Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 18/02/2017 08:05:46 Rubrique : Interviews, lu 3108 fois. Un commentaire |
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FRANZ SCHILTZ
Premiers contacts avec la selle |
* Nationalité : luxembourgeoise
* Age : bientôt 48.
* Marié avec Sonny depuis 20 ans, 3 enfants dont une fille Marie, qui pratique l'attelage et l'équitation.
* Domicile : partie Est du Luxembourg, près de la frontière allemande.
* Avocat (œuvrant essentiellement pour des banques et des compagnies d'assurance).
* Etudes de droit à Paris I Panthéon-Sorbonne, parle luxembourgeois, français, anglais et allemand (et encore un peu italien et néerlandais).
* Trois chevaux à la maison, Frodo 9 ans, Gilberto Gold TSF 13 ans et un petit dernier de 5 ans.
* Champion du Monde Jeunes chevaux 7 ans avec Frodo.
* Président de la Commission Attelage de la FLSE et Trésorier de cette même FLSE pour toutes les disciplines équestres.
Premiers "contacts" avec l'attelage |
a.o :Evidemment, ce descriptif laisse imaginer un emploi du temps très chargé...
FS: j'ai une bonne équipe à l’étude et en privé j’ai le bonheur d’être secondé par mon épouse et ma famille toute entière ; tout ce qui est à côté de la vie professionnelle se concentre effectivement autour des chevaux avec la famille. Oui, c'est parfois des journées très longues......
a.o : c'est une situation intéressante que de se trouver au carrefour des grandes nations de l'attelage....
FS: oui, je suis entre la partie germanique et la partie francophone de l'Europe, cela donne aussi des facilités pour concourir en Allemagne, tant au niveau national qu'international. Notre fédération, la Fédération Luxembourgeoise des Sports Equestres ( FLSE ) a, depuis une vingtaine d'années, établi un accord avec la Fédération allemande, qui nous permet de concourir sur les concours nationaux allemands sans conditions particulières. De la même manière, les Allemands peuvent concourir sur les concours organisés au Luxembourg dans toutes les disciplines. Les Allemands sont très présents dans nos concours de Dressage.
Sur le plan administratif, c'est très facile pour nous de nous engager, on s'enregistre sur la même plate-forme informatique que les cavaliers ou meneurs allemands, sans avoir besoin de prendre une licence allemande. C'est aussi vrai pour les passeports des chevaux.
Quand j'ai un jeune cheval qui débute, ou bien quand il y a un manque de concours dans le circuit international, je vais sur les concours nationaux allemands. Ma fille Marie, qui a démarré l'attelage en 2013, a fait ses débuts sur les concours allemands.
Nous avons un peu moins de contacts avec la Fédération hollandaise. Il y avait, avec la Belgique, un accord (informel) il y a 20 ans, mais il est malheureusement tombé en désuétude; j'ai d'ailleurs fait mes premiers concours en Belgique milieu des années 1990.
a.o : tu ne peux échapper à la question traditionnelle : comment es-tu venu à l'équitation, et à l'attelage en particulier.
FS: j'ai fait de l'équitation un peu par hasard grâce à ma cousine. J'ai mordu, j'ai fait un peu de dressage, de l'équitation d'extérieur et du saut d'obstacles. J'étais au lycée à cette époque-là. J'ai connu Sonny à travers l'équitation. Ce sont de très bons amis qui, un jour, nous ont raconté leurs vacances équestres et d'attelage en Autriche à Altenfelden qui nous ont ouvert le chemin...
En
randonnée familiale dans les années 90 - François Thoss (qui, de 2004 à 2014, a
été mon fidèle et vaillant groom de marathon), son épouse Marie-Jeanne,
moi-même et Sonny
Sonny a voulu absolument que nous fassions cette expérience. Partis pour deux semaines, j’ai suivi un cours d’attelage à côté de l’équitation et je me suis définitivement trouvé une passion : l'attelage ! Nous y sommes retournés plusieurs fois, et ainsi j'ai appris à mener à un, à deux, à quatre, et en tandem avec Monsieur Leibetseder père qui commençait son élevage de Kladruber. C'était au début des années 90.
Mon premier attelage de concours, a été un attelage de poneys qui m'avait été confié pour 3 mois par Ernest Muller. Il m'a laissé me débrouiller avec les poneys, la voiture et les harnais. C'est au téléphone avec Monsieur Leibetseder que j'ai pris tous les renseignements possibles. Tout s'est très bien passé et Monsieur Muller a été ravi de retrouver ses poneys en grande forme.
Ensuite avec Sonny, nous avons débourré tant bien que mal à l'attelage, nos deux chevaux d'équitation.
