Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 27/12/2016 15:15:34 Rubrique : Interviews, lu 3081 fois. Pas de commentaires |
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Jean Louis Heyberger, multicarte.
* Vice Président de Saumur Attelage
* Juge International level 2
* Stewart international level 2 , Attelage, Dressage, CCE
* Membre du Comité Directeur du CRE des Pays de Loire
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Quand on ouvre le grand livre de l'histoire de l'attelage français, il est des personnes qui remplissent un chapitre entier. Jean Louis Heyberger est l'une de ces personnes "incontournables". Ses pages s'écrivent dans le Saumurois, souvent en compagnie du regretté Jean Fautra avec qui il a découvert l'attelage.
Jean Louis Heyberger est né dans le milieu du cheval avec pour père un officier de cavalerie, un spahis plus précisément, qui a eu l'honneur de servir le Roi du Maroc. Durant sa retraite, ce dernier fut instructeur à Alixan dans la Drome, au sein d'un centre équestre qui existe toujours. C'est là que le jeune Heyberger est mis à cheval dès l'âge de 12 ans.
A la fin de ses études vient le moment du service militaire, service obligatoire à cette époque. Jean-Louis souhaite être affecté à Saumur au régiment de cavalerie. Pensait-il monter à cheval ? .... mais la cavalerie de Saumur était devenue une cavalerie de blindés ! Il n'empêche le jeune homme va continuer de monter à cheval dans des structures équestres du Saumurois. Il y pratique le CSO et le Dressage.
La découverte de l'attelage, la rencontre avec Jean Fautras
C'est une circonstance de la vie qui lui fait découvrir l'attelage:
" Dès le premier concours de 1985 de Saumur Attelage je suis rentré dans l'association comme bénévole, comme responsable de la billetterie. C'était en remplacement de celui qui allait devenir mon associé, et qui avait dû décliner au dernier moment sa participation à l'organisation du concours.
Le concours a bien fonctionné, c'était à l'époque en plein centre-ville, face à l'Ecole de Cavalerie, et au Breil. Le concours s'est un peu plus tard transposé à l'ENE avant de rejoindre l'hippodrome de Verrie. Depuis je n'ai pas quitté l'association. C'est lors de ce concours que j'ai fait ma première rencontre avec Jean Fautras. Je lui ai demandé avec Christian Egret de nous mettre à l'attelage, ce qu'il a accepté."
Meneur et juge
" Je retrouvais Jean Fautras le dimanche matin pour une leçon d'attelage. C'étaient souvent de nouvelles expériences. On attelait en paire, à trois de front, ou en arbalète, de temps en temps à quatre en tenant les guides à l'anglaise. La pédagogie de cette époque et de Jean Fautras était simple : « si t'as mal aux doigts tais-toi, n'y pense pas, concentre-toi, mène... Les tapes sur les doigts faisaient partie de la pédagogie. »
De toutes ces sorties un seul accident revient à la mémoire de Jean Louis. Un jour l'attelage, voiture et chevaux s'est retrouvé dans un fossé avec de l'eau, après un écart dû à un chien sorti en aboyant de la cour d'une ferme, comme cela arrive très souvent.
" On a encore bien rigolé, quelques instants auparavant Jean nous avait fait recommandation de bien saluer tous les paysans qui étaient dans les champs... Et c'est grâce au paysan propriétaire du chien que nous avons pu sortir la voiture et les chevaux du fossé. Sur ses recommandations encore, nous avions toujours dans le coffre du matériel de secours, et nous avons pu rentrer aux écuries grâce à cela."
Une sortie à 4, attelage en "damier"
"damier" = quand les chevaux n'ont pas la même robe, la règle veut que l'on alterne les couleurs. Normalement le cheval le plus clair est placé en volée gauche (ndlr)
1986-87
" Nous avons à cette époque avec Christian Egret, Yannick Châtelier, Jean Fautras et moi-même acheté 1 selle français de neuf ans, Harlem. Elle a été pour nous notre maître d'école, elle pardonnait toutes les fautes des débutants.
