Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 24/09/2021 08:57:02 Rubrique : Interviews, lu 2213 fois. 6 commentaires |
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Brigitte et Yves GIBON " le plaisir c'est le dressage "
Brigitte et Yves sont domiciliés dans un petit village, dans le sud de la Sarthe entre le Mans et Tours. Sur une propriété de 15 ha au milieu des bois Ils s'occupent principalement de leurs chevaux de compétition et de quatre chevaux retraités.
Pour préparer les compétitions ils disposent d'une grande carrière en sable, praticable toute l'année.
Naissance d'une passion, le dressage à l'attelage
L'image que moi j'ai depuis très longtemps de Brigitte et Yves Gibon, c'est de les avoir toujours vu sur les résultats qui parviennent à attelage.org, en tête du classement des épreuves de dressage. Cela a été renouvelé il n'y a quelques jours au concours du Meslay du Maine, Yves prenant la tête et Brigitte la seconde place du dressage. Ils ont terminé premier et troisième du concours.
Gilbert Gadois |
Yves Gibon : « il y a des raisons à une certaine régularité sur le dressage. Lorsque j'ai débuté l'attelage dans les années 95, à l'époque il y avait surtout des Derbys, des jeux de cow-boys autour d'une mania ! J'ai eu la chance de rencontrer sur le concours de Champfleur (Alençon), un monsieur qui s'appelait Fernand Beyer et qui nous a proposé de dérouler une demie reprise de l'époque.
Notre ami Gilbert Gadois qui a jugé cette 1/2 reprise, nous a amené à nous intéresser au dressage. Quand on est un autodidacte de l'attelage, il est très difficile de comprendre les tenants et les aboutissants du dressage. Les notes et les commentaires, les briefings individuels de Gilbert ont suscité notre intérêt et notre vocation pour le dressage. Nous le disons tout net aujourd'hui, si le dressage disparaissait des compétitions d'attelage, nous abandonnerions la discipline, et nous sommes nombreux à le penser.
Après cette époque je me suis engagé dans une formation que je n'ai jamais quittée. Étant adhérent de l'ADAO, j'ai eu comme premier intervenant Louis Basty, avec qui j'ai passé mon galop7. Un peu plus tard, ma rencontre avec Franck Deplanche a été MA grande révélation. J'ai fait beaucoup de stages avec Franck, je me suis souvent déplacé à Blois.
Brigitte Gibon a été dans ses débuts une cavalière de CSO. Après des problèmes de santé elle a trouvé dans l'attelage la solution pour rester dans la compagnie des chevaux. C'est avec Vital Lepouriel que sa passion pour le dressage a débuté avec le travail aux longues rênes.
" J'ai été éblouie et passionnée par son enseignement et le travail que l'on pouvait faire à pied avec les chevaux. Est venu ensuite l'attelage… Il a mis aussi beaucoup l'accent sur l'observation du cheval, sa locomotion, la qualité des mouvements, et le travail juste d'une manière plus générale. C'est une constante pour Yves et pour moi et c'est très important: nous avons toujours, toujours, toujours, cherché à progresser avec l'entourage de formateurs compétents. Aujourd'hui nous travaillons avec Renaud Vinck ».
Agnès Breteau |
Yves Gibon: « j'ai travaillé une vingtaine d'années avec Franck Deplanche. Brigitte travaillait avec Renaud au Pin quand il était à l'IFCE. J'ai vu qu'il était dans la même philosophie et les mêmes fondamentaux que Franck, avec peut-être une approche plus sportive. Nous continuons Brigitte et moi aujourd'hui avec Renaud et nous formons un groupe autour de son enseignement avec d'autres copains comme Fabrice Gespin, Arnaud Pépin, Pierre Benon, Laurent Richard, Claire Jacquinot, Benoit Bouix et notre groome Agnès Breteau.
"Agnès est plus qu'une groome, elle assiste et participe à nos entraînements dominicaux avec son jeune cheval ainsi qu'aux stages animés par Renaud. Il y a donc toujours chez nous deux regards extérieurs, de même formation (Renaud ) de même compétences, pour évaluer le travail de celui d'entre nous qui est sur la carrière. C'est une immense richesse».
Brigitte Gibon: « le travail avec Renaud se fait dans le respect du cheval, et ça pour nous c'est très important. Les objectifs sont inscrits dans le long terme, le travail ne se fait pas dans "des recettes" et "des solutions de court terme". On avance d'une manière méthodique, logique, constructive. C'est passionnant !
Nos stages sont réguliers mais tout de même plus concentrés pendant la période hors concours. Nous sommes nombreux dans la région à travailler avec Renaud. Nous travaillons aussi beaucoup avec les vidéos et nous envoyons à Renaud. Il nous rappelle ensuite pour faire part de ses observations. Et puis le dressage améliore le marathon et la maniabilité.
a.o: « on vous verra un jour chez les élites » ?
