Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 09/04/2020 19:40:19 Rubrique : Interviews, lu 2156 fois. Pas de commentaires |
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CARINE POENTIS .... vers un nouvel horizon !
Kisber 2019, le championnat du monde poneys : Carine Poentis, une bonne chance française pour le podium est victime d'un terrible accident sur le gué du marathon. L'un de ses deux poneys et gravement blessé aux deux genoux, il sera hospitalisé et indisponible pour de nombreux mois.
Carine Poentis fait un retour remarqué à la compétition au printemps 2020 au concours d'Uzès, mais aux guides de quatre poneys.
Beaucoup de curiosité et de questions nous interpellent évidemment sur ce changement de catégorie... questions que nous avons posées à l'intéressée.
a.o : bonjour Carine. Quelle surprise de te retrouver en attelage à quatre poneys ! C'était programmé depuis longtemps ? Terminé l'attelage en paire ?
CP: non, rien n'était programmé, tout a basculé après le championnat du monde. C'est Benjamin Aillaud qui me groomait sur le marathon, on a passé le concours ensemble avec Mickaël Freund. Benjamin a donc vécu de l'intérieur l'organisation de l'équipe construite avec Mischa (Mickaël Freund). Il y a donc eu une vision précise de ce que nous avions mis en place depuis trois ans.
Joka le miraculé... |
Après cet accident j'ai eu une longue période de flottement, et pour tout dire j'ai envisagé d'arrêter la compétition, ça a été très dur. Imaginer sacrifier un poney sur l'autel de la compétition m'est insupportable...
Aujourd'hui Joka est rétabli à 100%. Il est encore en rééducation, mais il va bientôt reprendre l'entraînement. C'est une nécessité, car il a fait une telle rééducation dans un centre spécialisé pour les chevaux de course, et qu'il faut entretenir tout ce qui a été fait, et ne pas le mettre au fond d'un pré.
Durant les 2 mois durant lesquels le poney a été hospitalisé à Budapest, nous avons longuement échangé entre Mischa, Benjamin et moi. Les observations pertinentes de Benjamin ont été décisives. Il est vrai qu'à force d'entraînement je suis parvenue à me hisser avec Mischa au niveau de l'élite de la catégorie deux poneys. Mais la technique, n'était sans doute pas suffisante, il fallait lui ajouter une autre dimension: le plaisir et la motivation ont toujours été mais à quel prix ! Les poneys à 1200 km de la maison... des voyages incessants avec Lufthansa ...
Benjamin et Magali (son épouse), ont donc cherché une solution pour me rendre « la vie plus facile ». Au cours de l'une des différentes rencontres que j'ai eues chez eux, Benjamin m'a proposé de tenter l'attelage à quatre, qui, selon lui, demande beaucoup plus de "complicité et de liberté à donner aux chevaux". Il m'a ainsi expliqué que si j'avais atteint le niveau technique nécessaire à la haute compétition, cela n'était pas suffisant: il fallait trouver un sens de l'équilibre, de la liberté, de la confiance ...
a.o : c'est le message que l'on entend chez les cavaliers sous une autre forme ? comme savoir traverser la technique et permettre à la personnalité du cavalier (ou du meneur) de s'exprimer à travers les chevaux ? Les communicants ou chez les gens de théâtre on appellent ça aussi "l'humeur et le charisme".
CP : oui c'est tout à fait ça! Il faut arriver à s'exprimer comme un artiste. Nous avons donc mis sur pied un projet commun autour de l'attelage à quatre poneys en accord avec Mischa. Benjamin aujourd'hui s'installe à côté de Montauban pas très loin de chez moi, ce qui facilite la période d'apprentissage.
a.o : tu avais déjà mené à 4?
C.P : pas du tout et je n'étais vraiment pas fan de l'attelage à quatre ! Je trouvais qu'ils n'allaient pas assez vite au marathon ou en maniabilité, même si cela me faisait rêver en dressage, comme l'attelage de Chester Weber que je croisais chez Mischa.
J'ai fait un stage avec Benjamin début décembre après avoir acquis deux autres poneys qualiteux qui ont une qualité essentielle : la gentillesse. Ils sont en volée, deux poneys allemands que j'ai achetés à Didier Schierer. Des poneys qui ont été gentiment mis en route, et qui ont à leur actif déjà de la « découverte ».
C'est le jour de mon anniversaire que j'ai fait mes débuts pendant quelques minutes ! Un merveilleux cadeau ! Étonnamment les poneys n'ont pas posé de problème, comme s'ils avaient fait ça toute leur vie. 3 semaines après, je revenais en stage et là les poneys sont restés chez Benjamin pour être confirmés dans l'attelage à quatre, ce qu'à mon niveau je ne suis pas encore capable de faire.
Les poneys sous la main de Benjamin
CP: on a fait un stage à Lamotte-Beuvron avec les attelages à 4 chevaux. On a pu y participer à un grand rassemblement des techniciens et dirigeants de la fédération avec le Président Serge Lecomte et un nouveau partenaire de la fédération. Avec Anthony Hordé nous avons fait une démonstration de l'attelage à quatre. Nous étions intéressés de voir le comportement des poneys avec le bruit, les applaudissements, le public… mais tout s'est bien passé. C’était une donnée essentielle pour nous de connaître le comportement de ces nouveaux poneys.
