Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 06/05/2015 10:36:07 Rubrique : Les références > Dressage : technique, lu 4476 fois. 4 commentaires |
|
DON CAMILLO HN
C'est Michel Bitard, lors d'une vente aux enchère à Verden qui a acheté Don Camillo. Tout n'a pas été simple au début, comme le confie son premier propriétaire.
Michel Bitard
" Mon idée était d'acheter deux chevaux à l'occasion d'une vente à Verden. J'y suis allé en compagnie de Marie Ange Risch, Joachim Frey, et de Renaud. J'avais repéré une très belle jument et Don Camillo. Malheureusement la belle jument m'a échappé, et j'ai pu faire une bonne enchère sur Don Camillo. C'est surtout Joachim qui m'a poussé à cet achat, Renaud était beaucoup plus tiède compte tenu de la morphologie du cheval. J'ai acheté le même jour un autre cheval que l'on connaît bien dans le monde de l'attelage, il s'agit de Rodney qui a fait les JEM avec Thibault Coudry. Aujourd'hui ce cheval lui appartient.
J'avais à l'époque un très bon cavalier, Benoît Richard, (sélectionnés en concours complet aux J.O). Il est monté sur Don Camillo qu'il l'a envoyé à terre au moment où celui-ci a voulu le sangler. De ce fait personne n'était disposé à remonter sur le cheval. Heureusement Marie Ange Risch s'est intéressé à Don Camillo. Pendant presque une année elle s'est occupé de lui en le provenant et en lui faisant tracter un pneu. Elle a fait un débourrage très patient. Plus tard Marie Aurélie Bruneel est venue le monter deux à trois fois par semaine.
Don Camillo a donc fini par être attelé par Marie-Ange. Pendant longtemps les sorties n'ont pas dépassé les limites de la propriété... qui est entourée de vaches... et les vaches terrorisent Don Camillo ! Pour lui permettre de passer cette peur nous avons essayé... de mettre un poster de vache dans son box, puis ensuite de loger une vache dans le box voisin du sien. Pour la petite histoire la vache s'appelait Côtelette, mais Côtelette n'a pas réussi à rassurer le cheval !
Vraiment si le cheval en est arrivé là où il en est, c'est grâce à la persévérance de Marie-Ange qui a passé des heures et des heures à le rassurer. Marie Aurélie Bruneel a beaucoup sortit le cheval monté dans des concours de dressage au niveau Club. Renaud a ensuite commencé à engager le cheval en concours, en débutant sur des petites épreuves, et en étant raisonnable sur les marathons. Petit à petit le cheval a progressé jusqu'aux concours internationaux.
La suite tout le monde la connaît, Renaud est entré à l'IFCE. Un peu plus tard les Haras Nationaux m'ont proposé de m'acheter Don Camillo ".
.
Marie Aurélie Bruneel sur Don Camillo HN
attelage.org a rencontré Sébastien Goyheneix, Ecuyer à l'ENE lors d'une visite au Haras du Pin, pour en savoir un peu plus sur Don Camillo HN. On le sait, le cheval et Renaud ont été "préparés" par l'écuyer de l'ENE. En 2014, c'est la consécration et un exemple de persévérance et de rigueur dans la méthode, avec comme conclusion le Championnat du Monde à Izsak en Hongrie: une place second à l'épreuve de dressage, une 4 ème place au classement général individuel et la médaille d'argent par équipe avec Marion Vignaud et Anne Violaine Brisou.
Une bonne raison pour entendre Sébastien Goyeneix nous parler de son analyse du cheval et des moyens mis en place pour sa préparation.
Sébastien Goyheneix Don Camillo
S.G :" Mon intervention se place dans le cadre du développement de l'attelage au sein de l'IFCE : mise en place de diplômes professionnels et sport de haut niveau avec l'accompagnement de Renaud Vinck et Don Camillo. Notre collaboration a débuté il y a environ un an et demi. J'ai succédé à Arnaud Lemaire qui avait déjà entrepris un travail sur le cheval depuis une année. L'idée est d'apporter au cheval nos compétences techniques de dressage ".
J'ai de fait repris d'Arnaud sa mission qui était de suivre le travail monté du cheval. Aujourd'hui cette mission a évolué, et j'interviens également sur les compétitions comme cela a été le cas pour le Championnat du Monde à Izsak l'année dernière ".
JCG : Votre première impression lorsque vous avez découvert Don Camillo ?