Yves Gibon: « non, déjà parce que je suis d'un âge maintenant avancé pour les compétitions. Et puis le marathon je n'affectionne pas particulièrement. Je me fais plaisir chez les amateurs, j'en resterai là, avec les copains que j'ai cités ».
Brigitte Gibon: « l'élite non, d'abord nos chevaux sont des chevaux d'amateurs. Il faut être lucide et cohérent. Nous en tirons des choses intéressantes, mais cela reste des chevaux pour des amateurs ».
a.o: « vous avez été Champion de France l'un ou l'autre » ?
Yves Gibon: « ni Brigitte, ni moi ! J'ai toujours fait le truc qu'on ne fait jamais. Prendre une porte en mania avant une autre par exemple. Je connais un peu le podium, je suis comme qui dirait le Poulidor de l'attelage. Je n'ai remporté que la finale jeune chevaux à Saumur en 2005 ».
Au fil du temps
Brigitte Gibon a débuté la compétition en CSO avec Ayack de la Barre dans les années 1999, dans des épreuves de classe C. Le cheval tournait avec un cavalier professionnel dans des séries B et A.
Brigitte Gibon: « Ayack a aujourd'hui 35 ans ! Il est encore bien dans sa locomotion et il mange. Je l'ai eu à l'âge de cinq ans. C'est plus de vie commune que mon mariage avec Yves (rires). J'ai rencontré Yves lors d'un stage avec Vital Lepouriel ».
« En 2006 je suis passée à l'attelage avec Lorenzo du Madre, un super poney qui a un peu grandi j'ai dû passer chez les chevaux. C'est Vital qui avait repéré ce poney lors d'une finale SHF. Parallèlement Yves avait à l'époque Major de Jy, et Vital disait que vous nous avions des chevaux exceptionnels. Lorenzo a fait de l'emphysème, j'ai dû l'arrêter. Il est aujourd'hui retourné chez son naisseur.
La suite en 2014 se fait avec Gepard Gustav un Polonais/KWPN. C'est un cheval un peu compliqué. Il commence à devenir plus facile, mais il a 16 ans ! J'imagine bien une relève, mais les bons chevaux ne sont pas faciles à trouver. La race m'est égale, mais je voudrais un cheval avec du potentiel "dressage" pour me faire plaisir ».
Brigitte Gibon et Gepar Gustav
« BG:Nous avons été longtemps grooms pour l'un et l'autre, mais c'est aujourd'hui un temps révolu ! Yves n'est pas du genre patient mais notre amie Agnès Breteau complète très bien l'équipe. Ainsi notre rendement est supérieur ».
2015 A Deauville, dressage sur la neige organisé par Christian Derrey
Yves Gibon a débuté l'attelage avec un trotteur réformé les courses, mais c'est en 1999 qu'il débute la compétition avec Etoile de Mai, un cheval de trait.
Yves Gibon: « C'est Franck Deplanche qui m'a fait acheter Etoile en 1999. Elle avait remporté les SHF avec Jean-Louis Danvy qui était Président des Cobs dans la Manche. Je savais qu'elle ne ferait pas une longue carrière car elle avait des vessigons aux jarrets. Elle avait de belles allures, elle m'a permis de comprendre les allongements, ce qui a conforté mon intérêt pour le dressage.
" Est venu ensuite Major de Jy , il avait 4 ans et demi lors de l'achat . J'ai pu faire la deuxième SHF et là aussi Vital Lepouriel avait remarqué les qualités du cheval. J'ai continué les concours de chevaux de trait jusqu'en 2009.
Major de Jy à Reignac où il a été vainqueur à plusieurs reprises
« J'ai fait le Mondial organisé à Conty. C'est l'époque où je ferraillais beaucoup avec Patrice Bagilet et Grand Marais. Je prenais un peu d'avance au dressage, mais les qualités exceptionnelles de Grand Marais prenaient le dessus au marathon. J'ai terminé à un point et demi de lui sur le Mondial ! Je vous dis je suis le Poulidor de l'attelage ».
2009 Major de Jy au Mondial du Trait
« Est venu ensuite (2009-2010) la reprise "au rabais" pour les chevaux de trait, les quatre portes marathon, le temps autorisé dans les obstacles, les concours pour les chevaux de trait étaient devenus inintéressants. Je suis donc passé chez les chevaux de sang. Après quelques inquiétudes, je m'y suis finalement bien intégré pendant cinq années. J'étais souvent le leader au dressage. Major de Jy est mort en 2016. Il y avait aussi à cette époque un autre meneur chez les chevaux de trait, je veux parler de Didier Mathis avec son cheval percheron Manitou. En final à Lisieux pour le Championnat de France, j'ai pris une porte à l'envers, lui aussi, nous avions une poignée d'écart, voilà comme ça rien n'a changé et nous sommes restés bons amis (rires).
