Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 18/04/2019 07:42:45 Rubrique : Interviews, lu 3035 fois. 2 commentaires |
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AMANDINE DEBOVE, déjà un long parcours !
A quatre ans Amandine s'épanouit au cœur des chevaux de trait comme on le voit sur cette photo, avec cette copine boulonnaise du joli nom de Quadrille des Remparts. Les Debove sont maraîchers à Montreuil sur mer et disposent d'une écurie privée, qui s'est s'orientée vers l'élevage par un concours de circonstances.
"C'est en assistant au poulinage d'une jument boulonnaise chez une voisine, que maman a eu le coup de foudre ! Elle a acheté le poulain, ce fut les débuts de l'aventure et de la passion pour la race boulonnaise de toute la famille."
C'est à cet âge qu'elle commence à monter à cheval dans un poney club en même temps que ses parents. Une année plus tard, elle fait ses débuts à l'attelage. Les loisirs se rythment ainsi durant une dizaine d'années.
Les débuts en équitation d'Amandine, ressemblent finalement à la plupart des débuts des meneurs que j'ai interviewés : à sa naissance sa mère pratiquait l'équitation et faisait ses débuts à l'attelage avec le parrain d'Amandine. Une continuité familiale pour la petite fille, mais la suite nous montrera que le destin n'est pas que du hasard, mais se construit aussi.
" A 14 ans je faisais beaucoup de CSO mais aussi du Dressage et de l'attelage en solo en concours Club. C'est François Defraumont qui s'occupait de moi."
Une remarque me vient à la vue des quelques photos envoyées par Amandine, les attitudes de ces chevaux ou poneys sont souvent justes,
ce qui n'est pas toujours le cas avec de jeunes cavaliers ou de jeunes meneurs.
" Plus tard j'ai acheté mes 2 premiers poneys ... ... et passé mon bac. J'ai cherché ma voie en passant quelques concours comme assistante sociale, éducatrice spécialisée, j'ai envisagé aussi de faire un BTS de management commercial (MUC), mais finalement tout cela ne m'intéressait pas suffisamment pour y songer faire une longue carrière. Et puis, je suis allée au concours de Breda l'année du Championnat du Monde des quatre chevaux…"
L'aventure avec Édouard Simonet
Comme je le disais en préambule, le destin se construit, il appartient aux aventuriers.
" A Breda je suis allé voir Édouard Simonet, j'ai essayé de me vendre. J'ai attendu quelques temps sa réponse car il devait voir avec ses propriétaires hollandais l'opportunité de m'intégrer dans son équipe. Entre-temps, je travaillais mes poneys avec Fabrice Martin. C'est lors d'un stage chez lui, que j'ai reçue un message d'Édouard me disant que j'étais prise. C'était juste avant le Championnat de France. J'ai pris mes affaires et je suis partie pendant un an. Je devais renouveler le contrat, mais un gros souci de santé m'a immobilisée quatre mois."
"J'ai appris énormément de choses avec Édouard. De la gestion du temps, du travail des chevaux, comme du débourrage. Les exercices pratiques n'ont pas manqué ! Édouard débourrait beaucoup de chevaux, tous n'étaient pas faciles. J'ai beaucoup travaillé les longues rênes avec des jeunes chevaux, des chevaux qui n'avaient jamais rien fait. On travaillait et on observait ensemble. Il y avait aussi le travail des chevaux à fort potentiel comme ses attelages indoor et outdoor. C'était vraiment chouette ! Avec Édouard j'ai fait un seul concours. Quand il était en compétition, je restais seule à ses écuries avec une cavalière. Il fallait s'occuper des chevaux qui restaient. Le matin après le travail habituel dans les boxes, le planning de la journée se faisait autour d'un café. Les chevaux d'Edouard ont toujours une ou deux journées de repos dans la semaine. Tout est toujours fait dans le respect du cheval, les séances de travail devaient toujours être courtes."
Au bord d'une carrière en compagnie d'Edouard Simonet
" Édouard allait parfois fois chez Boyd Exell pour utiliser ses installations. C'est pas très longtemps après mon arrivée que je suis allé chez Boyd la première fois. Il est venu me chercher du fond de la carrière, il m'a fait monter sur la voiture avec lui et on n'a discuté longtemps. Je m'en souviens, il menait une paire de jeunes chevaux de six ans qui étaient loin d'être faciles ! Il y en avait un qui essayait régulièrement de se mettre debout et l'autre qui essayait de taper dans la voiture. Boyd gérait la situation sans émotion. Mon niveau en anglais n'était pas très bon, il m'a demandé de faire des réglages sur les chevaux. J'ai beaucoup regardé sa façon de mener et de communiquer avec les chevaux. J'ai beaucoup appris à regarder comment il fait fonctionner les chevaux. Ça a été vraiment enrichissant et de très bons moments."
" Il y a une part de "secret" dans leur manière à tous les deux de dresser. Mais ce secret, c'est ce qu'il se passe entre les chevaux et eux, il y a ce petit "truc" que l'on ne peut comprendre, ils s'installent une forte communication avec les chevaux. Quand ils travaillent les chevaux, ils sont dans une énorme concentration, et tout est dans les détails. C'est énormément de détails qui font toute la différence au résultat final. Tout est extrêmement rigoureux, ils attachent énormément d'importance aux embouchures, aux réglages des croisières, des porte-mors, des gourmettes, de la hauteur des mors, usage de bit lifteur ou pas, nose band ou pas ... Au cours d'une séance il y avait parfois d'énormes changements, en recherche permanente d'améliorations. Édouard se filme beaucoup pendant le travail, tout est noté. Boyd et Edouard sont des magiciens, je trouve extraordinaire ce qu'ils font avec les chevaux."