Ensuite, Jean m'a autorisé à acheter mes propres chevaux. J'ai continué de mener avec lui de temps en temps car il était souvent sollicité pour débourrer de jeunes chevaux. Pendant nos séances d'attelage, c'était la douce rigolade avec les dernières histoires que nous avions apprises dans la semaine, tout en restant très attentifs et vigilants sur le travail des chevaux.
Jean Fautras était juge d'attelage. Il y avait de nombreux concours dans la région, certains ont disparus comme Amboise, Ambillou, Champ de Bataille. Alors naturellement Jean m'a entraîné sur les terrains dans les cabanes, d'abord comme assesseur de juge, puis plus tard en ma qualité de juge."
De gauche à droite, J.L Heyberger, Véronique de Quillien, Jean Fautras
" J'ai acheté mes premiers chevaux en Alsace chez Denis Houlné. C'étaient des chevaux polonais. Je suis resté fidèle à cette race, j'en possède encore aujourd'hui. Ces chevaux ne savaient que tirer, il a fallu leur donner de l'éducation: marcher au pas, donner les pieds, rester arrêtés, savoir reculer. C'est un travail qui m'a beaucoup appris et j'y ai pris beaucoup de plaisir.
J'ai vite pris la décision d'acheter une maison avec ce qu'il fallait pour avoir les chevaux chez nous , ce qui permettait de s'en occuper au quotidien. Françoise, qui est devenue mon épouse m'a rejoint à cette époque. Françoise attelait aussi lorsque je l'ai connue, elle possédait un trotteur. Elle avait une voiture à deux roues, c'était très fréquent à l'époque. Elle a également participé à quelques derbys, concours nationaux, et concours d'élégance (maintenant devenus concours de tradition).
Françoise Heyberger
Françoise Heyberger
Vital Lepouriel m'a enseigné le travail à pieds, et j'ai eu la chance de travailler aussi avec Alain Franqueville qui était à l'époque encore écuyer au Cadre. Il a eu la gentillesse de me consacrer du temps entre 12 heures et 14 heures pour le travail à la longe ou aux longues rênes. C'était dans les années 90.
Lors de mes sorties je m'essayais au dressage en recherchant la cadence, le trot de travail, les allongements, le pas à 7 km/h… Je tournais autour des arbres..."
Les premiers chevaux polonais
Mes connaissances s'améliorant, j'ai ensuite acheté des chevaux plus intéressants.
"J'ai participé à quelques derbys (marathon – maniabilité) ainsi que des épreuves SHF. J'ai également organisé avec l'association Attelage des Pays de Loire dont j'étais le Président, des formations pour les Commissaires aux obstacles. Avec mon attelage, j'évoluais sur les obstacles de Verrie en y faisant volontairement quelques fautes que les futurs commissaires devaient« relever ».L'Association a servi de support à l'organisation de 2 Concours Nationaux que j'ai présidés sur le site du Château de Brezé.
En stage pour les commissaires aux obstacles.
Certains reconnaîtront la butte d'un obstacle du CAI de Saumur sur la photo suivante. Cette butte est aujourd'hui aménagée et décorée. Il fut un temps où les attelages la descendaient et la remontaient, c'était l'époque des marathons physiques et des dévers impressionnants.
" Avant on descendait et on remontait cette butte, aujourd'hui on la contourne. C'était très usant pour les chevaux. De plus les concours avaient lieu au mois de juillet sous une température élevée".
Une sortie sur l'hippodrome de Verrie
"Les randonnées et les sorties étaient nombreuses, nous faisions 35/40 kms. Le midi les chevaux étaient dételés et attachés à une corde tendue entre deux arbres pendant que nous faisions un pique-nique."
Une sortie dominicale, en tête Jean Louis Heyberger, derrière Jean Fautras.