Il est dommage que les concours de chevaux de trait soient tombés aujourd'hui en désuétude. Dans les concours il y avait parfois plus de chevaux de trait que le chevaux de sang. Pensez qu'au Meslay du Maine cette année il n'y avait que 20 chevaux de trait… Il y a eu de très bons meneurs en chevaux de trait, Sébastien Vincent, Thibault Coudry, Hervé Conan .
Maintenant c'est plutôt mieux, mais on serait passé dans l'excès inverse avec le rassembler ! Au marathon ils n'ont toujours que quatre portes, les meneurs sont frustrés il pourrait faire au moins cinq portes. Le cheval de trait est un bon tremplin pour passer aux chevaux de sang. Il y a des meneurs qui passeront peut-être aux chevaux de sang par défaut, comme Philippe Aspeele qui est souvent seul dans sa catégorie 2 chevaux. On ne progresse qu'en se mesurant aux autres.
Major de Jy a fait un aspergillus guttural à 16 ans, il en est mort. Ça a été un drame.
J'ai eu beaucoup d'hésitation avant de reprendre un cheval. J'envisageais la promenade... Le hasard a fait que j'ai acheté Radieux du Peupé… sur le Boncoin... (Rires) … oui oui absolument, pour les balades c'était bien suffisant.
Je suis allé voir ce cheval à Maisons-Laffitte je n'étais pas très enthousiaste au premier chef. La propriétaire m'a proposé de prendre le cheval à l'essai plusieurs semaines... Franck Deplanche à qui j'ai montré le cheval lui a trouvé des qualités développables dans les trois allures, finalement j'ai gardé le cheval. Radieux du Peupé est un franche montagne typé trait plus que cheval de sang comme l'on voit chez les franches montagnes d'aujourd'hui ».
Radieux du Peupé que l'on voit ici dans une très belle attitude: à l'écoute dans l'action, les oreilles vers l'avant, bien relâché, au contact sans excès.
Il y a 3 ans, un cheval juste dans une "bonne attitude élémentaire"
« Renaud m'a fait beaucoup progresser avec Radieux du Peupé, il m'a donné les conseils et la technique pour rééquilibrer le cheval qui était notoirement sur les épaules. Aujourd'hui je me fais plaisir avec mon petit cheval sachant que c'est un cheval d'amateur. Quand on travaille un cheval ayant un minimum d'aptitudes et dans le bon sens, on arrive à faire mieux qu'un meneur qui a une mauvaise main avec un très bon cheval. Radieux est Vice Champion de France 2020 en chevaux de sang à Lignières ».
Radieux du Peupé à Verdille en 2021. Il a 12 ans, on voit se dessiner le changement d'équilibre, il est encore perfectible.
Le concours d'Écommoy
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© JCG/attelage.org |
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Yves est Président de la société des courses de l'hippodrome d'Écommoy sur lequel vient de se dérouler un concours d'attelage.
Yves Gibon: «Le Président de l'Association d'Attelage Sarthoise Benoît Bouix me connaît très bien étant moi-même membre de l'association, voilà comment se sont faites les choses ! La première d'attelage sur l'hippodrome d'Écommoy est une réussite à 95 %. Comme toute entreprise humaine il y a des choses à améliorer, notamment la carrière de dressage. Nous avons travaillé le sol trop près de la date du concours, il n'a pas eu le temps de se refaire une santé .
Le site se prête très bien à l'organisation d'un concours d'attelage. Nous avons un bon ensemble d'une cinquantaine de bénévoles, ce qui nous permet de prévoir un deuxième concours, toujours avec un marathon. C'est le problème qui se pose à beaucoup d'organisateurs aujourd'hui, disposer de 40 à 50 bénévoles pour l'épreuve du marathon. Nous avons retenu les dates du 30 avril et 1er mai en 2022 pour le prochain concours d'Écommoy.
Sur les hippodromes de la fédération Anjou/Maine, il y a le Meslay du Maine, Cholet, Écommoy. Il est vrai que nous sommes géographiquement bien situés, Lisieux et Luçon ne sont pas loin »
Brigitte Gibon: « il y a une très bonne dynamique entre les présidents des hippodromes. Ils acceptent tous d'autres activités sur les hippodromes, et notamment l'attelage. Ils s'ouvrent au monde de l'équitation d'une manière générale. L'un des tous premiers a été Lisieux (*) avec Alain Jan à la baguette.
Dans notre CRE du Pays de Loire notre responsable attelage Michel Naulet dynamise beaucoup la discipline. Nous remercions Michel et le CRE pays de Loire pour l'aide financière apportée à la formation».
* ndlr: le tout premier a été naturellement l'hippodrome de Compiègne, déjà dans les années 80.