Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 16/11/2017 07:34:42 Rubrique : Interviews, lu 3317 fois. Pas de commentaires |
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MICKAEL DELIGNIERES juge FEI ***
Michael Delignières est un homme du Nord, il est originaire de l'Avesnois comme toute sa famille, depuis plusieurs générations.
Les débuts
MD: " j'ai monté à cheval dès l'âge de 9 ans. Mon père aurait préféré que je fasse du "foot", ça lui aurait coûté moins cher, et à la suite d'une tentative infructueuse il s'est résigné ! Tout naturellement je suis allé au centre équestre qui était près de la maison. J'ai fait la connaissance d'un moniteur, dont je suis ami encore aujourd'hui 30 ans plus tard, c'est Christophe Declerck. Christophe a été le premier moniteur ayant l'option " attelage" dans la région Nord-Pas de Calais. C'est lui qui m'a appris à monter à cheval et à prendre goût au Dressage.
"J'ai progressé gentiment, je passais mes week-ends et mes vacances à l'aider au centre équestre en échange de leçons d'équitation. Comme tout le monde j'ai passé mes examens, comme tout le monde j'ai fait de l'obstacle, mais ce n'était vraiment pas mon truc! Le Dressage et le travail des jeunes chevaux, j'aimais beaucoup plus."
La Période Concours
"Il y avait au centre équestre une voiture d' attelage avec laquelle il faisait quelques mariages. C'est comme ça que j'ai découvert la discipline. Les compétitions d'attelage commençaient à se développer, on s'est un peu associés, et nous avons débuté les concours. J'attelais la semaine, et en concours j'étais son coéquipier. Et puis à cette époque nous participions aussi aux stages organisés au Val de Selle chez Alain Houard. Je me souviens des "degrés d'attelage" passés à Compiègne, nous passions en ville avec Claude Thiriez, c'était Monsieur Rocchia qui était Président de l'association d'attelage en Picardie à l'époque."
Christophe Declerck menait un poney haflinger, nous sommes allés au Championnat de France d'Hardelot où nous avons terminé troisième".
a.o: je me souviens très bien de cette époque et du concours d'Hardelot. Vous avez toujours mené en solo ou bien avez-vous pratiqué également l'attelage en paire ou à quatre ?
MD: "moi qui aime bien également le Dressage monté, je trouve que c'est en solo où on est le plus proche des canons du Dressage et du travail du cheval."
"Christophe est ensuite parti de l’Avesnois pour monter sa structure équestre au Clos de la Rosière à côté de Cambrai où il est toujours. Comme il était entre-temps moniteur au Val de Selle, j'ai fait également quelques séjours là-bas pour y passer mon G7 d'attelage.
Noël Arpin qui était chef de piste dans le nord, m'a confié une ponette New Forest pour sortir en compétition. Ça s'est plutôt bien passé, nous sommes allés au Championnat de France de la Roche-sur-Yon en 1994 (3ème). Je crois que c'est l'année où Renaud Vinck menait un poney Mérens, il était en formation au Haras du Pin. Il y avait sur le marathon de ce concours de la Roche-sur-Yon un pont avec deux gués et énormément d'eau. Ça nous avait beaucoup marqués et inquiétés. Cette ponette était excellente au marathon, mais ses dressages n'étaient pas très bons. Noël Arpin était un bon mécanicien, il avait voulu avec un ami mener une voiture de sa construction, un prototype pour les marathons. Cette voiture a sans doute été à l'origine des modifications réglementaires tant l'ensemble était des plus compacts ! Mais la voiture était très stable. Je me souviens de la tête de Pierre Cazas qui était dans un obstacle !!!
J'aime aussi les longues rênes que je pratique de temps en temps. J'ai utilisé cette technique avec Give Me de Locq, une ponette New Forest que j'ai toujours.
Dans les diversifications, on s'amusait au centre équestre avec différentes activités. La photo d'un carrousel est un exemple, ici une aile de moulin, je suis sur l'un des deux haflingers.
J'ai acheté Give Me de Locq en 1996 à l'âge de deux ans. J'ai fait son débourrage, ensuite le circuit jeune chevaux, je me souviens des Bréviaires. C'était avant que les finales SHF se déroulent à Saumur.
C'était l'époque où les chevaux de sang et poneys étaient tous réunis dans une même série. On était évidemment très fiers de battre les Selles Français de Louis Basty ! Nous avons terminé "Elite" durant deux années. La ponette était jeune pour les compétitions nationales à 6/7 ans. J'aurais dû la laisser mûrir un peu... Et puis mon diplôme d'enseignant en gestion et mes nouvelles activités professionnelles en région parisienne m'ont obligé à prendre des distances avec la compétition.
