalière qui progresse si bien que les parents vont lui prendre un cheval en 1/2 pension au Club de Boissy la Rivière. Un signe du destin le club est tenu par Jean Claude Cheret, cavalier de dressage et adepte de Nuno Oliviera. Il a pour compagne Isabelle Judet qui deviendra une juge international de dressage. Cette dernière a été un temps en charge de cette discipline la FFE. Les premières sensations de dressage se font là pour la jeune cavalière, le CSO ne prend pas sur elle, pas plus que la compétition à la différence  des adolescentes de son âge.

Par contre, c’est là qu’elle va construire ses bases et restée une adepte de la discipline et des chevaux…

 

L'ATTELAGE

         L'attelage viendra de sa rencontre avec Franck Deplanche en 1971. En voilà un qui aura beaucoup semé pour la discipline! la première impression de l'attelage de la jeune cavalière ? "un truc de vieux" jusqu'à ce que  Franck  lui passe les guides. Ce sera une découverte  révélatrice pour la jeune fille  mais sans suite dans l'immédiat… sa passion restant l’équitation…

           Quelques années plus tard Franck lui propose un job d'été aux Ecuries d'Attelage de Mr Camus où il travaille et entraîne pour les compétitions nationales et internationales un team  de « franche –montagne ». L'attelage s'installe définitivement dans la vie d'Anne Marie, de même que Patrick qui travaillait avec Franck et  qui deviendra son compagnon ,puis son mari .

Tout en poursuivant ses études, elle continue de travailler au haras occasionnellement et y rencontre beaucoup de personnes qui viennent se former et atteler avec des intervenants tel que Auguste Dubey  Franck Deplanche est sur les concours l'un des rares meneurs internationaux français   de l'époque.

 La jeune meneuse débutante participe à quelques Derby (Dressage+ mini marathon)

 

Les Bréviaires, le Perray en Yvelines,   Rambouillet offraient  beaucoup de concours. De nombreux meneurs de renom étaient dans la région : Roger Deplanche, de Wavrin, Bernard  Céleron, Jacques Jourdanne, Paul Maudet…

" Mon Brevet de Guides en poche passé avec Jacques Jourdanne ! Ce n'était pas rien. Démontage remontage d'un harnais en paire, nomination et description de toutes les pièces d'une voiture …"

 

 

" Attelée avec 1 cheval qui faisait partie de la paire que Patrick attelait pour Patricia Nijdam. J'ai tout fait  : le nettoyage des harnais, les boxes, l’entrainement des chevaux, j’ai été  groom, j’ai monté des pistes, balisé des parcours ,été juge arbitre sur les voitures "

   1994, La Route Eugénie avec les poneys d'une amie…

Anne Marie fait aussi de la figuration au cinéma, avec les Ecuries Couture ou Hardy … " Entretien avec un vampire", "Vatel", "le Comte de Monte Christo", "Thomas Jefferson" et les Fêtes de Versailles...

Elle a la chance d’être acceptée comme « meneur » dans ce milieu plutôt réservé aux hommes …grâce à Patrick qui ,lui aussi ,fait beaucoup de tournages .

 

Pour Thomas Jefferson

Anne Marie et 2 chevaux de la maison : un SF (dcd) et une ponette Mérens de 27 ans

 

LE PARCOURS DU JUGE

         C'est encore Franck qui va pousser et orienter AMT vers le jugement: " d'abord candidat national,… à l'époque il fallait du temps pour passer juge national. On n'était pas aussi proche de la Fédération qu'aujourd'hui. C'est en 1997 que j'assiste en Belgique à mon premier cours FEI. Il y avait Jacques Tamalet, Pierre Cazas, Yves Grandguillot, Jean Pierre Boucan. La révélation pour moi, j'étais très fière. Je suis passée candidat international en 2000 et international en 2005. ".

         Madame Hamelin et Elsa Sokill ont beaucoup contribué à la formation de la jeune juge.

" ensuite les compétitions internationales vont s’enchaîner et lui permettre d’évoluer ,elle a la chance de cotoyer HP Ruschlin qui va l’aider à se faire connaître en international, ainsi que J .Borka, D .Brownlie ,K.Christ  avec lesquels elle apprend beaucoup , l’avantage ,est aussi qu’elle maitrise bien l’anglais et peut échanger avec les uns et les autres sans difficultés , ce qui est indispensable pour évoluer à ce niveau …

Le fait de juger beaucoup et dans différents pays lui ont permis d’acquérir une expérience solide et d’être connue des meneurs .

 

Avec Mme Hamelin, jugement de la Présentation des Drags à Auteuil

"C'était tout une époque!"

 

Anne Marie Turbé entourée de quelques juges FEI lors du championnat du monde à Conty

De gauche à droite Klaus Christ (Ger), AMT, Bert Jambon (Bel), Diana Brownlie (Gbr),

Gerrit Kraai (Ned) Hans Peter Rushling (Sui)

Juge à  Windsor en compagnie du Prince Philip venu donner un coup de main.

Juge étranger pour le Championnat d'Espagne à Trebujena en 2007 avec le chapeau local

" C'était très intéressant pour moi, et cela m'a donné de l'expérience pour juger les chevaux ibériques. Ce serait une bonne idée d'imposer 1 ou 2 juges étrangers sur le Championnat de France."

