Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 08/10/2014 07:47:02 Rubrique : Interviews, lu 3823 fois. Un commentaire |
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Laurent JELOWICKI, " une vie pour le cheval "
"Jélo" comme on l'appelle familièrement est le fils d'un émigré polonais. Son père a quitté la Pologne lors de son invasion par les troupes russes. Il a traversé l'Europe en chemise grâce à des réseaux militaires et catholiques. C'est dans le bordelais qu'il finit par trouver une communauté polonaise et va y faire racine. Le père de Jélo y rencontre sa future épouse. Le père et le grand-père de Jélo étaient éleveurs de chevaux, probablement de chevaux Lipizzan.
C'est le hasard ou plutôt une copine qui a mis le futur meneur à cheval, il avait 17ans. Il se souvient très bien d'avoir fait une "course" sur une jument qui s'appelait "Tirelire". « Ça m'a plu, alors j'ai continué. Une semaine plus tard j'ai passé mon premier degré d'équitation, et le neuvième jour je me suis fait embaucher dans un petit club qui se trouvait près de l'établissement de Bentéjac un cavalier de complet très connu. Jean Teulère montait chez lui. Je n'ai pas quitté les chevaux depuis. J'ai ensuite passé mon monitorat à 19 ans. L'apprentissage du métier était rude à cette époque, on passait six mois de formation dans un endroit ou un autre mais il fallait trois mois pour s'en remettre. Ce monitorat je l'ai passé aussi un peu par hasard grâce à une autre « copine », rien d'exceptionnel on sait très bien que les chevaux et les femmes jalonnent la vie de tous les cavaliers ! Grâce à ce monitorat et à cette copine j'ai pu trouver une place dans un centre équestre".
Jélo a commencé la compétition par le concours complet, mais il a pratiqué également un peu de dressage et de CSO
En complet avec un pur sang de l'ENE .
Laurent a passé son cours de formation CFI (Cours de Formation d'Instructeur) dont le chef de cours était Vital Lepouriel qui n'était pas encore dans la discipline de l'attelage .
Ici sur un "piano" « à l'époque on sautait plus gros mais moins technique. C'était autre chose. »
Jélo a aussi fait un peu de course en "gentleman" avec les chevaux. Dans les années 80 il est entré dans la mouvance du horse ball. En 84 ou 85 avec son équipe d'Angoulême où il était directeur du centre équestre, il a terminé second du championnat de France. Un peu plus tard il sera même arbitre de horse ball, à travers l'Europe.
C'est dans les années 85 après avoir quitté le centre équestre d'Angoulême que Laurent Jélowicki inaugure son centre équestre qu'il ne quittera plus. Jélo est un pédagogue, il prend du recul sur toutes choses, c'est un être tolérant qui évite les conflits (on dit dans son entourage qu'il peut être autoritaire). Il pratique ce qu'il appelle "le poney à l'ancienne" . J'essaie de conserver les valeurs du début de l'équitation poney, sans adulte, sans pension, sans interférence. « L'idée était de mettre l'enfant au centre des préoccupations, au centre du sujet, et non pas le reste… La pédagogie devait être la mise en valeur de l'enfant et de son épanouissement et non pas la recherche pure et dure d'une Equitation. Depuis on en est un peu "revenu" . L'équitation a beaucoup changé, elle s'est considérablement féminisée. La féminisation est un peu un problème pour l'Equitation. Aujourd'hui il y a aussi les problèmes économiques. Au début on vivait une aventure, en travaillant le mercredi et le samedi avec 7 poneys on gagnait sa vie, maintenant pour avoir le même train de vie je travaille tous les jours et il y a 40 poneys dans l'écurie… J'ai eu aussi envie à une époque de revenir à une équitation technique, et de remettre le poney au centre du sujet, sans écarter l'enfant non plus. Il faut faire comprendre à l'enfant que l'équitation c'est un échange avec le poney".
a.o: Peux-tu développer ce que tu veux dire par "les problèmes engendrés par la féminisation de l'équitation" ?
" Je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés. Le problème essentiel de la féminisation de l'équitation est que les jeunes filles sont très souvent dans l'anthropomorphisme. Le cheval est un cheval et pas un être humain. Pourquoi ne pas faire de l'éthologie je ne suis pas contre, mais surtout pas d'anthropomorphisme. Elles mettent en avant une relation sentimentale, au lieu de mettre en avant simplement une relation. L'autre problème des jeunes est celui de l'engagement physique et du goût de l'effort".
a.o n'est ce pas surtout un problème "culturel" ?
