Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 06/02/2020 09:15:17 Rubrique : Interviews, lu 3124 fois. 2 commentaires |
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LAURE PHILIPPOT SARLET (Bel)
Laure Philippot Sarlet (*) a réalisé une très belle une année sportive 2019. Normal donc qu'attelage.org s'intéresse à cette jeune femme, qui pourrait bien figurer sur le podium du prochain championnat du monde des attelages à un cheval. Pour citer quelques concours : 1 ère au CAI du PIN, devant Marion Vignaud et Jean-Michel Olive, 2 ème au CAI de Bornem derrière Saskia Siebers (Ned), 2ème à Pisecne nad Dyji (Cze) devant Bartlommiej Kwiatek, 1 ère à Pau … Voilà pour les références.
(*) « En Belgique les épouses conservent leur nom de jeune fille, le nom du mari vient après. »
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Laure est mariée avec Jean Sarlet, (*) et est la maman d'un jeune garçon, Arthur, âgé de 12 ans. La famille habite à Marchin en Belgique, entre Liège et Namur, une situation géographique idéale pour les déplacements sur les concours d'attelage partout en Europe.
Le cheval c'est une affaire de famille. Jean est maréchal-ferrant et Laure monitrice diplômée, elle a débuté comme cavalière de saut d'obstacles. Aujourd'hui ils ont leur propre entreprise, elle y donne des cours d'équitation, mais plus encore des cours d'attelage. Elle fait également du commerce de chevaux. Des meneurs français, espagnols, suisses et belges ont eu recours à elle pour rechercher un cheval d'attelage. Son mari aime beaucoup ce commerce du cheval, à tel point me dit Laure « que parfois des chevaux que j'ai achetés ne sont pas passés à la maison, et ont été vendus par Jean sans que je puisse les évaluer ! On peut croire parfois, que si je vends un cheval c'est par ce qu'il ne me convient pas ou qu'il est mauvais. Ce n'est pas vrai, mon mari adore faire du commerce, c'est la première raison. Ensuite il faut savoir que nous n'avons pas beaucoup d'aides financières de la Fédération Belge FRBSE. Elle paie l'inscription des 3 meneurs de l'équipe du championnat du monde, et parfois une participation d'environ 50€ pour 1 ou 2 stages dans l'année. Le reste doit être financé en fonds propres. Il faut aussi savoir qu'en Belgique le sponsoring n'existe pas, on n'achète pas un cheval pour le confier un meneur. Ça se fait en Dressage et en jumping, mais pas en attelage. »
« A la maison nous sommes donc très "cheval". Arthur a été très tôt sur un poney. Aujourd'hui il monte bien, mais ce n'est pas un sport qui l'intéresse. On ne le pousse pas »
« à l'époque de mes 18 ans j'aimais beaucoup le saut d'obstacles »
L'époque Félix Brasseur
Laure a travaillé dans une écurie appelée Ry de Lize où Félix Brasseur avait ses propres chevaux. Elle a pris des cours, avant de commencer très jeune à travailler pour lui pendant ses temps libres, puis à temps plein pendant 15 années. La jeune cavalière y a fait également ses débuts à l'attelage: « pour être franche, je n'aimais pas du tout l'attelage, mais c'était la condition pour travailler. Il y avait ses chevaux de concours, mais il y avait aussi les poulains et des chevaux compliqués. Quelques chevaux que nous devions préparer pour des meneurs restaient à l'année. Ces chevaux là n'étaient généralement pas désagréables, mais le reste n'était pas toujours amusant à atteler. Quand on travaille dans les chevaux il n'y a pas que des chevaux intéressants. » C'est après les jeux équestres mondiaux de Jerez que Laure décide d'arrêter et de prendre sa carrière professionnelle en main.