"Je travaillais aussi pour un meneur espagnol, Joaquin Sauri Duato avec des chevaux guelders ou des hanovriens, donc avec des locomotions différentes, des caractères différents. Je suis partie souvent en concours avec lui. Je me déplaçais en avion pour aller en Espagne, la grande vie quoi ! "
En compétition avec Joquin Sauri Duato (Esp)
" J'ai rencontré Michaël Sellier et Maxime Maricourt ... Oui toute cette période a été une grande aventure, j'ai psychologiquement grandi, j'avais 17 ans, je n'avais plus papa et maman derrière moi, j'ai été livrée a moi-même. Cela provoque beaucoup de remise en question, il y a eu aussi des moments difficiles, des moments "à vide". Cela a été parfois dur, ça forge le mental ! J'ai parfois pleuré, je n'ai pas honte de le dire. J'ai perdu 18 kg dans cette aventure, mais tout cela est sans regret, et si un jour j'ai des enfants, je ne les retiendrai pas s'ils ont envie de voyager pour leur passion."
La passion des chevaux boulonnais
Amandine est aujourd'hui chez ses parents, elle fait beaucoup de débourrage et travaille aussi pour un prestataire de service belge qui fait des promenades attelées à Hardelot avec un boulonnais et un brabançon. Elle pense sérieusement s'installer dès l’année prochaine. Un gros projet est en cours dans la région, son "Rêve", c'est la Maison du Cheval Boulonnais à quelques kilomètres de Montreuil sur mer, à Samer exactement.
La future Maison du Cheval Boulonnais (images de synthèse 2D Developpement)
" C'est un très bel outil de travail avec beaucoup de boxes, et à terme, il y aura manège, rond de longe, et de magnifiques carrières. La Région et la Communauté de communes, le Syndicat hippique du Boulonnais et d’autres acteurs investissent dans cette ancienne ferme. L'objectif est de pérenniser la race de venir en aide aux éleveurs, et aussi valoriser les chevaux. J'ai posé ma candidature pour y travailler. Ce qui me passionne: le travail des jeunes chevaux, les débourrages… ce que font très peu d'éleveurs. Pour le moment j'ai deux alternatives, je peux aussi m'installer comme auto entrepreneur et vendre mes services."
"Je connais bien le milieu du cheval boulonnais, j'ai préparé des chevaux pour le Salon de l'Agriculture, les photos sont celles d'une jument que j'ai récupérée en septembre 2018 et qui n'avait pas de travail. Je l'ai mise à la voiture et s'est révélée comme la meilleure des boulonnaises à Verquigneul. Elle a réussi les qualifications pour le Salon. C'est une jument studieuse, elle fait un podium et elle a été classée quatrième comme jument d'avenir. Je pense revenir au Salon l'an prochain avec soit un 3 ans ou un 4 ans que j'ai achetés. Les concours sont bien entendus différents des concours sportifs, mais c'est aussi très intéressant et j'aime tout autant. Dans l'épreuve urbaine par exemple, il faut passer entre des balles de golf, faire un remisé pour atteler une herse, les chevaux ne doivent pas bouger lors d'un passage près d'une tronçonneuse en action, rentrer un cheval dans un carré et détendre les guides, passer sur une bâche, bref c'est un "dressage utilitaire". Aujourd'hui les chevaux de trait ont de belles dotations sur ce Salon, c'est bien pour la préservation des races."
" Il y a une réelle prise de conscience pour la sauvegarde des races de chevaux de trait. Il y a tout au moins dans la Région du Nord, beaucoup de débouchés pour les chevaux boulonnais. Il y a de plus en plus de chevaux qui travaillent dans les villes: promenades, collectes de toutes natures, arrosage, mariages ... Il y a aussi beaucoup de ventes vers l'étranger. Le boulonnais est un cheval qui attire les gens, par sa robe, sa gentillesse, son intelligence... il comprend vite. Ce sont des chevaux très agréables à travailler au quotidien."
2015 à Libramont en Belgique, présentation d'une jument boulonnaise lors d'une reprise Kür
Vers le Championnat du Monde Poneys
" Aujourd'hui je puise beaucoup dans les connaissances que j'ai acquises pour le travail de mes quatre poneys. Cette année est celle des Championnats du Monde, j'ai très envie d'y participer. J'apprécie l'aide d'Eve Cadi Verna qui sur les concours est un peu ma préparatrice mentale, elle gère bien mon stress et mes humeurs. J'ai repris contact avec Fabrice Martin à Évreux cette année, je vais retravailler avec lui pour le spécifique de l'attelage à quatre."
Evreux 2019
"Lignières, championnat de France 2018. Je suis accompagnée par Aurélie Suin (à gauche) et par Nina Liébart. Elles font toutes les 2 de l'attelage.
Je pense après le Championnat du Monde vendre mon attelage de quatre poneys encore très performants et passer à deux chevaux. Dans un premier temps avec la paire de ma mère pour débuter et faire la transitions "poneys - chevaux" et devenir autonome vis-à-vis de mes parents qui me soutiennent de toutes leurs forces, avec la mise en place de mon projet professionnel. "
© interview JCG