Article proposé par JACKY, paru le 28/01/2007 16:13:08
Rubrique : Culture générale, lu 2779 fois. Pas de commentaires
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1600 "relais de poste" en Chine...


  Didier Gazagnadou, La Poste à relais, la diffusion d’une technique de pouvoir à travers l’Eurasie : Chine - Islam -Europe, ed. Kimé, 1994, 178p.


Le livre de Didier Gazagnadou montre la diffusion de la technique de la poste à relais de la Chine à l ’Europe en passant par l’empire Mongol. La poste à relais permettait la diffusion de la correspondance d’Etat exclusivement ; ce n’est qu’avec son développement en Europe à l’époque moderne que la poste pourra être utilisée par la correspondance privée.

Le système de la poste à relais, système qui consiste à faire voyager une nouvelle le plus vite possible grâce à des relais de chevaux installés à des intervalles fixes apparaît sous la dynastie des Han (IIe siècle av. J.-C. IIe siècle après J.-C.). Cette administration alors déjà puissante, liée à la fonction de surveillance du territoire et des hommes, est encore plus développée sous la dynastie des Tang (618-907).

Dans chacun des 1600 relais de poste de cette époque on trouvait de 8 à 60 chevaux méticuleusement suivis et soignés, une auberge et les entrepôts ; chacun était approvisionné par les champs alentours et les corvées d’état qui fournissaient également le personnel. Le courrier normal parcourait 80 à 120 kilomètres par jour tandis que le courrier urgent pouvait parcourir jusqu’à 320 km en 24 heures.

Le réseau était immense couvrant selon l’auteur plus de 32 000 km et faisant travailler 40 000 chevaux et 20 000 employés ; son coût de fonctionnement représentait peut-être un peu plus de la moitié des dépenses de l’État.

En Chine, la poste à relais remplit trois fonctions :
la surveillance de la paysannerie et de la société en générale (pour éviter les troubles)
la collecte efficace et bien renseignée des impôts.
la surveillance aux frontières des autres royaumes et, sous les Song, surtout des peuples nomades turco-mongols dont l’un des chefs, Gengis Khan, s’emparera de la Chine du Nord et de son système postal au XIIIe siècle.

Gengis Khan et ses successeurs ont construit le plus grand empire de tous les temps, du Moyen-Orient au Pacifique. Ils ont rapidement intégré les techniques administratives des conquis : les fonctionnaires personnes les Chinois étaient souvent employés. La taille gigantesque de l’empire mongol asans doute poussé ses maîtres à adopter le système postal des Songs. Ce dernier est d’abord étendu vers la Mongolie,vers le Turkestan et vers l’Iran. Il est ensuite développé dans tout l’empire : le réseau en Iran-Irak à partir de Tabriz comptait 12 000 km et le courrier pouvait y franchir 450 kilomètres par jour. Au total, les routes de poste mongoles s’étendaient sur 50 à 60 000 km. Mais au Proche-Orient, l’élan conquérant des mongols allaient se heurter aux armées mameloukes du futur sultan Baybars ; celui-ci est vite comprendre l’intérêt du système postal de ses ennemis.

Le système de poste développé dans le sultanat mamelouk est né d’une décision personnelle du sultan Baybars en 1260 ; la tête de réseau est ici évidemment le Caire, avec des noeuds secondaires à Gaza et Damas. À la poste à chevaux s’ajoutait une poste au pigeon est un système de signaux optiques qui pulvérisaient les records de vitesse : les signaux de fumée et de feu la nuit permettaient selon les sources de l’époque d’acheminer l’information de la frontière au Caire en une demi-journée.

En Europe, le 1er système de poste à relais apparaît dans le duché de Milan à la fin du XIVe siècle. L’organisation y ressemble beaucoup au système mamelouk : la distinction entre les relais de poste et les stations de poste, le fait que les courriers circulent de jour comme de nuit, enfin la formulation même des ordres de courrier express. Or les acteurs économiques milanais étaient très présents dans le levant. Seule différence notable avec les systèmes orientaux, la poste milanaise acceptait également la correspondance des particuliers. Si le système milanais a été créé par les Visconti, il est perfectionné par les Sforza qui lui donnent une dimension internationale avec des liaisons vers l’Autriche et vers la France. Dans ce royaume, c’est Louis XI, grand allié des Sforza, qui met en place le service de poste à relais ; les les premières routes partaient alors de la ville de Tours ; le courrier pouvait y parcourir plus de 330 km en un jour. Le réseau s’étendait sur 2000 km.

Louis XI et le dernier ici à créer un système de poste à relais uniquement réservé à la correspondance d’état : en 1603, sous Henri IV une décision du contrôleur général des postes fait de cette institution le service public qui transporte à la fois les correspondances de l’État et celle des particuliers.

Pour l’auteur, la différence entre le système de poste oriental, à l’usage exclusif de l’état, et le système de postes occidental, publique mais acceptant la correspondance privée, est liée à la différence entre l’État oriental et état occidental à partir les temps modernes : si pour les deux le système de poste à relais est un moyen de contrôle de l’espace et des populations, en Occident, l’état s’adresse à des individus qui peuvent aussi bien dénoncer à la police d’état que transmettre des informations subversives.

Dans les annexes, l’auteur décrit brièvement les autres systèmes de de poste à relais : celui de l’Empire Perse date de Cyrus le Grand (VIe siècle av. J.-C.) et est décrit par Hérodote : " l’ensemble de la route comporte autant de chevaux et d’hommes que de journées ; ils y sont disposés à intervalles, un cheval et un homme pour chaque étape d’une journée ; et ni la neige, ni la pluie, ni la chaleur, ni la nuit n’empêchent que chacun accomplisse à toute vitesse la course qui l’incombe ; le premier courrier remet au second les messages dont il est chargé, le second au troisième et ainsi de suite ils arrivent au but en passant de l’un à l’autre, comme chez les Grecs quand à lieu la course au porteur de flambeaux qu’on célèbre en l’honneur d’Hefaïstos."

Il n’est pas impossible, selon l’auteur que ce système perse ait inspiré la poste d’état de l’Égypte ptolémaïque, que le cursus publicus romain aurait ensuite imité, se poursuivant dans l’empire byzantin. Les arabes auraient également emprunté le système à la Perse Sassanide.

La thèse d’une diffusion de la technique à l’ensemble de l’Eurasie à partir d’une origine commune est évoquée à la fin de l’ouvrage à partir d’un certain nombre d’indices :
les documents d’identification des courriers très semblables chez les mongols et les mamelouks.
l’étymologie : le terme signifiant la poste en arabe se retouve du persan au latin en passant par le grec.
l’usage de couper ou de nouer la queue du cheval de poste.

Compte rendu : Marc Lohez



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