Laure en sortie ou au travail. « Parmi les chevaux d'attelage que nous avions au travail au quotidien, je me souviens d'une paire de Mérens. Le propriétaire voulait que l'on prépare ses chevaux pour le concours »
Durant cette époque, Laure apprend aussi le ménage à quatre chevaux: « j'attelais régulièrement les chevaux de Félix. J'ai eu également cet attelage de Welsh Cob que l'on préparait pour faire des démonstrations à Monaco. »
L'attelage de Welsh Cob
La période compétition
« Un de mes premiers cheval a été un cheval lusitanien. Il allait bien sauf sur la route ! Impossible de sortir si quelqu'un n'était pas à sa tête.
Il y a eu des concours en Belgique, en France aussi ...
" j'ai attelé en paire des chevaux en concours nationaux. »
En attendant la remise des Prix au PIN 2018, champagne à la main mais aussi champagne pour le cheval !
Laure est championne de Belgique en 2018 à Flemalle
« Je ne participe pas spécialement aux championnats de Belgique, les concours sont trop près des grandes échéances, ça ne va pas avec mon calendrier international, et je ne fais pas 2 marathons sur le même mois. Et puis je ne cours pas après les concours. Je ne cours pas par exemple après la Ranking liste FEI. Cette année je suis troisième avec trois concours.»
2018 le podium du Championnat de Belgique
a.o: on peut revenir sur cette 35e place au championnat du monde 2018 à Kronenberg. Que s'est-il passé ?
« J'étais très stressée avec ce championnat du monde. C'était ma première expérience à ce niveau là. C'est près de chez moi, je connaissais trop de gens sur le concours... Je ne suis pas une personne confiante, j'aurais facilement tendance à rester dans ma coquille… Quand je rentre en piste si je vois quelqu'un de connaissance, j'angoisse tout de suite. Heureusement que Jean et mon entraîneur sont là pour me pousser. C'est facile d'arriver où je suis, c'est beaucoup plus difficile d'y rester.… J'aime bien rester dans l'ombre… J'aime bien parler à la 2 ème personne du pluriel car je n'aime pas me mettre en avant. Les concours sans Galen, sans Jean, mon fils, et mon beau-frère Marc qui nous aide beaucoup toujours dans l'ombre, ne seraient pas possible. Donc c'est nous, pas "je". »
En avril sur cette même place de Kronenberg j'ai fait un très mauvais concours. Je pensais déjà au championnat à venir... je stressais en pensant que beaucoup trop de gens attendaient de bons résultats de ma part. J'ai fait lors du championnat du monde un très bon dressage. J'aurais dû gagner ce dressage sans le classement du juge polonais qui me met à la 30e place alors que les autres juges ne mettaient première, deuxième, quatrième ! C'est aussi la raison pour laquelle je suis allé cette année à Pisecne nad Dyji pour pouvoir être rejugé par ce même juge dans un autre contexte. Je dois aussi avouer que l'autre raison qui m'a fait aller en Tchéquie, c'est qu'il faut se confronter à d'autres cultures et à des meneurs que l'on ne voient jamais ou presque.
Je fais un mauvais marathon, étant trop stressée. Je n'aime pas Kronenberg et ses obstacles durs et trop techniques… La maniabilité a été catastrophique, le cheval très tendu, sans doute à cause de moi... trop de stress, trop de stress… Après la porte 11 mon mari me donne le temps et le nombre de balles par terre… Totalement dépitée je me suis dit que les carottes étaient cuitent... le stress redescend, j'avance les mains, j'augmente le tempo n'ayant plus rien à perdre, et finalement la suite s'est bien passé malgré toutes les difficultés qui se trouvaient en fin de parcours ! »
Dressage et marathon à Kronenberg CdM 2018
2019 en photos
Bornem
Pisecne nad Dyji
a.o : l'année 2019 à été un grand tournant dans votre carrière sportive. Comment expliquez-vous ce changement ?
