Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 27/05/2020 12:38:29
Rubrique : Interviews, lu 3780 fois. Un commentaire
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MICHAËL SELLIER: " le haut niveau international est un levier pédagogique "


 

 

 

                                       MICHAËL SELLIER, une seconde vie.    

          Deux années déjà que Michaël Sellier a raccroché les guides après avoir titillé le plus haut sommet dans la catégorie des deux chevaux, au championnat du monde à Lipica. Il avoue cependant avoir toujours la compétition dans la tête, de fait il baigne toujours dans l'attelage au quotidien. Quoi de plus normal après plus de 20 ans passés sur les concours, dont 10 dernières années très riches d'expériences. A son actif plusieurs championnats du monde, et ce dans les catégories différentes : un poney, un cheval, deux chevaux. Médaillé dans les deux dernières catégories, ils sont deux en France avec Stéphane Chouzenoux à être titulaires de cette performance.

 

                                                                               La passion

Boyd Exell coaching gagnant

          « J'ai vécu en apothéose mes dernières années chez Boyd Exell avec ma paire de chevaux. J'étais régulièrement dans les cinq meilleurs mondiaux, alors comment ne pas faire avec tant de souvenirs ? Cette période a marqué ma vie, je me suis beaucoup impliqué pour la réussite de mes objectifs. Ceux qui pensent que la raison de mon arrêt et due à mes relations avec Boyd Exell se trompent. J'ai été tout simplement rattrapé par le système, et non pas suite à mon changement de chevaux.

          En allant chez Boyd j'étais conscient de mes choix. Mettre les chevaux chez lui était économiquement la meilleure solution, et celle qui me permettait d'atteindre mes objectifs. Mais l'économie m'a rattrapé. Je savais à cette époque, et j'en suis persuadé plus encore aujourd'hui, de tels objectifs ne vont pas sans un engagement profond en terme  de finances et encore plus d'investissement personnel de travail. Les deux sont indissociables : mettre de l'argent sur la table ne suffit pas, s'investir dans le travail sans moyens financiers ne suffit pas non plus. On rencontre encore aujourd'hui ces deux types de situation chez les meneurs, ils ont l'un ou l'autre, rarement les 2 à la fois. Après, le succès et c'est aussi la maîtrise de tous les petits détails, avec un petit brin de chance, mais la chance il faut lui laisser le moins de place possible.

          a.o: on ne peut aujourd'hui faire autrement dans cette catégorie deux chevaux pour atteindre un podium mondial ?

          M.S:  « je pense qu'en single les choses sont plus simples et plus faciles pour trouver l'équilibre entre investissement de travail et investissement financier. Chez les deux chevaux et plus encore chez les quatre chevaux, sans financement solide et sans possibilité d'investissement de travail en temps, en coaching, en préparation mentale, on ne peut pas jouer dans les 15 meilleurs mondiaux. Aujourd'hui il faut des sponsors qui apportent un véritable revenu financier régulier. Le seul professionnel de l'attelage c'est Boyd Exell. Les autres comme Chardon, de Ronde, Sandmann sont des professionnels plus largement du monde équestre. Ils font du business de différentes façons, comme la vente des chevaux. »

         

 

                                                                               L'attelage en surpoids

          a.o: cette évolution vers le professionnalisme est parfaitement perceptible en effet. Mais l'attelage n'est-il pas trop pauvre en dotation, le système international ne finance t il pas insuffisamment les meneurs ? le haut niveau attelage n'est il pas de ce fait menacé ?

          M.S: « tout à fait! si l'on regarde l'investissement financier demandé. En CSO, quand on fait des podiums tous les week-ends, on gagne sa vie. Il y a aussi je pense, des révisions à faire dans nos concours. Aujourd'hui l'organisateur supporte des coûts inutiles. Si je prends le concours de Chablis que je connais bien, mais c'est la même chose pour les autres concours, il y a des frais qui ne servent à rien : la visite vétérinaire ou les juges de commission qui viennent en supplément des juges de terrain par exemple. La visite vétérinaire oblige les concurrents à venir deux jours plus tôt sur le concours, pour un passage de deux minutes devant les juges et un vétérinaire. Pourquoi ne pas laisser au Président du jury et aux autres juges, la responsabilité d'éliminer  un concurrent durant la reprise de dressage, d'un cheval  dont la locomotion ne serait pas satisfaisante ? Il y a matière à réflexion et l'on peut certainement trouver une organisation satisfaisante pour cela. Les meneurs gagneraient une nuit de déplacement sur le concours. Et puis, sur un plan éthique, cela reviendrait à mettre plus de responsabilités sur les concurrents qui ne joueraient plus à la "roulette" avec un cheval qu'ils savent litigieux. Voilà d'énormes économies pour l'organisateur.

