Lors de l’un de mes récents voyages d’affaires, il m‘est arrivé une anecdote qu’il faut que je vous conte :

         Alors que je partais pour une proche destination européenne sur un vol de notre compagnie nationale, celle ci, ou tout du moins, une certaine catégorie de personnel ayant décidé de se mettre en grève , nous obligea à attendre une heure dans le terminal avant d’accéder à nos places serrées.

         D’humeur maussade bien qu’ayant acheté un journal d’attelage, le hasard et l’hôtesse me firent asseoir à côté d’un passager dont la tête me disait quelque chose. Peu amateur du ballon rond, il me fut pourtant difficile de ne pas LE reconnaître.

         Or en avion, il en va comme dans l’ascenseur. Il n’y a rien de pire que de discuter avec votre voisin d’un sujet qui n’intéresse ni lui ni vous. Alors autant garder le silence.

Je décidais donc de ne pas l’importuner, espérant secrètement qu’il pensait la même chose.

         A peine assis, l’hôtesse, puis le pilote vinrent saluer mon voisin et s’excuser du retard indépendant de leur volonté. Mon voisin leur pardonna et les renvoya d’un geste condescendant à leurs taches respectives.

         Je les pardonnais à mon tour de ne pas s’être aussi excuser des 360 autres passagers qui semblaient à leurs yeux moins importants que mon voisin.

         A peine eus-je le temps de lire le sommaire de mon journal, que mon voisin chercha à entreprendre la conversation :

-          Alors, vous aussi, vous êtes dans le sport ? me demanda t il 

-          Oui

-          Et c’est quoi votre sport ?

-          L’attelage de compétition

-          La quoi ?

-          L’attelage de compétition. Nous participons à des épreuves où nous attelons des chevaux et avons 3 épreuves différentes à réaliser le temps d’un week-end. C’est très technique.

-          Et vous gagnez beaucoup ?

-          Parfois mais le niveau est très relevé, me défendis-je.

-          Et la France elle est bonne ?

-          Oh oui, lui mentis-je effrontément. La France est souvent sur les podiums.

-          Non, mais quand je dis vous gagnez beaucoup, je pense à l’argent, vous en gagnez beaucoup, ça paie quoi ?

-          Ca paie bien les vétérinaires, les marchands d’aliments, de matériels et parfois les concurrents gagnent une coupe, dis-je en pensant aux factures qui m‘attendaient sur mon bureau.

-          Bah alors pourquoi vous le faîtes si vous gagnez rien ?

-          Pour l’amour du sport, pour le drapeau, pour moi, pour rien, pour le plaisir

-          Ouais ouais, d’accord mais nous dans le foot aussi, mais en plus on gagne des millions et on est connu.

-          Mais attention, nous aussi on est connu dans l’Attelage. Tiens un  exemple, vous voyez ce journal , regardez,  lui là , et bien c’est le futur champion de l’année 2008. et il est déjà en photo

-          P’tet bien mais y gagne rien alors j’vois pas pourquoi y s’casse le c.. à faire tout ça.

-          Comme je vous le disais, pour le drapeau, pour le plaisir, pour lui, pour sa famille…

-          Ah ouais. Et la Fédé elle cool la Fédé , elle s’occupe bien de toi ?

-          Ah ça oui, elle s’occupe bien de nous la Fédération.

-          Ah elle t’envoie aussi une voiture à l’arrivée ?

-          Euh non. Pas à ma connaissance.

-          Ah tu vois, y s’foutent de vous.

-          Mais non mais non. Simplement nous sommes très indépendants et nous détestons que l’on s’occupe de nous, tentais-je vainement d’expliquer.

-          Ah ça y est on se pose. Bon ben salut et à bientôt chez Drucker.

-          Ok lui dis je ; Mais comment vous appelez vous lui demandai je ?

     Vexé il se retourna et rejoignit la maigre foule qui l’attendait.

     La vengeance est un plat qui se mange froid.