Ce jour-là, c’était sa fête !

Oui, ce jour-là, c’était la fête du cheval ! Enfin… des chevaux ... en tout cas, de ceux que j’ai vu !

Comme chaque année, je suis recrutée comme bénévole pour animer cette journée gratuite dans mon club. Cette année, nouveauté, un moniteur « attelage », que j’appellerai X, vient s’occuper des baptêmes « en charrette ». Je ne comprends pas pourquoi étant donné que nous avons à l’écurie déjà quelques meneurs aguerris qui peuvent s’en occuper. Je vais rester avec X toute la journée.

Le matin, nous préparons l’attelage à un cheval. Il manque une partie du harnais, et X râle de voir toutes les boucles ouvertes et pendantes, surtout les reculements et la croupière, le mors sale, la sous-gorge et la muserolle bouclées… Il se demande, en constatant l’état de rangement du matériel, quels sont les « gougnafiers » qui attèlent ainsi … ! Je me demande également comment ils font pour enlever les brides sans rien déboucler, pas même la gourmette à vrai dire !

On garnit... je le vois "débricoler" le harnais. Une fois débricolé, X le règle, la bricole était trop basse, les oeillères trop hautes, et le reste, je n’ai pas bien vu. Il demande si on attèle souvent comme ça, je dis que oui… On amène le cheval à la voiture, il râle encore en constatant que les voitures ne sont pas à la taille du cheval : il m’explique (je vais apprendre plein de choses aujourd'hui) que les brancards sont trop larges et éloignés et que les bracelets sont tendus sur les côtés.  Apparemment, ici, ça n’a jamais gêné personne puisque les meneurs de l’écurie attèlent régulièrement comme ça. Il lève les yeux au ciel quand il voit les bouts de ficelles au bout des traits, en marmonnant quelque chose au sujet des mousquetons… (que ça existe, je crois).

Nous finissons par partir rejoindre le petit pré où nous devons faire des baptêmes. Comme il n'y a personne le matin (faut vraiment vivre en dehors de la réalité pour penser qu'il y aura du public un dimanche matin), j’ai le droit à un tout petit cours d'attelage. J’ai du mal à aller droit, le cheval est constamment plié à gauche, donc X prend les guides, mais n’arrive que très difficilement à rectifier la rectitude. Le cheval manque de travail aux longues rênes me dit-il.

L'après midi nous prenons un autre cheval, attelé à une grande voiture, elle aussi a des brancards beaucoup trop larges et est trop grande : le tout fait un peu ridicule niveau harmonie, mais notre petit cheval fera avec brio et courage son travail ...

Et bien sur, la voiture a des freins qui ne fonctionnent pas (X râle encore), donc ça va être super cool pour le cheval, les descentes, à retenir la voiture chargée de touristes !!!

« Hummmmmm ça sent bon le respect par ici ! » Cet enseignant me plait bien !

Nous faisons donc nos petits tours de calèche, agréables, je mène parfois, parfois je fais le groom, vraiment sympathique, en plus il y avait un beau soleil ce jour là ! Comme tout le monde est débordé vu qu'il y a une trentaine de spectateurs (ironie), on nous demande de préparer un autre attelage, cette fois-ci en paire. Donc nous sommes obligés d’arrêter les baptêmes, nous rentrons dételer le cheval, et allons préparer la suite. Je sens que cette organisation ne convient pas vraiment à X, et est on ne peut plus … improvisée !

Les meneurs de l’écurie (qui parlent parfois de leur concours de tradition) ont déjà mis les chevaux en paire, avec un autre moniteur. X écarquille les yeux en voyant les harnais, soulève sa casquette, se gratte le crane en regardant ses pieds, repose sa casquette et ne sait apparemment pas par quoi commencer. Je ne dis rien et j’essaie de ne pas rigoler parce que ce n’est pas drôle… « mais personne ne sait comment garnir, ni atteler ni un cheval seul, ni une paire, ici ! »

Donc il m’explique pour ne pas passer que pour un râleur :
On retrouve les guides bouclées !!! Pas normal, normalement il devrait y avoir la guide de gauche et sa croisière et la guide de droite et sa croisière, les deux séparées... ils ont dételés en enlevant d'abord les guides, se demande-t-il ????????????????? On sépare les guides, et on met de chaque côté celle qui correspond.

Puis les harnais avec des boucles dans tous les sens ! On les pose sur les chevaux : la boucle de mantelet est accrochée avec une partie de la bricole. Une partie du surcou et de la sangle sont dans le vide évidemment ...

« Ils laissent pendre ? »

« Non, je ne crois pas » Mais j’en sais rien ?

On débricole à nouveau les harnais et effectivement, ça finit par ressembler à quelque chose ! On attèle.

Un des meneurs arrive pour prendre les guides, regarde le harnais : « ah ? ça se met comme ça ? Nous, on accroche des parties du harnais de gauche avec des parties du harnais de droite quand les chevaux sont de part et d'autre du timon »

X ne rigole pas du tout. Mais … j’imagine que c'est rigolo, n'est-ce pas ??!

Puis nous partons. Je remarque, après les petits conseils que j’ai eu toute la journée, que le meneur qui me servait de référence jusqu’à présent n’est pas assis correctement, ni calé avec ses pieds…X nous arrête presque aussitôt. Pourquoi ? Il me jette un regard un coin, je vais à la tête. C’est pour régler les guides ! ! ! Les croisières étaient réglées de telle façon que les deux chevaux avaient la tête rentrée l'un vers l'autre ! Notre meneur nous dit qu'ils sont bien comme ça, qu'ils sont concentrées et sages ! X dit qu’après tout ce ne sont pas ses chevaux ! Je le sens vraiment agacé ! Et moi, maintenant je me rends compte du puissant bidouillage qui avait lieu ici, sous les yeux de tout le monde, sans que personne ne puisse vraiment s’en rendre compte.

Mais ce n’est pas fini, j’ai aussi l’honneur d’assister à une démonstration de menage, je dirais assez saccadée pour ne pas dire brutale, tout le contraire de ce que X m’a montré ce matin. Ma façon de voir a changé.

Je finis la journée à la fois contente de ce que j’ai appris, et en même temps, terriblement déçue de tout ce que j’ai pu voir avec une cerise sur le gâteau quand même : un gamin bénévole apprend également l’attelage avec les meneurs de mon écurie, et en discutant avec lui, je me suis aperçue qu’il avait lui aussi la prétention de tout savoir, exactement comme ses « maîtres d’apprentissage ».

On n’a pas fini de leur faire leur fête à ces chevaux …