Les
concours des années 1995-1997 avec notre premier attelage, une paire
formée par nos deux chevaux de selle
La photo où les deux chevaux attelés sont en train de boire dans la rivière, date de 1997, c'est notre voyage de noces ! Lorsqu'on s'est mariés, je suis allé à l'église avec l'attelage, ma mère assise à côté de moi. Sonny a été conduite par un ami, et la semaine d'après nous partions en randonnée attelée comme voyage de noces...
Un voyage de noces particulier
a.o : je me souviens de toi comme organisateur de concours...
FS: oui en effet dans les années 95 à 2000 j'ai participé à l'organisation de concours au Luxembourg tout en continuant de mener. Il y a eu les concours de Roeser, Kuborn et de Strassen en particulier. C'était un peu le début des internationaux, Félix Brasseur était souvent chef de piste. On a réussi à faire se déplacer des Français des Allemands des Belges, des Anglais etc et à les fidéliser...
CAI Roeser 1996 à droite l'interviewé, à gauche l'interviewer
a.o: avant la période récente marquée par tes derniers chevaux, il y a eu quelques participations sur les championnats du monde en attelage solo...
FS: j'ai repris la compétition en 2004 après un accident d'attelage 6 ans plus tôt. Durant ces années je m’étais transformé en chef d'équipe pour les meneurs luxembourgeois. C'est Jean-Jacques Lemmer qui m'a prêté un cheval en 2004. Le premier concours international a été à Conty... où je me suis renversé. J'ai progressé depuis, car je ne me suis plus jamais renversé sur un concours international !
J'ai participé, cette année-là, à mon premier championnat du monde à Astorp, mais c'était vraiment comme le dit la devise olympique : l'essentiel c'est de participer !
Et continuant 2005 avec Euro, mon premier cheval international solo, j'ai eu avec lui des premiers succès internationaux.
2006 Championnat du monde à Pratoni 12ème à titre individuel
Première place en dressage avec Euro
Malheureusement Euro a eu de sérieux problèmes de tendon en 2008, et nous avons dû arrêter sa carrière sportive. Est venue ensuite Roxana sans grand succès, mais Roxana a par la suite surtout été un bon professeur pour ma fille Marie.
2010 Championnat du Monde à Pratoni avec Roxana (avec tout de même la 7e place en mania)
2012 Kisber 1ère victoire en CAI *** Championnat du Monde à Lézirias avec Gilberto Gold (9ème)
2014 Championnat du Monde à Izsak avec Gilberto Gold TSF (18ème)
2016 Championnat du Monde à Piber avec Frodo (15ème et 3ème en dressage sous la pluie battante)
a.o : c'est déjà une belle et longue carrière. Quel regard portes-tu sur l'évolution de cette catégorie attelage solo ?
FS: le niveau s'est beaucoup amélioré. Ce que l'on montrait en dressage il y a 10 ans, ne serait guère présentable aujourd'hui. Il y a aujourd'hui beaucoup plus de bons chevaux. J'ai l'impression que le marathon devient aussi plus éprouvant pour les chevaux, et les écarts se creusent plus en raison du changement de la pénalité de temps à 0,25pt/sec. Les maniabilités sont aussi beaucoup plus rapides et plus difficiles. J'aime bien les trois tests.
Si je regarde les différences entre les deux dernières reprises de dressage, les accents ont un peu changé. Sur la reprise précédente on nous a introduit le galop. Tous les exercices à une main étaient plus difficiles que dans l'actuelle reprise. Il y avait aussi des cercles de 10 m qui sont très difficiles à réaliser avec un attelage. Dans l'épreuve de dressage d'aujourd'hui nous avons le départ au galop sur un point précis, avec les trois allures du galop, ainsi que quatre allures au trot. Les changements d'allures sont beaucoup plus fréquents et se succèdent plus rapidement. Il faut avoir des chevaux très réactifs. Les cessions sont pour moi "un peu du cirque".
Je n'y suis pas favorable. A titre d’exemple : j'ai un cheval qui ne le fait que moyennement en attelage, mais qui pourtant le fait très bien en équitation montée, et j'ai à l'inverse mon autre cheval, qui le fait très bien en attelage, mais qui le fait beaucoup moins bien monté. Alors que l'on ne vienne pas me dire que c'est l'équitation qui est nécessairement la clé de la bonne réalisation de cette figure. Ça aide certainement un peu, mais c'est tout. Il n'y a pas, selon moi, de corrélation absolue entre l'apprentissage des cessions du cheval monté, et sa facilité à produire ces cessions une fois attelé. J'aimerais voir apparaître les épaules en dedans, figure qui donnerait à mon avis beaucoup plus de sens dans l’apprentissage des chevaux.
a.o: malgré ton emploi du temps chargé, tu consacres beaucoup de temps au travail de tes chevaux ?