S.G : " Je l'ai vu pour la première fois monté, et je l'ai monté moi-même afin de cerner ses aptitudes, sa locomotion et son caractère. C'est donc tout d'abord par un coaching sur sa cavalière Cerise Gohier qui a en charge le cheval que je suis intervenu. Ma présence sur le haras du Pin est environ de deux séjours par mois. Le cheval vient également régulièrement à Saumur pour des périodes de deux à trois semaines ".
JCG : On peut en savoir un peu plus sur le caractère de Don Camillo ?
S.G: " Don Camillo est un cheval d'un caractère particulier. Peut-être à la base pas tout à fait adapté à la discipline de l'attelage. Il reste un cheval très susceptible, qui a beaucoup de personnalité, qui s'avère très volontaire. Au départ lorsqu'il ne comprenait pas ce que l'on attendait de lui ou bien que son corps était pas prêt à exécuter ce que l'on pouvait lui demander, il manifestait clairement son opposition, mais il n'a jamais été dangereux. Il y avait de fait beaucoup de travail à prévoir concernant la soumission.
Le travail monté a réellement permis de gagner la confiance du cheval, de le renforcer dans sa musculature, dans sa ligne du dessus, d'améliorer également sa locomotion en utilisant les techniques du travail de cheval de dressage classique. Il s'est avéré que plus le cheval progressait dans le travail monté, plus il a été coopératif dans le travail à l'attelage ".
JCG: Cela veut-il dire que vous avez entrepris un travail du type "jeune cheval" ?
SG : C'est exactement ça, même s'il avait été très avancé par Arnaud. Tout au long de la saison nous avons donné beaucoup d'importance à la préparation physique, il fallait avant tout que son corps soit prêt à réaliser les efforts de dressage qu'il aurait à fournir ".
JCG: Il y a eu également un programme de travail à la longe ou aux longues rênes ?
S.B: " Oui tout à fait, des consignes ont été données à ce sujet avec des recommandations techniques et des durées dans les exercices. L'idée dans le travail à la longe avec un gogue était de mettre le cheval dans une attitude basse et longue, toujours pour renforcer la ligne du dessus du cheval qui est son point faible. Lorsque que je l'ai vu la première fois en situation de compétition à l'attelage, le cheval était un petit peu tendu et son dos ne fonctionnait pas, ce qui occasionnait un manque de stabilité et des fautes de rythme dans sa locomotion. Ces informations m'ont convaincu de la nécessité de donner la priorité au renforcement physique du cheval afin qu'il puisse réaliser tous les mouvements avec facilité ".
Don Camillo et Renaud au travail au Haras du Pin sous l'œil de Sébastien Goyheneix
Dressage les transitions dans la détente
Dressage déroulement de la reprise
Dressage, debriefing entre Renaud et Sébastien
JCG : Rien d'autre donc dans le travail, pas de recherche d'assouplissements latéraux ?
S.G: " Non pas de travail latéral parce que Don Camillo a naturellement un bon équilibre. Par contre afin de remédier à son manque de tension de sa ligne du dessus il m'a paru plus important de privilégier le travail longitudinal par les changements d'attitudes basses et hautes et par les transitions. Tout ceci en veillant à ce qu'il place bien ses hanches en restant bien engagé et en conservant sa locomotion. Par la suite lorsque le cheval a gagné en cadence et en tension nous avons entrepris le travail latéral pour gagner aussi sur la souplesse, l'expression et l'équilibre du cheval ".
JCG: Vous parlez du "placement des hanches". Cela concerne-t-il la rectitude ou l'engagement ou les deux ?
S.G: " Les deux à la fois ! L'objectif c'est l'engagement et cela passe par la rectitude. Le travail de transition dans la rectitude permet au cheval de comprendre comment il peut placer son arrière main pour exécuter les exercices en se portant plutôt sur son arrière main qu'en tractant avec ses épaules ".
JCG: Compte tenu des difficultés de Don Camillo avez-vous entrepris du travail au galop ?
S.G: " Le cheval est très à l'aise dans le travail au galop, ce n'est donc pas l'allure que j'ai privilégiée, même si effectivement en théorie c'est une allure intéressante. Je pense que pour le cas de Don Camillo, le trot avec des transitions est préférable et plus efficace pour le renforcement de son dos. Ainsi le cheval se prépare pour les allures rassemblées ".
JCG: Afin de faciliter l'apprentissage vers le rassembler, avez-vous utilisé le travail à pied ou au mur avec Don Camillo ?