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CP: avant la période de confinement actuelle je me rendais tous les week-ends chez Benjamin et Magali pour améliorer ma technique. Séance après séance j'ai appris, on a monté les « briques » de façon méthodique. J'ai pu rapidement faire des exercices complexes pour mon petit niveau, pour arriver deux mois plus tard au concours d'Uzès.
On a débuté d'emblée sur la reprise élite, sans maîtriser la conduite à une main et j'ai bouclé le marathon et la maniabilité !
a.o : oui c'est remarquable après seulement deux mois de travail..
CP: j'ai effectué les figures de dressage à une main du mieux que j'ai pu, et je suis satisfaite de cette première expérience..
Au marathon Benjamin était sur la voiture, il veillait à ce que je ne prenne pas trop de vitesse, et que j'apprenne techniquement à négocier les obstacles en faisant les boucles et bien évidemment sur des trajectoires larges. Je me suis régalée, j'ai été de suite très en confiance.
Pour la maniabilité, j'avais découvert les serpentines une semaine avant ! Je n'ai fait que 2 fautes avec des trajectoires faciles.
a.o : tu avais sans doute d'autres projets après Uzès ?
CP: oui on avait prévu Lignières, Saumur et Chablis… Je pense que tout va être annulé jusqu'en juillet. Le confinement sera probablement levé avant juillet, mais les rassemblements interdits… J'ai prévu de retravailler avec Benjamin dès la levée du confinement, mais ce sera probablement une année blanche de concours. On fera des simulations d'épreuves de concours.
a.o : tu as ramené les poneys chez toi. Tu as les installations qu'il faut pour travailler ?
CP: j'ai tout ce qu'il faut pour travailler à la maison. J'ai une piste de 4 km, une carrière de dressage, la famille m'accompagne sur la voiture. C'est un confinement famille puisque nous habitons tous sur le domaine. Tout le monde profite aussi des poneys puisqu'ils étaient aussi absents depuis trois ans.
a.o : le confinement dû au coronavirus a un côté positif ...
CP: je passais rarement plus de deux ou trois jours chez moi. Me voilà maintenant depuis trois semaines à la maison, c'est une découverte ! Au fil du temps j'améliore le dressage des poneys. C'est une période dont il faut tirer profit, elle me permet de faire mes propres expériences, et de mieux connaître mes poneys. Les trois nouveaux, je les découvre un peu plus chaque jour. On les met aussi tous ensemble au paddock, c'est très important, ils apprennent à se respecter les uns les autres. Les fortes têtes du groupe se sont calmées depuis ! Magali avait soigneusement préparé cette mise en liberté en groupe, cela fait partie de l’esprit Aillaud, celui du bien-être des poneys, de faire vivre ensemble des personnalités qui apprennent à se respecter.
Je maintiens le contact avec Benjamin avec des vidéos. J’attèle en paire, et je constate les progrès incroyable qu'ils ont fait depuis qu'ils sont attelés à quatre. Je regrette maintenant de ne pas avoir attelé à quatre auparavant... Ils ont gagné en équilibre... c’est impressionnant !
a.o: c'est peut-être dû au travail de Benjamin ?
CP: oui sans doute, mais l'attelage à 4 me fait mener « en donnant et en recherchant un équilibre longitudinal beaucoup plus juste », alors que l'attelage en paire me faisait mener avec beaucoup plus de tension. Et puis sur les poneys de volée on peut aborder « de l'épaule en avant, de la cession… ». En vérité je « n'arme » pas les poneys comme je le faisais avec la paire. Comme me dit Benjamin, si tu « armes » ton attelage à quatre comme tu le faisais avec ton attelage à deux, tu ne les maîtriseras pas. Le travail des poneys chez Benjamin et Magali se fait dans la douceur, dans le relâchement, sans enrênement, parfois à pied aussi, mais néanmoins avec de l'exigence, avec beaucoup de transitions. La combinaison des deux approches Mischa/Benjamin est très intéressante. Bon, voilà je suis maintenant une convertie à l'attelage à quatre, c'est un autre sport !
a.o : l'effet de mener un groupe, donne-t-il un sentiment de « domination ou de pouvoir » qui provoque le plaisir ?
CP: justement non… Il y a une telle puissance une telle force, que les chevaux doivent être avec le meneur, en accord avec lui, il y a beaucoup de complicité. Même avec des poneys c'est impressionnant. Mon premier galop je l'ai en mémoire, auparavant je n'imaginais pas la sensation de puissance, une puissance décuplée. Tu t'imagines Boyd Exell sur la Coupe du Monde indoor ... Il faut un dressage et une harmonie avec les chevaux. L'attelage à quatre demande une concentration extrême, c’est une qualité que j’aime développer. Il y a une bonne équipe chez Benjamin qui me fait découvrir toutes les facettes de cette catégorie. C'est passionnant !
Interview JCG/ attelage.org