En entrainement en forêt avec un Coupé de Ville avant une présentation
au Château de Montgeoffroy
J'étais assureur à Saumur, je travaillais avec un ami associé, ce qui ne permettait d'être disponible assez facilement grâce à lui. Lorsque l'on me sollicitait pour des prestations, ou un service, ou un week-end de concours comme juge, je pouvais me libérer. Ainsi j'ai pu transporter en attelage une des filles du Général Durand ex-directeur de l'ENE, une fille du Colonel de Beauregard, un fils du colonel de la Porte du Theil ou encore Madame Alliot Marie qui était à l'époque Ministre de la Jeunesse et des Sports lors de sa visite à l'ENE.
Nous emmenions avec Françoise, chevaux et harnais. Les voitures venaient de chez Dominique Gautier. C'étaient de belles voitures mais anciennes, il fallait faire très attention car elles étaient fragiles.
"Avec Christian il nous arrivait aussi de sortir les chevaux comtois de Patrice Monmoussau PDG de la maison Bouvet Ladubay pour des présentations."
Présentation avec les Comtois et la voiture Bouvet Ladubay
La Route du Poisson est aussi à mettre au compte des activités de Jean-Louis Heyberger.
" Comme il fallait que les meneurs passent les galops d'attelage pour participer à la Route du Poisson, le CRE de l'époque m'a demandé de mettre à niveau les personnes intéressées. Hardi-Mareyeurs est né, et dès la seconde année nous étions l'une des équipes candidates. Nous avons également fait participer des personnes handicapées en doubles guides sur les routiers pour mener les attelages. J'étais en tête de convois avec le véhicule d'assistance."
Il y avait parmi les meneurs ceux que l'on appelait " les quatre mousquetaires". Il y avait Jean-Marc Coudry avec quatre juments boulonnaises, Jean-Pierre Barré qui sortait des étalons percherons, Thierry Keuffer avec des Cobs et Yves Decavelle qui sortait avec des mulassiers poitevins. Avec eux à la suite d'un stage de perfectionnement avec Gérard Sainte-Beuve est née l'idée d'un Festival du Cheval de Trait. Le projet a été soutenu par le Comité Equestre de Saumur. L'organisation en a été confiée à ma demande à Saumur Attelage. Les neuf races de chevaux de trait ont été contactées. Le premier Festival a eu lieu en 1996. Il y avait des épreuves d'attelage, de traction, de débardage, de grands attelages, des attelages de Tradition...et un concours complet d'attelage. La réussite a été extraordinaire avec 10.000 spectateurs . Nous avons renouvelé en 2000 avec le même succès. C'était une organisation très lourde qui demandait des aides financières. Aujourd'hui je pense que ce serait très difficile d'organiser une telle manifestation."
Les premières années de Saumur Attelage
" Dans les années 85, l'argent était plus facile à trouver. Saumur Attelage organisait le soir du marathon une grande réception dans les locaux Bouvey Ladubay, sponsor d'hier et d'aujourd'hui. C'était l'époque de la Présidence de Christian Egret. L'association avait à cœur d'y inviter des artistes connus et de préférence des artistes de la région de Saumur comme Président d'honneur. Ainsi on se souvient avec délice des moments passés avec Jacques Dufilho (voir Dufilho et les chevaux), Jean-Claude Brialy, Julien Guiomar, et Michel Serrault qui a terminé la série ...
La rencontre avec Michel Serrault pourrait amuser les lecteurs. C'est au Salon du Cheval sur le stand Lucien Gruss que s'est faite inopinément la rencontre avec l'acteur. Je lui ai proposé la Présidence d'honneur du prochain concours. En rigolant il m'a répondu "je vous donne ma carte contactez mon secrétaire pour me préciser les dates". Ce n'était pas une esquive, Michel Serrault a répondu à notre invitation. Ainsi pendant quatre jours j'ai accompagné l'acteur du petit déjeuner au dîner et je lui ai fait découvrir tout le monde du cheval de la région. Nous voyant tous coiffés, il a tenu à s'acheter un chapeau. Arrivés dans une boutique, je me souviens de la vendeuse qui était incapable de sortir un mot, fascinée par la présence de l'artiste. C'était hilarant, Michel a fait tous les efforts possibles pour rassurer la brave dame ! Il m' a fait cadeau d'un chapeau pour l'occasion. Je l'ai encore. C'était un homme très drôle j'ai des souvenirs extraordinaires. C'était un homme charmant et très abordable."