S.G: " C'est quelque chose qui pourrait être recommandé, c'est quelque chose que j'ai l'habitude de pratiquer à l'ENE avec les sauteurs, mais que je n'ai pas utilisé avec le cheval, parce que je pense que ses problèmes de tension doivent se régler dans le mouvement en avant. Dans le travail à pied, on travaille dans des allures qui sont très lentes, et donc le risque est grand d'être en sous impulsion. Les allures du trot et du galop sont plus une garantie d'être dans la bonne voie. Dans quelque temps peut-être nous pourrons aborder cette technique pour fermer ses charnières ".
JCG: Il y a donc encore une marge de progrès pour Don Camillo ?
S.G: " Bien sûr ! Aujourd'hui après un an on a une bonne appréciation de ses qualités et de ses limites. La nouvelle reprise de dressage mis en place cette année va être à son avantage car il est aujourd'hui capable de s'exprimer sur des mouvements plus complexes ".
JCG: La répétition des transitions de cette nouvelle reprise va lui donner du brillant ?
S.G: " Pas seulement, mais elle va creuser les écarts avec ses concurrents car nous avons pris en compte ces transitions dans son travail quotidien, dans le respect de la cadence et de la locomotion ".
JCG: La principale difficulté reste donc le rassembler ?
S.G: " Tout à fait. Nous allons conserver notre ligne de conduite et le travail dans le même schéma et comme nous en parlions introduire progressivement du travail à pied en privilégiant l'activité des postérieurs. Aujourd'hui il perd encore de l'activité des postérieurs dans le rassembler ".
JCG: Pensez-vous aborder dans la saison hivernale des épreuves de dressage monté avec Don Camillo ?
S.G: " C'est tout à fait envisageable cela permettrait en effet de le voir jugé par un œil extérieur. En interne nous avons l'occasion de prendre des avis comme ceux de Jacques Tamalet, ou bien de Pierre Cazas.
Don Camillo est monté presque quotidiennement par Cerise Gohier qui est très motivée et très investie dans le travail du cheval. Elle suit mes conseils à la lettre et elle progresse elle-même en même temps que le cheval. Aujourd'hui Cerise prend de plus en plus d'autonomie, et je peux lui faire un programme de travail par téléphone. Quand elle me parle de ses difficultés, ou quand je lui donne des indications nous nous comprenons parfaitement ".
Don Camillo et Cerise Gohier
JCG: A quel niveau serait aujourd'hui Don Camillo dans des épreuves de dressage monté ?
S.G: " Il y a un élément qui n'a pas été intégré bien évidemment dans le travail de Don Camillo, ce sont les changements de pieds répétés. Donc dans la hiérarchie des épreuves de dressage monté on peut sans risque de se tromper, dire que le cheval est au niveau Amateur1 reprise Saint Georges, il n'a pas de difficultés dans les pas de côté aux trois des allures mais il n'aura probablement jamais la force d'aller plus loin et d'aborder le piaffer et le passage en compétition ".
Don Camillo et Cerise Gohier
JCG: Avez-vous pris les guides avec Don Camillo ?
S.G: " Non pas encore, Renaud me l'a évidemment proposé. Cela viendra sans doute. Pour le cavalier que je suis, cela reste une interrogation que de travailler un cheval sans utiliser les jambes. Cela me fait l'occasion de dire que cette collaboration et cette découverte de l'attelage me fait très plaisir. C'est une collaboration qui est très symbolique de la fusion Haras Nationaux et ENE ".
JCG : De ce que vous voyez de la production de Don Camillo lorsqu'il est monté, cette production est-elle altérée par la traction lorsque que le cheval est dans la voiture ?
S.G: " Non j'ai l'impression que c'est le contraire. Il a une plus belle locomotion attelé que monté. Il est certain que c'est le travail monté qui lui permet d'être à 100 % de ses aptitudes dans le travail attelé. Je pense que si on ne le montait plus il se dégraderait dans l'attelage. Il faut le monter pour lui apprendre à reporter son poids sur l'arrière main, à s'équilibrer sur ses quatre pieds. Plus le cheval gagne en force et en équilibre dans le travail monté, plus il s'utilise mieux dans le travail attelé. Dans le travail attelé Don Camillo conserve mieux la tension de son dos que dans le travail monté ".
JCG: Est ce l'effort de la traction qui explique cette meilleure tension du dos ?
