Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 09/03/2022 09:10:25 Rubrique : Interviews, lu 1863 fois. Un commentaire |
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Marion Lhote, le couteau suisse de l'attelage français
Peu de personnes dans la discipline de l'attelage peuvent se prévaloir de connaître toutes les facettes de notre sport, toutes les spécialités, toutes les difficultés que rencontrent les acteurs de terrain, qu'ils soient meneurs, bénévoles, juges, bureaux des calculs, techniciens, secrétariats, organisateurs, responsables d'équipe, les poneys, les chevaux de sang, les chevaux de trait, la SHF.... Marion possède le profil idéal pour une Présidente de Commission d'Attelage, voyez plutôt !
Comment Marion en est-elle arrivée à tant de compétences ? C'est ce qu'attelage.org a voulu savoir...
Depuis que Marion a découvert le poney grâce à des cousins à l'âge de six ans, elle n'a plus quitté le monde du cheval, « le cheval c'est une véritable vocation » dit elle. Cavalière de club, elle pratique plus tard l'endurance en compétition SHF et FFE. Elle passe avec succès son BAFA d'animatrice poney en 1996 et travaille au poney-club de Bois Guilbert (le premier poney club ouvert en France) pendant huit ans, pendant les vacances. Elle fait monter les enfants sur trois races de poneys (Shetland, Dartmoor, Connemara) avec pour mission d'établir un lien privilégié entre les enfants et les poneys en les faisant monter a cru, chaque enfant devant s'occuper durant une semaine du poney qui lui a été confié. « Tout cela m'a donné goût à l'élevage, à l'éducation du cheval ! Je voulais être vétérinaire équin mais j'ai raté le concours d'entrée. Je me suis orientée alors vers l'agronomie avec un succès soldé par un diplôme d'ingénieure. C'est l'association de race des Percherons qui a été mon premier employeur. Cette même année 2002, je découvre l'attelage grâce à l'association qui m'envoie sur un concours d'attelage pour y faire un reportage. C'était à Mondoubleau. Il y avait sur le concours Patrick Maudet et Jean-Charles Davoust. Jean-Charles n'ayant pas de coéquipier m'a invité à monter sur la voiture. À la suite de ce premier essai, j'ai pris goût à ce rôle de coéquipier ! »
« J'ai beaucoup groomé chez les chevaux de trait et les poneys, avant de mener moi-même Jérico, mon poney gris jusqu'en 2012, période au cours de laquelle je suis entrée aux Haras nationaux pour être nommée Directrice du Haras national de Compiègne. Malheureusement, quatre ans plus tard, et malgré la nouvelle orientation donnée au Haras en le redynamisant, en l'intégrant dans la politique de la ville, en refaisant du lien avec les acteurs cheval de la région, le Haras a dû fermer ses portes. J'ai eu un an pour gérer la fin de carrière du personnel.On m'avait aussi à cette époque-là confié le Haras national des Bréviaires. Ce Haras a connu la même destinée, même si le contexte local était différent ».
« A cette époque, désirant devenir juge, j'ai débutée comme juge Club grâce à Jean-François Trangosi qui m'a aidée dans l'apprentissage de ce rôle. Depuis j'ai gravi les échelons, et j'ai l' intention de devenir un jour juge international.
Cette année 2012 a été vraiment très riche pour moi, la possibilité de continuer ce rôle de coéquipier m'a été proposée par Maxime Maricourt qui était à quatre poneys, mais aussi par Laetitia, notamment au concours de Lignières. Dix ans plus tard, je reste très attachée à ce rôle de coéquipier.
Pour moi, il y a d'autres événements marquants, je voudrais remercier Louis Basty qui m'a donné la responsabilité des bénévoles du CAI du Pin durant trois années, et par la suite c'est Jean-Pierre Brisou qui m'a intégrée dans l'organisation des JEM 2014.Ça a été une expérience colossale.
Après 2014, la FEI avait annoncé les JEM a Bromont au Canada. Il se trouve que je connais le Canada et le Québec pour y avoir été quelquefois, et j'adore ce pays. J'y suis allé en 2016 pour me proposer comme bénévole au CAI de Bromont pour me placer pour les JEM. L'étonnement des Canadiens était notable ! J'ai retrouvé sur le concours Anne-Marie Turbé, Richard Papens, Mark Wentein... J'ai fait le même genre d'opération sur le CAI d'Aywaille en Belgique en 2021. Tout cela me permet de rester en contact avec le terrain, et c'est très très important pour moi ».
Tu as eu un rôle très important pour les chevaux de trait...
« Oui c'est vrai, c'est cinq années chez les percherons, et cinq années comme responsable de la Filière Trait aux Haras nationaux. J'ai à mon actif plusieurs routes européennes du cheval de trait dont la Route du Poisson, comme organisateur, chef d'équipe ou juge ».
Tu as également un rôle important de technicienne de l'attelage et diverses manifestations autres…
« Oui je suis opérationnelle sur certains concours pour tenir le Bureau des calculs (Système Driving) depuis 2007, juge FFE depuis 2013, juge SHF depuis 2014 ».
