Article proposé par Arba, paru le 11/12/2007 08:43:02
Rubrique : Culture générale, lu 2725 fois. 4 commentaires
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A l’aube de la maniabilité, il y a 150 ans...


 

 

         On nous annonce, à grand renfort de trompettes que la présence  d’épreuves de maniabilité en attelage de tradition serait justifiée par l’existence  d’un texte ancien !

         ...Or, ce texte est bien connu de tous ceux qui ont lu  Faverot de Kerbrech. Il  s’agit simplement de l’ouvrage : « de l’AURIGIE. » Méthode pour choisir, dresser et conduire les chevaux de carrosse, de cabriolet et de chaise »  signé Mr le Chevalier D’H ( Chevalier d’Hémars ?) ancien élève du Manège Royal des Tuileries.

 

         De ce livre de 419 pages publié par Dondey- Dupré en 1819, à Paris, 46 rue Saint Louis, Faverot cite de nombreux paragraphes dont un, intéressant notre sujet, se trouve au chapitre : Du menage dans le passé ( Livre I chapitre IV page 157 ) sous le titre « Habileté des anciens cochers français. Défis et paris d’autrefois » : Il y est décrit un certain nombre d’épreuves de menage et de virtuosité que l’on peut sans crainte qualifier d’épreuves de maniabilité et qui donnent ses lettres de noblesse aux épreuves actuelles.. Tiffany’s comprises, mais qui s’accompagnent d’une virulente charge contre l’utilisation du galop en attelage !                                                                       

 

          Nous avons publié naguère des extraits de ce texte et les conclusions que l’on pouvait en tirer (Attelages Magazine N°35, déc. janv.2005, page 29), mais ne résistons pas au plaisir de vous le faire relire, en retournant cette fois à l’original et en complétant les paragraphes tronqués par le Général.

 

(Il s’agit de défis ou paris entre cochers se déroulant à l’époque qui a précédé la Révolution de 1789. On retrouvera des défis de ce type au siècle suivant, un exemple étant  le fameux « tour de cour » du chevalier - encore un !- Carlo Valerio, à Milan en 1846.)

 

 Voici donc  le texte intégral : Article 12   De L’Aurigie

 

  • « Les amateurs et les cochers les plus habiles s’amusaient quelquefois à conduire sans postillon, six chevaux ou quatre .seulement ; et quand ils les avaient maniés  pour les écouter et les disposer, ils exécutaient tous les airs à la satisfaction des connaisseurs. D’autrefois, des défis, des paris, avaient lieu entre plusieurs bons auriges. On parcourait une distance relative et déterminée au trot le plus vif, et le coup était perdu si le cheval levait le moindre temps de galop, qui est expressément défendu à tout cheval dans les traits. Ces expériences étaient très utiles pour la formation des attelages, et pour faire connaître les plus vigoureux trotteurs. Celui qui, pour suivre ses camarades, était obligé de prendre le galop avouait ainsi son impuissance, était reculé dans le cadre et on le plaçait avec ceux de son pied. (1)

 

(1) Dans les beaux jours de notre école, nous étions loin de prévoir que, deux ou trois lustres plus tard, l’aurigie française serait devenue tellement paradoxale, qu’on ferait courir, dans les fêtes publiques, des chevaux attelés, au plus grand galop : et qu’un artiste, aussi recommandable que célèbre, éterniserait de sa main savante, le ridicule monument de cette scandaleuse dégradation de notre art.
A quoi bon faire courir une fois ou deux, de cette manière, un cheval qui ne doit jamais servir ainsi ? Pourquoi induire en erreur les ignorants, qui croiront alors que l’attelage d’un homme puissant ou riche doit toujours être au grand galop ? Cet attelage aura bien plus de mérite pour le Prince ou l’amateur, s’il peut fournir un trot aussi vif que soutenu, et s’il a remporté le prix sur ses rivaux. Cette manière de conduire au grand galop, demande aussi bien plus de talent de la part du cocher qui a toujours ses chevaux en mains ; tandis que celui qui ne doute pas de son métier, ne cherche qu’à les faire fuir ventre à terre, ce qui les met en désordre.

Mais l’expérience a bientôt démontré qu’il ne peut résulter de cette absence d’ordre et de talent, que des accidents aussi graves que multipliés. L’évidence du mal a sans doute ouvert les yeux de ceux qui ordonnaient et n’ont plus ordonné les courses. (a)

(a)              Quant aux courses à cheval et à ces paris fameux qui en ont été la première cause, elles ne nous sont peut être pas venues des Anglais.
Elles sont plus anciennes que le règne de Louis XVI  ; car il est de fait qu’il y eût entre autres unes de ces courses en 1670, dans le bois de Boulogne, entre le maréchal de Bellefond et un particulier nommé Legrand. Le pari étant de 30.000 livres.

        Nous n’étions pas sans doute alors engoués des chevaux anglais ;  et il est     probable que ceux qui coururent étaient de précieux limousins ou normands.
 