FS: oui, avec l’aide surtout de Sonny, mais une fois qu'ils sont à niveau, je les laisse plutôt tranquilles, surtout en hiver. Gilberto Gold, qui a maintenant 13 ans, sait ce que l'on attend de lui, et l'essentiel de l'entraînement se fait dans la campagne, mais pas sur la carrière.
a.o : tes chevaux sont des chevaux allemands, Gilberto est un Trackener, Frodo est un Oldenburg et ton nouveau cheval est Westphalien. Quels sont les critères de choix ?
FS: Pour mes chevaux actuels, je les ai sélectionnés à 4,5 ou 6 ans et ayant débuté en dressage sous la selle. Ensuite je les débourre à l'attelage. Je trouve que partir avec des chevaux qui ont déjà un acquis de dressage est intéressant.
Gilberto je l'ai eu à 6 ans. C'est lui qui m'a permis de "m'installer" durablement en international. C'est un cheval qui peut donner beaucoup. Je suis arrivé avec lui à un bon niveau en dressage, et au quotidien je le laisse assez tranquille. Sur les concours mes détentes sont plutôt basiques, je lui demande peu, mais dès que je rentre sur la carrière de dressage, il se redresse, se met dans l'attitude, et alors je dois surtout faire attention à ce qu’il n’exagère pas et à faire attention à ce qu'il ne prenne pas lui-même les initiatives. C'est un véritable Trackener dans son mental, il a d’ailleurs déjà été plusieurs fois primé meilleur cheval Trackener d'attelage par le stud book qui gère la race. Il récupère très vite dans les marathons, mais c'est un modèle un peu léger, qui peut manquer de force dans les terrains difficiles. En maniabilité je fais les parcours au galop, c'est son allure préférée, il faut juste gérer ce galop. Maintenant Gilberto travaille beaucoup avec ma fille Marie. Elle a fait les Championnats d'Europe junior avec lui l'année dernière (avec au général la 4e place des youngs drivers). Si tout va bien c'est elle qui va le sortir en international 2* cette année.
Frodo je l'ai eu à 5 ans. Je l’ai débuté en attelage sur des concours moyens en Allemagne et là il a déjà fait beaucoup parler de lui en dressage. Son premier concours international à Horst, il avait 7 ans, a été correct. Mais il était très inquiet de tous les attelages qui tournaient autour de lui. J'ai fait ma détente en forêt, et je suis rentré sur la carrière de dressage comme ça. Je m'en suis sorti avec 58 points de pénalité, ce n'était pas si mal ! 2 mois après, je suis allé au concours de Dillenburg voir le niveau des jeunes chevaux et je me suis dit alors, que Frodo avait toute sa place dans ce genre d'épreuves.
Frodo progressant à la maison, les deux chevaux ont été engagés au CAI 3* de Nebanice. En dressage Frodo a fait 48 points, juste derrière Gilberto qui a terminé premier de cette épreuve. Nous avons ainsi, un peu sans le vouloir, qualifié le cheval pour le Championnat du Monde des jeunes chevaux.
C’est ainsi que nous avons engagé le cheval sur ce championnat qui a eu lieu à Mezohegyes au bout de la Hongrie, tout près de la Roumanie. Nous étions déjà très surpris de terminer second de l'épreuve qualificative. Avec Sonny nous avons beaucoup observé les reprises des autres concurrents, tandis que le président du jury Klaus Christ, à la fin de chaque reprise donnait la note et les justificatifs de cette note. Cela nous a beaucoup servi par la suite pour les épreuves.
La suite du concours n'a été pour Frodo que de l'amélioration dans son comportement et dans son mental, alors que pour beaucoup de jeunes chevaux, le phénomène était inverse. Je pense que l'expérience acquise par le cheval sur les autres concours a aussi fait la différence. Frodo a été exemplaire, il nous a emmenés sur la plus haute marche du podium. Ça reste un souvenir exceptionnel.
2016 à Mezohegyes avec Frodo et le titre de Champion du Monde des 7 ans.
Aujourd'hui j'ai la ferme intention de continuer ma carrière sportive tout en accompagnant Marie dans sa progression. Comme je l'ai déjà dit, cette année elle débutera dans les internationaux 2*. Ce sera aussi l'occasion de retrouver les meneurs français de ma catégorie avec lesquels je passe de bons moments.
Gilberto Gold TSF avec Marie
Frodo
© Interview JCG