LE CLUB DES JUGES

         Le Club des Juges a été fondé par Pierre Cazas, et Anne Marie en a pris les commandes quelques années plus tard  lors d'une élection du Bureau Directeur. C'est un épisode un peu douloureux pour Anne Marie : J'ai de bonnes relations  avec Pierre et nous nous entendons très bien. Des rumeurs ont circulé à la suite de mon élection, je n'ai jamais intrigué pour prendre sa place, et je m'en suis expliquée avec lui. Nous essayons d'intégrer dans le Club un maximum de personnes. Le Club des Juges a aujourd'hui l'oreille de la Fédération, même si nous ne sommes pas décisionnaires, nous sommes consultés."

         Dans la conversation différents sujets ont été abordés. Plutôt que de rappeler les questions, le lecteur les devinera, Anne Marie a bien voulu nous faire ces confidences:

         " nous savons qu'il y a un manque de cohérence des jugements du dressage dans les concours amateurs, soit d'un concours à l'autre, soit dans un même concours. La formation des juges est faite dans les régions par les CRE, ce qui fait que tous n'ont pas les mêmes bases. On ne peut rien imposer aux CRE, ces derniers choisissent les intervenants ou bien nous demandent conseils, mais ils sont aux manettes. Je pense que les juges ont globalement le "savoir nécessaire et suffisant". Le problème est plus dans la difficulté à donner la note. Mais ce problème est récurrent, même au niveau international. Donner "la note" est ce qui pose problème. Deux exemples : un mouvement exécuté est jugé comme "bien" et reçoit la note 7 alors que ce qualificatif de "bien" justifie la note 8. Un mouvement jugé comme "mauvais" devrait recevoir la note 2 … et non pas 4 avec ce qualificatif ! L'essentiel est là,  les juges n'utilisent pas l'amplitude proposée, n'osent pas récompenser et sanctionner. Une notation par 1/2 point est une fausse solution, à mon avis.

         Il faut mettre aussi beaucoup de commentaires sur les protocoles. Plus le niveau de la compétition est modeste, plus les commentaires devraient être nombreux afin d’aider les meneurs et leur indiquer ce qui ne va pas,ou ce qui va !

Nous n'avons pas jugé sévèrement le Championnat de France, nous l'avons jugé avec plus d'exigences qu'un simple concours Elite ou Amateur, mais c'est bien normal pour une finale. Les meneurs qui restent dans un univers restreint sont forcément surpris. On a eu le même problème à la finale jeunes chevaux … il faut "sortir" et voir ailleurs. C'est d'ailleurs aussi vrai pour les juges et tous les techniciens de l'attelage. C'est décevant de voir si peu de français en visiteurs sur les  grands concours. Je n'ai pas vu grand monde à Riesenbeck par exemple.      

         La FEI pratique une "surveillance" de la notation et des résultats sur les concours internationaux  et c'est bien.

Je n’ai pas de préférence quant à juger des attelages multiples ou simples, chevaux ou poneys ….  Juger les poneys ne me dérange pas, mais c'est aussi plus difficile à juger. Les différences de morphologies aussi bien chez les chevaux que chez les poneys rendent le jugement plus complexe, mais il faut rester sur les lignes directrices.

         Je trouve qu'il y a un gros effort de la part des meneurs français qui présentent maintenant des chevaux comme on veut les voir dans les allures. Maintenant il faut qu'il y ait un "vrai" travail d'entrainement et de dressage. Si aujourd'hui on veut des résultats il faut que les chevaux travaillent comme des athlètes, ça prend du temps, ça prend de l'argent… Il n'y a pas aujourd'hui un attelage à 4 chevaux qui se dégage en homogénéité. Les chevaux des Weber, Chardon, Exell sont aux ordres, dans la même impulsion, le même rythme, ça fait rêver ! La nouvelle reprise n° 11 va vraiment creuser les écarts. Les mouvements sont très courts et très variés. La reprise sera mise en vigueur sur les concours Elite Grand Prix en 2013 afin que les meneurs puissent s'entrainer. Hélas le pas va être supprimé sur les concours en 2013 sur les concours FEI, cette phase va devenir une phase de « transfert » libre. Je ne suis pas du tout favorable à cette décision.

         Je vais plus que jamais continuer de juger, j'ai toujours la passion, et c’est nécessaire car sinon ,on ne peut pas être performant! chaque concours m’apporte une nouvelle expérience qui sert à parfaire mes connaissances . C'est de l'adrénaline !

 Patrick m'accompagne du plus qu'il peut, il n’oublie pas ses années de compétition et s’intéresse toujours au monde de l’attelage et à son évolution  il donne un coup de main au Bureau des calculs, si nécessaire et aussi au paddock !  

A l'heure où j'écris ces lignes  Anne Marie est en Hollande à Ermelo pour un séminaire FEI.

JCG

 

 

 

 


  Commentaires
-Transmettre par Heliosness (22/11/2017 08:42:43)
-Bah... par JeanClaudeGrognet (22/11/2017 10:07:31)
-excuse par Heliosness (22/11/2017 10:24:16)
-mais là par Heliosness (22/11/2017 11:15:02)