Give Me de Locq Dressage
Give Me de Locq marathon
Vers les statuts de Responsable des Calculs et de juge FEI
a.o : sur les concours de votre région vous tenez souvent le bureau des calculs...
MD: " en tant qu'officiel, j'ai débuté au Bureau des calculs. De par ma formation, et mon goût pour les chiffres et l'informatique je m'y suis intéressé. A l'époque il n'y avait pas de support, Gérard Célisse du Val de Selle avait conçu un logiciel « maison », personnellement j’utilisais le tableur Excel. Et puis un jour ce fut la découverte du logiciel Lienart, et je suis toujours sous le charme de Driving aujourd'hui. J'ai toujours trouvé ce poste de Bureau des calculs passionnant, contrairement à ce que l'on croit généralement cela n'a rien de rébarbatif. Je fais encore au moins un bureau des calculs dans l'année, mais aujourd'hui je suis très pris par ma fonction de juge.
Au Bureau des calculs avec Mme Delignières
Pour organiser des concours dans le nord, il a fallu mettre les mains dans le cambouis. Se former à la piste (ndlr: MD est toujours chef de piste élite) et j'ai commencé par cela, puis un peu plus tard j'en suis venu au jugement. Il est bon pour les officiels d'avoir une bonne idée des contraintes de chacun des postes d'un concours.
J'ai commencé à juger dans les années 1990-2000. Mon formateur des débuts a été Annie Vermeersch qui était juge nationale dans la règion. Nous avons organisé et mis en place pas mal de concours dans le Nord Pas de Calais avec des amis de l’attelage comme Françoise et Jean-Claude Gossart ou encore Jérôme Maillet.
"A l'époque je faisais un peu tout sur les concours, même tenir le micro "
Tout naturellement j'ai suivi le parcours, juge départemental, régional, puis juge national, candidat juge international, et aujourd'hui juge international Level 3 depuis 2016. J'ai eu la chance de démarrer tout cela très jeune. J'ai encore une carrière devant moi, j'ai acquis de l'expérience et j'ai vu beaucoup d'évolution de la discipline. J'ai vu arriver les tests pour les juges à Lamotte-Beuvron, je me souviens qu'il y avait quelques réticences sur ces tests d'évaluation...
Inspection vétérinaire à Horst en 2017
C'est Jacques Tamalet qui m'a encouragé à poursuivre dans cette voie à la suite d’un stage à Lamotte, j'ai ensuite beaucoup appris (et je continue) grâce à Anne-Marie Turbé et plus tardivement avec Pierre Cazas. Patrick Michaud fût aussi à l’origine de ma progression dans le cursus en m’encourageant après mes cinq ans de juge élite, à participer à un stage FEI à Lamotte. A la suite des tests je fus nommé candidat international (Level2 actuellement) en 2010. Je poursuis alors mon cursus en proposant mes services pour officier sur de gros événements en France et à l’étranger, ce qui est difficile à obtenir quand on n’est pas connu, et j’accède au Level 3 fin 2016 après avoir satisfait aux nouvelles exigences FEI (tests et nombre importants de concours FEI en France et à l’étranger).
a.o: on me dit sur les terrains que les jeunes juges ont beaucoup de mal à évoluer et que les anciens font souvent obstacles à leurs promotions ...
MD: " franchement par rapport à ce que l'on a connu dans le passé, je crois que les choses évoluent bien. Il y avait auparavant une, voir plusieurs années pour passer d'un échelon à l'autre. On commencait juge départemental, puis régional, candidat-national avant de devenir national. C'est-à-dire 7/8 ans au minimum pour arriver à ce qui correspond aujourd’hui au juge élite. J'imagine qu'il y a des régions dans lesquelles les choses se passent mieux que dans d'autres. J'ai toujours progressé par le jeu des évaluations dans les formations et je suis très favorable aux tests. Il y a de toutes façons de l'expérience à acquérir pour se former l'œil.
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Et puis, plus l'on monte dans la hiérarchie des reprises, plus le nombre de figures augmentent, et plus il faut aller vite dans le jugement. Une observation que tout un chacun peut faire... Lorsque nous jugions la reprise trois nous avions 11 notes sans les notes d'ensemble. Ce qui faisait une note toutes les 50 secondes. Aujourd'hui avec la reprise 3HP1, on est en moyenne à une note toutes les 25 secondes. Aujourd'hui le niveau a tellement progressé et les gens passent tellement de temps à travailler le dressage, qu'il est bien normal que les meneurs attendent de la qualité de jugement. Je crois qu'aujourd'hui les juges ne s'endorment plus dans leur cabane de dressage non plus.
a.o : Il est certain que les reprises se sont complexifiées. Mais tout de même, pour le jugement le rythme des notes est autrement plus rapide dans le Dressage monté et l'on n'observe pas les incohérences que l'on voit dans l'attelage. On a parfois vraiment l'impression que les juges ne parlent pas le même langage. Un 5 et un 7 sur une même figure ça ne peut pas s'expliquer, les juges ne regardent pas la même chose ! On le constate parfois d'un pays à l'autre, mais c'est aussi une constatation que l'on peut faire dans les compétitions nationales. Il faut tendre vers une « professionnalisation » des juges, non ?