S.G: " Le fait pour Don Camillo de ne pas avoir de cavalier sur son dos explique peut-être cela. L'expression de ses épaules est également bien meilleure à l'attelage que sous le cavalier ".
JCG: L'intérêt du travail monté est-il selon vous profitable à tous les chevaux ?
S.G: " Je ne peux répondre avec certitude à cette question, n'ayant travaillé qu'un seul cheval dans ce sens. Peut-être que Don Camillo qui rencontre des problèmes de tension entre tout à fait dans ce cadre de travail. Mais tout de même j'imagine que le travail monté donne une plus value à l'exploitation du cheval à l'attelage.
En Hongrie, sur le site du concours j'ai monté le cheval tous les jours, j'étais pratiquement le seul à monter à cheval, mis à part un meneur Allemand et un Polonais, tous les concurrents préparaient leurs chevaux dans la voiture. J'ai vu des chevaux très brillants à l'entraînement, qui se fatiguaient de plus en plus, et finalement qui ne se sont pas très bien présentés le jour de la compétition.
Le lendemain de l'épreuve de marathon j'ai également monté le cheval pour le préparer à la visite vétérinaire, en privilégiant le galop qui est son allure de prédilection. Là pour le coup j'étais le seul à monter, tous les autres chevaux étaient promenés en main.
Je trouve que cette préparation de Don Camillo sur le terrain a été très bénéfique pour le cheval. Renaud l'a attelé seulement une fois avant le dressage, tout le reste du temps a été du travail monté. Encore une anecdote, je suis resté sur mes idées de travail de rectitude et de transitions, de ne rien montrer d'exubérant. Le staff attelage était inquiet de ne pas voir le cheval s'exprimer mais ils m'ont laissé toute la liberté. C'était finalement assez juste car ma collaboration est avec Renaud et non pas avec la Fédération. L'avenir nous a donné finalement raison ".
JCG: Qu'avez-vous observé sur ce championnat du monde ?
S.G: " Il y a finalement dans l'attelage deux types de chevaux. Des chevaux avec des allures relevées jusqu'à très relevées, et des chevaux plus classiques. Tous ces chevaux ont été jugés très intelligemment et très justement. Dans les 10 premiers il y avait les deux types de chevaux, les juges mettant l'accent sur la qualité de la locomotion. Le point commun à ces deux types lorsqu'il s'agit de bons chevaux reste l'activité de l'arrière main et le bon fonctionnement du dos ".
JCG: Parlez nous de l'avenir et de ce nouveau cheval, LANZARO HN, hanovrien de 5 ans achetés aux enchères des ventes de Verden (Ger)...
S.G: " Le cheval va rester au haras du Pin jusqu'à la fin de son débourrage à l'attelage avec Anthony Gohier, ensuite il rejoindra l'ENE afin d'affiner son dressage monté. Cette période devrait pourrait durer jusqu'au printemps 2016, voir plus longtemps, nous en déciderons avec Renaud ".
LANZARO HN
JCG: Vous avez participé à l'achat de Lanzaro HN ? Quelles qualités lui trouvez vous ?
S.G: " Oui j'ai fait parti de la commission d'achat. Je pense que le cheval a les qualités du cheval que l'on cherchait avant de venir à Verden : caractère, une bonne ligne du dessus, la cadence dans les allures, une bonne activité de l'arrière main.
Isabelle la cavalière de Lanzaro
Pour écouter les conseils de Sébastien Goyheneix à Isabelle, cliquez sur la photo
Je vais intervenir sur le travail de dressage du cheval mais pour avoir été un cavalier de concours complet, je reste conscient qu'un concours d'attelage ce n'est pas qu'une épreuve de dressage, même si une bonne place au dressage est indispensable pour figurer au classement général. Il ne nous fallait donc pas un cheval purement dressage mais un cheval avec caractère, un cheval combatif. Nous verrons si l'avenir nous donnera raison !
Pour conclure, je suis arrivé dans cette discipline seulement avec mes connaissances de dressage et de complet, et j'ai de suite trouvé une grande confiance de la part de Renaud et de personnes déférentes dans cette discipline comme Pierre Cazas et Jacques Tamalet. Ils m'ont aidé à comprendre les problématiques de l'attelage. Quentin Simonet m'a également laissé toute latitude pour le travail de Don Camillo comme sur le coaching de Renaud sur le Championnat du Monde. Cette confiance m'a permis de travailler avec beaucoup de confort ".
Interview JCG/ www.attelage.org