  •    « Il fallait entrer au grand trot dans une cour, sans ralentir le train, en faire correctement le tour sur les quatre lignes et sortir de même on ne prenait un postillon dans ces paris que lorsqu’on devait tenir les huit.

 

On ne peut d’ailleurs se refuser à une vérité palpable. Le meilleur galopeur est propre à bien peu de choses ; un vigoureux et hardi trotteur est propre à tout, et durera le double. Il est fâcheux que l’homme instruit, puisque toujours écarté par une jalouse et basse ignorance, n’ait pu donner l’idée de faire exécuter ces jeux comme ils pourraient l’être.
Pourquoi ne pas les diversifier ainsi, et les faire devenir alors vraiment utiles et intéressants ?

1°/ On ferait courir plusieurs chars, attelés chacun d’un seul cheval.
2°/ Une seconde carrière serait fournie par d’autres chars, attelés de deux chevaux.
3°/ Il s’en présenterait d’autres attelés de trois.
Tous ces chars seraient à deux roues ; à flèche ou à brancard.
4°/ Pour terminer ces jeux, on ferait paraître des chars à quatre roues attelés de quatre chevaux,  en grandes guides.

Deux chars s’accrochant doivent perdre tous deux, et le cheval qui, dans sa course, lève un seul temps de galop, perd vigoureusement. Cochers, sachez choisir, dresser et conduire vos chevaux ! Qui ne mettra le plus haut prix aux vainqueurs.
Concluons que d’excellents trotteurs se placent toujours avantageusement ; et qu’un savant aurige aura le choix des meilleures places.

  

  •    « on plaçait un palet et telle roue devait passer dessus Il était jeté le plus près possible d’un mur, d’un arbre ou d’une berge qui bordait le chemin, et les deux roues du même côté  devaient repasser le palet ou l’écu, c'est-à-dire le couvrir .Il fallait avoir presque touché du nez de la fusée, l’arbre ou le mur, pour annuler le coup, et prouver, que l’écu était faux, c'est-à-dire trop près et impossible à repasser. Quand il était à la distance convenable, on le manquait rarement.
  •    « Un homme se portait en avant et plaçait deux palets à la distance de quatre pouces au plus (10cm) et sur une ligne parallèle aux roues d’un côté, il fallait que l’une d’elles ou les deux passassent entre les palets et sans les toucher.
  •    « On plaçait deux palets, l’un à gauche, l’autre à droite, à n’importe quel écart pourvu qu’il donnât au moins l’ouverture de la voie, et la roue de chaque côté repassait le sien . L’un était toujours posé en avant de l’autre.
  •  « On jetait aussi quatre palets à l’écart et à la distance convenable, et les quatre roues devaient en passer chacune un. Si la grande  roue touchait celui qui l’avait été par la petite, le coup était manqué et perdu.
  •    « On disposait, suivant  la voie du Diable  huit palets deux à deux, à quatre pouces environ l’un de l’autre (10cm), et chacune des quatre roues devait passer entre chaque paire, sans rien toucher. En tout état de cause, il fallait toujours soutenir un trot vigoureux qu’il n’était  permis de ralentir que quand on avait passé.
  •   «  il ne faut pas s’imaginer que ces palets étaient des écus de six francs qui auraient bientôt disparu, jeté sur le sable le plus léger, ou auraient été peu visibles sur le pavé même ; ces jeux se faisaient avec de petites planches arrondies au tour ou à la scie, qui avaient huit à dix lignes d’épaisseur ( 1,8 à 2,25 cm) sur trois pouces (7,5 cm) environ de diamètre, et étaient teints en noir. Nous en avions une douzaine.
  •    « On portait un pieu ; et quand on reconnaissait l’endroit convenable, on le fichait en terre, près d’un mur ou d’un arbre, de manière que si l’essieu avait sept pieds, l’espace ne pouvait être de plus de sept pieds et demi entre le pieu et le mur. Pour augmenter la difficulté on diminuait cet espace autant que possible ; enfin, on prenait sa course et on arrivait au but en passant par ce défilé. Celui qui, en retournant, marquait la trace de sa roue de dedans le plus près de la borne, avait gagné.
  •    « On se rendait à tel endroit où une rangée d’arbres alignés et suffisamment espacés permettait de faire le serpent, et on enlaçait les arbres, en passant à travers de droite et de gauche.

 

Si nous remplaçons les palets par des cônes, et rajoutons un chronomètre ...nous sommes bien aux prémisses de la maniabilité moderne !

 

 Nota: De nos jours,  on peut encore s’essayer au jeu du palet que notre ami Emmanuel Vantroys remet régulièrement à l’honneur lors de  son concours de Nanteuil le Haudouin, en Picardie.

 

 

 

  


  Commentaires
-merci par JeanClaudeGrognet (11/12/2007 15:39:40)
-sympat... par Fauch (11/12/2007 18:16:46)
-de l' par Arba (12/12/2007 08:37:54)
-Livre par Arba (12/12/2007 08:42:15)