« L'organisation intérieure du Concours International de Dressage de Compiègne à laquelle j'ai participé durant trois années de secrétariat, a été aussi riche d'expériences nouvelles. C'est tout de même un concours cinq étoiles, le plus gros échelon dans la hiérarchie du Dressage international ».
Tu m'a fait parvenir quelques photos pour illustrer ta vocation, veux tu nous les commenter pour les lecteurs ?
"Ok, on y va ! "
Saumur 2012 : « un de mes premiers inter en tant que groom avec un poney magique, Pastel d'Ihia et une meneuse que j'accompagne depuis 10 ans, Laetitia Maricourt. Aujourd'hui, j'ai à cœur de transmettre mon expérience de groom ».
Pau 2013 : « mon premier championnat du monde, toujours avec Pastel et Laetitia C'est la première fois que je faisais une préparation pour un championnat du monde, c'est-à-dire deux années entières de participation concours avec Laetitia. Le dur apprentissage de ce type d'évènements, très formateur pour la suite. Nous n'avons malheureusement pas fait la performance que nous attendions malgré une belle saison de concours».
Compiègne 2014 : « il y a de l'émotion dans cette photo : le Haras national de Compiègne, c'est quatre ans de ma vie ; Jean-François Trangosi et l'ARAP, nous avons un grand rapport de confiance, je lui dois beaucoup; Clément Deschamps c'est un peu comme Maxime, je les ai connus quand ils étaient en formation BPJEPS, j'ai groomé Clément et j'apprécie toujours les échanges que nous avons lors de nos rencontres. Enfin une jument TDN, une race de cheval de trait que j'affectionne particulièrement... »
JEM 2014 : « un niveau de stress colossal, une expérience hors du commun. Une photo au secrétariat pour la préparation du marathon avec Benoît Campard, mon meilleur ami. Dès que j'ai besoin de quelqu'un de confiance, c'est Benoît que j'appelle. Benoît est groom de Sophie de Longcamp et d'Anna Christmann ».
Compiègne 2015 : « autre discipline, autre casquette : l'organisation et le secrétariat d'un concours de Dressage international : je revendique une grande curiosité et la nécessité d'aller chercher de l'expérience ailleurs que sur les terrains classiques ».
Cuts 2015 : « il aura fallu que je participe à un concours d'attelage de Tradition pour découvrir et apprécier la discipline et les gens qui la font vivre. Mon regard a complètement changé ce we ! C'est la famille Trangosi qui m'a prêté une voiture (moderne) et la jument Hilda, que les organisateurs ont bien voulu accepter. J'ai rencontré des gens très sympathiques et passionnés, des juges compréhensifs, c'est un milieu qui mérite d'être connu et dont on n'a pas n'a pas forcément la bonne image ».
Compiègne 2016 : « une vraie fierté d'avoir pu reconstruire un tridem en valorisant les compétences historiques de l'agent Joël Target qui a un vrai talent dans les mains. Une vraie fierté car le Haras national de Compiègne était connu pour avoir un tridem de grande qualité et nous avons pu le reconstituer. Pour moi, cela fait partie de la transmission d'un savoir-faire auquel je suis très attachée. C'est Alain Bahuchet, l'actuel président de l'AFA, qui a mis à notre disposition trois Franche Montagnes ».
Bromont 2016 : « aller voir ailleurs, toujours... Une expérience de bénévole exceptionnelle ».
Minden 2017 : « la fierté de faire partie de l'équipe de France dans des championnats du monde. Avec Laetitia, nous avons été sélectionnées au dernier moment ! J'ai annulé mes vacances prévues à la Guadeloupe, mais je ne le regrette pas. Ça a été mon troisième championnat du monde « poneys » ».
TransHenson 2017 : « le cheval local pour le plaisir et rester au contact de l'élevage. Je ne suis pas toujours d'accord avec un des fondateurs historiques de la race Henson, Marc Berquin, mais on discute ! Il y a tout un système économique derrière le Henson, qui est un croisement de Fjord avec d'autres races comme SF, PS, arabe, Espagnol. C'est un cheval rustique, facile d'entretien, idéal pour le loisir et pour l'attelage ».
Saumur 2018 : « changer de voiture pour continuer à apprendre aux côtés d'autres meneurs de talent... Cette année-là, j'ai groomé trois fois Marion Vignaud. C'est une expérience totalement différente qu'avec les poneys, cela a complété mon expérience de groom ».
Drebkau 2019 : « avec Maxime Maricourt à Drebkau aux championnats du monde en paire en 2019, un marathon que j'ai du faire en apnée".
Compiègne 2021 : « une belle brochette de juges et en particulier mes deux compères, Etienne Samain et Christophe Macrez, une autre facette de l'attelage que j'adore ».
Un mot pour conclure : « il y a bien d'autres personnes autour de moi qui auraient largement méritées d'être citées ; j'ai eu la chance de faire de très belles rencontres. »
Actuellement, Marion travaille à la DRAAF (Direction Régionale de l'Agriculture de l'Alimentation et de la Forêt) qui dépend du Ministère de l'agriculture. Sa mission : détecter, capitaliser et diffuser les innovations agricoles qui permettent d'aller vers une agriculture plus vertueuse.
Un grand merci à Marion.
© Interview JCG/attelage.org