MD: "Oui oui... Par exemple lorsque je suis allé à Horst, il a fallu juger une même catégorie sur deux jours, et pour moi cela a été une vraie hantise de ne pas rester sur la même ligne de jugement. La volonté des juges est de bien faire, il y a aussi du travail pour y parvenir. C'est vrai aussi que de juger avec des juges qui ont l'habitude de travailler ensemble facilite les choses. J'ai lu bien sûr les discussions sur attelage.org concernant la notation du Championnat de France. On se retrouve là par la nature des choses avec des juges venant de toutes les régions, et qui n'ont pas l'habitude de juger ensemble. Tout le monde alors n'a pas la même idée de ce que vaut un 6 « satisfaisant ». Il faut travailler pour améliorer le jugement, et avoir autant que possible cinq juges autour de la carrière. Après les concours, visionner les vidéos des dressages est intéressant et instructif. Avec les notes par figure et le film, on trouve parfois des explications sur les écarts de notes avec la position des juges. C'est surtout vrai pour les attelages multiples. Pour les meneurs c'est toujours le juge qui donne la moins bonne note qui est dans l'erreur, mais ce n'est pas toujours le cas.
Il ne faut pas non plus se focaliser sur le dressage, la compétition d'attelage est un concours complet avec le marathon et la maniabilité. Il ne faut pas arrêter le concours au simple jugement du dressage. J'ai la réputation d'être à cheval sur le règlement, un peu trop disent certains. On me trouve aussi distant. Dans la fonction de juge, la notion d'équité est très importante. Ce n'est pas évident de respecter la neutralité car nous sommes une petite discipline, nous nous connaissons tous. Certains juges sont également meneur, certains ont des membres de leur famille qui participent, ça n'est pas très facile à gérer. Les meneurs de ma région savent que quand je suis sur un terrain de concours où j'officie ils ne me verront pas aux camions. "
a.o: vous m'avez proposé des photos de vos collègues juges, j'en ai sélectionné une, celle où vous êtes avec Brigitte Blandel ...
Brigitte Blandel et Mickaël Delignières
MD: " effectivement la Normandie a été l'une des premières régions qui a fait appel à moi pour juger en dehors du Nord Pas de Calais. Je vais aussi régulièrement dans cette région, c'est un petit clin d'œil que je leur fais. Cela fait quelques années que je vais régulièrement à Évreux toujours avec autant de plaisir. Je juge souvent aussi avec Marie-Pierre Bruneel, on est assez cohérents dans nos jugements. "
La Capelle
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a.o : vous portez d'autres casquettes, vous êtes membres de la Commission Attelage du NPC, et depuis cette année vous êtes un membre actif de l'organisation du concours de la Capelle...
MD:" oui, l'attelage est dévorant! En 2016 et 2017 j'étais à Lisieux, au Pin, à Saumur à Signy en Suisse à Horst en Hollande à Elsegem pour la Belgique. J'ai aussi vécu une belle expérience à Bromont au Canada cette année. Cela me donne l'occasion de dire combien mon épouse et ma fille sont courageuses de supporter mes absences pour de longs week-end pendant la saison de concours. Sans leurs consentements il me serait difficile de pouvoir faire ce que je fais.
La Capelle je n'en suis pas l'organisateur, je suis le conseiller technique de l'Association d’Attelage de l'Aisne (« Les 3 A »)dont Yves Hulin en est le Président. J'ai découvert les activités de cette association par attelage.org avec la Route du Maroilles. Yves Hulin m'a appelé pour agrémenter cette route du Maroilles avec une maniabilité. En fait, cette diversification n'a pas intéressé les meneurs de loisirs qui venaient essentiellement pour une randonnée. Cette rencontre avec Monsieur Hulin, et la volonté des gestionnaires de l'hippodrome de la Capelle de voir organiser sur le site un concours d'attelage s'est concrétisé en 2017. Nous avons beaucoup communiqué via attelage.org sur la naissance de ce concours et nous avons eu 120 partants. J'ai découvert une équipe très dynamique, et toutes mes craintes ont été levées. Il y a tout de même un monde entre organiser une promenade et un concours d'attelage. Tout s'est vraiment très bien passé. On renouvelle l'opération concours en 2018 avec un Amateur 2 du 24 au 25 mars. A terme j’espère pouvoir accompagner l’association pour évoluer vers un international une étoile, avec dressage et maniabilité à la Capelle.
© Interview JCG