« Oui nous avons fait une très belle saison, avec quatre concours internationaux et quatre podiums. Galen V prend 12 ans cette année et il est en pleine forme. Pour préparer la saison 2019, j'ai peaufiné mon dressage qui était mon point fort, mais j'avais encore quelques améliorations à y apporter. J'ai donc surtout accentué mon travail sur le marathon et la maniabilité. La maniabilité était pour moi une épreuve très difficile, le coup de grâce qui me faisait reculer au classement général. On sait qu'un bon dressage n'est plus suffisant, aujourd'hui on peut perdre beaucoup de points avec des maniabilités devenues très rapides. Je me suis améliorée au marathon assez facilement grâce aux observations de mes amis, et un entraineur privé Sébastien Pallen a servi de déclic! C'est sur les entrées des obstacles maintenant souvent très longues, que je perdais beaucoup de temps. Aussi performante que les autres concurrents dans les obstacles, mes entrées façon « bobonne » me coûtaient cher !
« Pour la maniabilité j'ai fais un gros régime durant l'hiver ! J'ai travaillé avec Gerard Leijten le meneur hollandais à deux chevaux. Il y a deux ans lorsque je voyais des cônes mes cheveux se levaient sur ma tête ! Mes 2 locomotives ont été Gerard et mon mari. Aujourd'hui je suis capable de ne pas entendre ce qui se dit au micro, et je reste concentrée. Je ne suis plus stressée des mois avant le championnat comme auparavant. Je prends le championnat à venir comme un concours ordinaire. D'ailleurs les championnats sont des concours comme les autres ils ne sont pas plus difficiles à faire que d'autres concours. J'ai pris aussi avec les années de la confiance en moi, et je ne suis plus étonnée d'être au milieu des meilleurs meneurs mondiaux. »
« J'ai gagné Pau en 2019, mais il n'y avais pas beaucoup de concurrence. Saskia Siebers n'y était pas avec son meilleur cheval, Kelly Houstappel a eu des problèmes avec son cheval… Tout ça peut arriver sur un championnat du monde à tout le monde. Pau est un beau concours pour les visiteurs, mais pour les meneurs ce n'était vraiment pas agréable. A la remise des prix j'avais les larmes aux yeux tellement c'était triste et honteux. J'avais gagné le concours mais j'étais en bout de fil, derrière toutes les équipes qui étaient sous le feu des projecteurs. Je n'ai pas eu la Brabançonne l'hymne national belge pour fêter une victoire belge sur un CAIO4*, je n'ai pas reçu de coupe, et au tour d'honneur j'étais derrière tout le monde ! Après la conférence de presse j'ai fait part de mes sentiments à l'organisateur du concours. Il ne faut pas oublier non plus qu'il est beaucoup plus difficile de faire une performance en individuel que par équipe, non ? Ce concours était un 4 étoiles, autrement dit la marche la plus haute des concours internationaux d'attelage. Du début à la fin nous avons été les bouche-trous du concours, on n'étaient rien à côté des cavaliers. Les belles pistes leur étaient réservées, nous nous étions dans la boue. Les obstacles ont été terminés le samedi soir en raison du cross des cavaliers. On a vraiment eu l'impression que nous gênions. J'espère que cette année nous serons mieux considérés, mais j'ai un doute. Parlons aussi de cette maniabilité avant le marathon, c'est un vrai scandale. Je l'ai dit à l'organisateur, s'il n'y a pas une remise des prix correcte au championnat du monde, ce ne sera pas un championnat du monde heureux, et si la maniabilité est imposée avant le marathon, ce qui est contre le règlement international FEI, je pense que les retombées seront très négatives pour Pau et la France. J'ai été bien heureuse au Haras du Pin où tout le monde est vraiment très gentil où l'on se sent à sa place et considéré. »
Le PIN 2019 (photo Mélanie Guillamot)
PAU 2019 (photos Patrick Crasnier)
L'équipe belge à Pau : Louis-Marie Malherbes, Laure Philippot, Jonathan Meuwis
a.o : vous gérez votre propre stress, mais comment gérez-vous de stress de votre cheval ?
