Article proposé par Flower51, paru le 06/04/2008 12:23:02 Rubrique : Interviews, lu 2795 fois. 3 commentaires |
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S'il est des incontournables de l'attelage, qui organisent leur vie au rythme des concours, qui sont présents sur tous les terrains, au propre comme au figuré, et font tout ce qui est en leur possible pour faire avancer la discipline, aucun ne l'est autant que Joseph Lévêque. Juge et chef de piste national depuis 1985, mais aussi commissaire en chef international et membre de la commission attelage de la Société Hippique Française, aucun meneur ne peut prétendre ne pas l'avoir croisé sur un concours.
Il faut avouer que l'attelage a failli perdre ce grand homme. Et oui, les règlements sont ce qu'ils sont! Quand Joseph a la malencontreuse idée d'atteindre les 70 ans, la FFE décide de le reconduire dans ses fonctions pour 4 ans. Puis en 2006, Joseph reçoit un courrier officiel l'informant qu'il est réformé. Quel déchirement pour cet homme qui vit véritablement par l'attelage. Heureusement pour nous, la fédération a finalement revu sa copie et Joseph continue d'arpenter les terrains de concours, comme le weekend dernier à Réalville.
Mais revenons au début: Joseph est paysan, et pendant 30 ans, il va atteler des bretons pour travailler dans sa ferme. Quand certains n'y voit qu'un outil de travail, Joseph essaie de faire les choses au mieux et apprécie beaucoup de travailler avec ses chevaux. Les cinq chevaux sont attelés sur une ligne, à une guide, et travaillent à la voix. Joseph a le sérieux et la ténacité des passionnés.
Il entend un jour parler de meneurs de région parisienne qui sortiraient en concours... Il en parle autour de lui lors d'un diner avec les haras nationaux. On l'oriente très vite vers le Haras d'Hennebont, qui aurait parait-il l'idée saugrenue de développer cette nouvelle discipline équestre. Joseph prend contact avec ce haras, et ensemble, ils se lancent dans l'attelage. Joseph est très vite nommé responsable pour son département. Il vend ses bretons et récupère une jument selle français. Il passe tous ses galops, et apprend le règlement.
Joseph débute ainsi l'attelage sportif en 1979 et fonde l'Association Bretonne d'Attelage cette même année. Il tourne en compétition pendant 10 ans, avec une jument selle français. Quand on veut se lancer sérieusement dans la compétition, il faut du temps bien sûr, mais aussi de l'argent. Et Joseph veut faire les choses sérieusement, mais il n'en a pas les moyens. Comme il le dit avec une pointe de malice, il décide de devenir juge le jour où il apprend que les frais de route sont remboursés! Il va ainsi pouvoir rester dans le circuit... et cela fait 20 ans que ça dure!
Joseph n'oublie pas les chevaux de trait qui ont accompagné ses premiers pas de meneurs. Mais comme il le dit, quand on a goûté aux chevaux de sang, on comprend que là est l'avenir du sport. Après la motorisation, les chevaux de trait se sont alourdit, pour produire de la viande. Il cite les bretons en exemple: on essaye aujourd'hui d'affiner la race en la croisant avec des pur-sangs arabes, des trotteurs ou encore des pur-sangs anglais, ce qui ne plait pas du tout aux vrais éleveurs de bretons. Mais cela n'y change rien: la vitesse demandée sur les concours n'est pas du tout adaptée aux chevaux de trait.
Aujourd'hui, Joseph exerce sa perspicacité principalement sur les concours nationaux et internationaux se déroulant en France. Il est dur de se limiter quand on ne sait pas dire « Non » à des amis! Jeunes chevaux, chevaux de traits... Joseph est sur les terrains deux weekends par mois pendant la saison. Et il ressent toujours le même plaisir à prendre les guides, que ce soient celles de ses deux chevaux, ou de son poney.... ou plutôt devrait-on dire le poney de son petit fils.
Joseph donne aussi des cours d'attelage et est examinateur. Il est d'ailleurs toujours actif au sein de l'Association Bretonne d'Attelage où il fait passer les galops. Il s'inquiète notamment des multiples modifications de règlement, et se demande si cela ne va pas finir par lasser les meneurs et apprentis meneurs. Il faudrait plutôt le simplifier!
Joseph a commencé à mener à 7 ans et n'a jamais lâché les guides. Alors régler un harnais, équilibrer une voiture, il sait un peu ce que c'est. Sur les terrains, les meneurs sont plutôt preneurs de conseils, même si Joseph avoue qu'il faut savoir le faire avec doigté... Il porte sur les meneurs français un regard très objectif et loin des polémiques. S'il pense que chacun devrait, dans l'idéal, avoir les bases du dressage monté avant de faire de la compétition, il reconnaît tout à fait que tout le monde n'a pas baigné dans l'équitation traditionnelle. Lui même n'a jamais sauté un obstacle! De même, ce n'est pas parce que l'on n'est pas meneur que l'on ne peut être un grand juge. Joseph ne critique jamais les notes de ses confrères: chacun est placé à un endroit différent autour de la carrière, et voit l'attelage évoluer sous un autre angle. Tous font leur travail consciencieusement, et certains sont plus sévères que d'autres.
Joint par téléphone pour l'occasion, Louis Basty ne tarit pas d'éloge. « Discret, gentil, pertinent, Joseph est très stable et rigoureux dans ses critères d'appréciation. Une croupière mal réglée? Il le verra toujours, et le dira toujours avec la même rigueur, toujours avec intégrité et précision. Il a énormément apporté à l'attelage, car il a une vraie culture équestre. Il a de vraies connaissances sur l'équilibre du cheval, comment le conserver. Cela fait 20 ans que je le vois opérer! Il vient souvent juger sur le concours du Haras du Pin. Nous avons organisé ensemble une épreuve de présentation à Sassy l'année dernière, telle qu'elles avaient lieu il y a 15 ans. L'objectif était surtout pédagogique, à la fois pour les meneurs et les spectateurs. Si la culture s'éteint avec les hommes quand elle n'est pas écrite, on a aussi besoin de personne pour la faire vivre en permanence, et Joseph est de ceux-là. Ses connaissances des chevaux, des chevaux de traits et jeunes chevaux, en ont fait le juge référent qu'il est aujourd'hui. »
Ses prochains concours? Tout simplement les CAI de Saumur et du Pin, mais aussi le concours de Sassy. Comme il conclut, tous ses amis sont sur les concours, qu'ils soient juge ou meneur.. et « tout le monde l'appelle Joseph »!