          Autres point de confort pour les meneurs, il faudrait comme dans les pays du Nord que les concours se terminent plus tôt. A 19h tout le monde devrait être rentré pour aller au boulot, à l'école ou au lycée le lundi matin. Parlons aussi des juniors ! On leur demande de fonctionner comme des adultes alors qu'ils n'ont pas les mêmes disponibilités de temps. Bref toutes ces lourdeurs je les ai connues comme meneur.

          Les concours spécialisés sur une ou deux catégories apportent davantage de qualité en termes d'organisation, de terrain, d'obstacles ou de piste de maniabilité... et des primes plus substantielles pour les meneurs. Les usines à concours qui ouvrent à toutes les catégories peuvent avoir une certaine réussite, à condition de proposer des obstacles différents selon les catégories, ainsi que des pistes différentes pour la maniabilité. Bonjour le boulot pour le chef de piste ! Ce qui est certain c'est que les concours spécialisés ont montré un autre standing que les concours ouverts à toutes les catégories. »

 

                                                                               La continuité

          M.S: « j'ai toujours eu en marge de la compétition, une activité de coaching. J'ai conservé cette activité . J'ai beaucoup aimé organiser l'encadrement de l'équipe des Juniors à Schildau qui s'est soldée par deux médailles d'or et une médaille d'argent par équipe, le soutien que j'ai apporté à Marion pendant 10 années, et tous les progrès de mes élèves amateurs sont parvenus au championnat de France. J'ai cette passion d'enseigner et de coaching. La fédération belge m'a sollicité il y a deux mois juste avant la Covid pour participer à un rassemblement des meneurs belges avec deux autres intervenants... Je vais également au Luxembourg et en Suisse, je crois qu'ils apprécient mon approche de la compétition moderne.

 

 

          C'est une carte de visite que je veux développer : faire profiter de ceux qui le désirent de mon expérience internationale et du sport moderne. La vision du sport d'attelage que j'ai aujourd'hui peut profiter à beaucoup. Une chose qui m'a aidé et qu'il faut absolument utiliser, c'est la préparation mentale. Ma performance au  dernier  championnats du monde est liée à ma préparatrice Johanna. En ayant vécu le sport moderne on peut transmettre les bons codes aux élèves. Il faut avoir cette vision. J'ai aussi mon côté maréchal ferrant… d'avoir été le maréchal pour l'équipe de France aux JEM de Caen, et maréchal pour des cavaliers de haut niveau, ça donne une vision plus perspicace du sport… Entraîner de nouveau l'équipe de France des Juniors me plairait beaucoup. Il y a une réflexion à avoir sur le poste d'entraîneur. Je crois que ce doit être un poste à plein temps que l'on ne peut être à la fois meneur et entraîneur. C'est de la dispersion est au bout du compte de l'inefficacité. On ne peut faire son sport et faire de la haute compétition, et prendre de son temps pour faire tout autre chose, même si l'on en a les capacités. Là aussi j'ai cette expérience. Quand je me suis occupé des juniors, j'ai pris de mon temps personnel et même financièrement en apportant à ces juniors les services de ma préparatrice mentale. Et puis, pour un coach, un entraîneur, ne pas s'investir à 100 % c'est tromper et ne pas être totalement honnête.

          Dans la compétition moderne, il y a une réflexion importante à développer sur l'épreuve de maniabilité. Je m'investis aussi aujourd'hui sur cette épreuve. Avec l'organisateur de Genech, Monsieur Pierre Dorchy j'ai partagé plein de choses de mon expérience internationale de ce que j'ai pu voir ailleurs, et que nous avions mis en place à Chablis. Il faut professionnaliser ce métier de chef de piste. La maniabilité doit être la continuité du dressage, elle ne doit pas prouver que le cheval est bien dressée en proposant des parcours trop tordus. Ceci dit une petite réflexion, les concours organisés par des meneurs ont souvent une dimension supérieure. »

 

 

 

          © JCG/attelage.org

         

         

 

 

 

 

 

  

 


  Commentaires
-Point de vue intéressant par Zebulon (28/05/2020 08:24:30)
beaucoup de reflexions intéressantes. On voit bien le fossé qui se creuse, chez les teams il n'y a plus beaucoup d'équipes à l'internationale. l'attelage serait il en train de s'essouffler ? et comme le dit Michaël, "trop de graisse" ... ?