Sous le bob Michel Serrault, Jean Louis Heyberger, Marlène Franqueville
visitent l'ENE.
La Commission Attelage
De cette époque, on a également le souvenir de l'existence d'une Commission Attelage qui proposait à la Direction Technique des modifications au règlement, ou des aménagements pour les meneurs.
" En 2001, Jacques Benoit qui était alors Président de la Commission d'Attelage m'a entraîné dans sa Commission comme Rapporteur. Il y avait dans cette Commission Jean Guy Mercier, Régis Bouchet, Louis Basty pour représenter les meneurs, Patricia Thiriez, Jean François Chanteur pour représenter les poneys, René Müller pour représenter les meneurs de chevaux de trait, Suzanne Mauguin pour représenter les centres équestres. Il y avait aussi André Grassart comme observateur pour représenter l'AFA, et Jacques Tamalet l'entraîneur national.
Nous avons mis sur pieds les "Assises de l'Attelage" à Saumur. Madame Reverdy alors Présidente de la FFE, n'a pas été tout d'abord favorable à cette initiative. Mais sur notre insistance elle s'est rangée du côté du projet. Ce fut un grand succès, il y a eu beaucoup de monde. Différents ateliers ont été animés par les membres de la Commission, et nous avons édité un Livre Blanc de l'Attelage. Je pense qu'il n'y eut guère de suite à ce Livre Blanc..."
Jean Louis Heyberger a eu plusieurs années, et jusque ces derniers temps une activité de référent attelage au CRE des Pays de Loire (journées d'initiation, de perfectionnement, travail à pieds, intervenants extérieurs, formation des juges régionaux, etc ). Il a laissé sa place à Bruno Bailliache pour prendre le poste de trésorier au sein du Comité Directeur du CRE sur l'invitation de Patrick Michaud.
Le concours de Saumur 2017
"Saumur Attelage est une émanation de la Jeune Chambre Economique. Les différents présidents qui se sont succédé sont Christian Egret, Monsieur Ménard, Madame Ménard, et maintenant depuis quelques années Jacky Guérin."
Il y aura cette année un CAI*** pour les 1,2 et 4 poneys, un CAI *** pour les 1 et 2 chevaux, et un CAIO pour les 4 chevaux qui sera sélectif pour les meneurs français pour le Championnat d'Europe de cette année et le Championnat du Monde 2018. Aujourd'hui le concours de Saumur répond aux exigences internationales, nous l'avons rendu moins physique pour les chevaux depuis plusieurs années, et la technicité des obstacles répond aux souhaits du moment. "
Ce n'est que mon avis, mais Jean Louis Heyberger est apprécié des meneurs. C'est un homme de dialogue et de consensus, abordable et toujours aimable. Lui faisant cette remarque il m'a répondu :
" C'est vrai que dans le respect du règlement, j'essaie de solutionner les choses sans éclat de voix. S'il n'y a pas de solution pour régler le problème, je juge toujours en faveur du sportif comme il se doit. Si j'ai une observation à faire sur un concours à quelqu'un, je ne la fais jamais au talkie walkie, mais au téléphone directement avec l'intéressé." Je fais en sorte de rester « juste et impartial ». Lorsque, je suis Président de Jury, je consulte toujours mes collègues avant de prendre une décision (décision collégiale)."
Jean Louis Heyberger, Président du Jury du Championnat de France 2016 à Lignières
entouré des médaillés.
© Interview JCG Décembre 2016