« J'accorde une grande importance au bien-être et au moral de Galen. Pour cela je fais un travail très varié, attelé, monté, longe pour le stretching, longue rênes, promenades, prairies lorsque le temps le permet, je veille beaucoup à son état physique car il peut facilement prendre du poids… Il est attelé seulement deux fois par semaine. Galen est un petit cheval de 1,58m par la taille mais d'un talent extraordinaire. Nous "l'avons fait" totalement. Il est de mère Hanovrienne (pure Dressage) et de père Trakehner, ce qui explique son tonus et ses réactions parfois inattendues. Je cherche et j'achète pratiquement tous mes chevaux en Allemagne, chez un marchand avec qui nous avons une bonne relation. J'aime moins les chevaux hollandais, ce sont des chevaux de grande qualité mais souvent pas très bien dans la tête. Je préfère les chevaux ayant un peu moins de qualité, mais plus gérables, dans l'attelage. Je dis volontiers pas de tête pas de cheval ! »
Le programme 2020
« Cette année je vais faire moins de concours en France, car nous y retrouvons toujours les mêmes meneurs et les mêmes juges. Ça ne fait pas avancer, il faut se confronter à toutes les cultures, aux meneurs et aux juges de tous pays, afin de ne pas être surpris. Je vais faire Lisieux, Drebkau, un concours en Pologne certainement, et Saumur qui je pense, va rassembler cette année beaucoup d'attelages à un cheval. Ce sera un grand rendez-vous qui donnera le ton avant Pau. J'ai de bonnes relations avec les meneurs français et particulièrement avec Anne Violaine et Jean Pierre Brisou que je connais depuis le temps où ils venaient faire des stages chez Félix. Jean-Pierre a été avec moi sur les voitures de marathon de Félix. J'ai également de bonnes relations avec Renaud Vinck et Didier Mathis. »
« Nous n'avons pas en Belgique d'aide de notre fédération comme vous en avez en Allemagne en Hollande ou en France. Par contre j'ose croire que les choses vont bouger petit à petit. Nous avons la chance d'avoir comme Présidente d'attelage à la fédération, une personne hyper dévouée et innovatrice. Enfin, cette année nous irons au championnat du monde pour la première fois avec un vétérinaire, chose qui me tient à cœur, je trouve ça beaucoup plus construit pour l'équipe que d'avoir un entraîneur imposé avec lequel nous ne travaillons jamais ! J'aurai aussi avec moi mes sponsors: Kevin Bacon, la sellerie Dupagne, j'ai toujours eu des harnais Van der Wiel et des voitures Verdronschot. La technologie de ces voitures est très aboutie, elles tiennent bien la route et ne font pas "cui-cui" dès qu'elles ne sont plus neuves! Verdronschot c'est une petite entreprise familiale très performante et très à l'écoute des besoins des clients. Mon plus gros sponsor finalement c'est mon mari comme il aime le dire ! Il est aussi mon "public relation", mon chauffeur, mon groom. J'ai besoin de lui sur les concours, mais il peut aussi devenir très énervant. Il peut avoir parfois des paroles qui s'ajoutent à mon stress, mais je ne ferai pas de concours sans lui. S'il arrête, j'arrête. On gagne ensemble, et on perd ensemble. »
J'aurai à Pau moins de pression , c'est loin de chez moi, et puis cette fois ci j'y arrive avec l'expérience de Kronenberg. Nous n'allons pas répéter les mêmes erreurs, nous sommes plus confiants . Je vais aussi veiller à arriver sur le concours en pleine forme, comme le cheval. Ça, c'est aussi une leçon de la saison 2018 que j'ai terminé très fatiguée. On va faire du mieux que l'on peut, et prendre du plaisir, ce qui est l'essentiel. »
JCG/ attelage.org