" Oui oui, mais les enfants d'aujourd'hui sont cette génération d'enfant roi qui sont le sujet de toutes les attentions. La modernité fait que beaucoup de choses sont accessibles sans effort, un simple bouton suffit. Le goût de l'effort, le don de soit, il faut leur apprendre avant de leur apprendre l'Equitation. En 40 années d'expérience j'ai vu cette évolution, cette transformation. Lorsque j'ai débuté on était à 70 % de garçons aujourd'hui on est à 80 % de filles.
photo Jessica Payssan
Cette évolution a changé la relation avec le cheval, celui-ci est aujourd'hui mieux traité, mais on est beaucoup moins "sport". Avec les filles de cheval est devenu plus un animal de compagnie qu'un outil de sport. Il y a sans doute de la place pour le cheval « animal de compagnie » sans pour autant oublier « le cheval de sport ». Ce dont je suis hostile c'est « le cheval de consommation ». On a aujourd'hui beaucoup de gens qui viennent consommer le cheval. Ça c'est l'horreur totale. Aujourd'hui on voit apparaître de la consommation cheval ou l'on prend sa réservation sur internet pour consommer sans instruction équestre le lendemain, comme si tu commandes une pizza et que tu vas chercher à la boutique du coin. Ça c'est pas mon métier !
Au moment de l'intégration du Poney Club de France à la Fédération, je n'ai pas suivi totalement la politique fédérale que je comprends mais que je n'apprécie pas forcément. Ce n'est pas un mauvais choix mais je n'aurais pas fait ce choix là, celui de mettre toute l'énergie sur l'expansion. L'objectif de garder une croissance positive à deux chiffres, c'est bien mais c'est une démarche syndicale et professionnelle et pas suffisamment la démarche d'une fédération sportive. Bien sûr il y a tout de même de l'activité sportive en nombre de concours, en nombre de champions, mais la quantité n'est pas corrélée à la qualité.
L'attelage de compétition n'est pas venu tout de suite. J'ai toujours fait de l'attelage il y avait toujours différents chevaux pour ça dans les écuries. L'attelage sportif est venu un peu par hasard, avec le mariage de mon fils que j'ai amené à la mairie avec une voiture est un poney fraîchement acheté.
J'ai conservé ce poney, et je me suis très rapidement rapproché d'une association pour participer à un premier concours, c'était chez Patrick et Christiane Dubuisson les parents d'Estelle qui tourne aujourd'hui à deux poneys. Ensuite ce fut Bergerac. La seconde année d'attelage s'est terminé au Championnat de France à Castries et j'ai terminé troisième avec ce même poney. La machine était lancée mais j'ai très rapidement voulu mener en grandes guides. J'ai donc acheté 7 autres poneys landais. L'expérience n'a pas été très heureuse, je n'avais pas assez d'expérience, et naturellement j'en suis venu au tandem pour me familiariser avec les longues guides."
Tandem à Bergerac
" La rencontre avec Gérard Vazeille qui élève des poneys croisés haflinger et arabe a été un grand tournant. Deux poneys sont arrivés à la maison, puis un troisième, et finalement j'en ai acheté une douzaine ! Je suis resté fidèle puisqu'aujourd'hui mon attelage de gris est composé des poneys de cet élevage."
photo Jessica Payssan
"Le haut niveau à quatre s'est fait aussi assez vite, mais mon seul concours à l'étranger a été celui de Breda l'année dernière. Le championnat du monde à Pau a été pour moi le vrai concours déclencheur pour l'épreuve de marathon. J'étais assez gros rouleur à deux poneys, mais je n'avais pas réussi jusqu'à Pau à mettre le même engagement à quatre poneys. J'ai le sentiment que depuis Pau j'ai monté une marche.
Malheureusement je travaille la plupart du temps seul. Je profite de temps à autres du savoir de Patrick Rébulard quand il est disponible. J'apprécie beaucoup chez Patrick sa grande connaissance du haut niveau et son coaching m' a été particulièrement efficace. Jacques Radius un membre de l'association d'attelage ARAA m'a beaucoup aidé dans la formation et le dressage de mon attelage et il m'a donné les bases nécessaires."
PAU Championnat du Monde photo Jessica Payssan
PAU Championnat du Monde photo Jessica Payssan
PAU Championnat du Monde photo Jessica Payssan
a.o : ta vision sur la haute compétition internationale poneys ?
"Je pense qu'un Bram Chardon est très doué, comme son père, il a sans doute quelque chose que beaucoup d'autres n'ont pas. L'essentiel de la différence entre ces gens-là, ces meneurs de haute compétition et nous Français, c'est surtout un problème d'encadrement. C'est en tous les cas pour moi le principal problème. Je suis seul, désespérément seul ! C'est aussi de plus en plus difficile de trouver des jeunes pour m'accompagner en concours, les jeunes qui forment l'équipe autour de moi sont naturellement de moins en moins disponibles en évoluant dans l'âge. Je les remercie toutes de m'avoir aidé toutes ces années, Maéva ma fille, Aurore Hubert, Marion Gauthier, Sarah Vigneau et Jessica Peyssan.
Et puis je n'ai pas les infrastructures adaptées, les quilles de maniabilité je ne les vois que sur les concours. Le sponsoring il ne faut pas y compter l'attelage n'a rien à vendre, même à tous les Châteaux du Pessac Léognal que je connais !
Laurent est admiratif du travail de Boyd Exell et peut-être plus du menage de Tomas Eriksson. Jélo espère faire parti des meneurs qui seront à Breda en 2015 pour le prochain Championnat du Monde. « Je reste un peu sur ma faim avec le Championnat de Pau. Je pense que je suis passé à côté de la compétition, que je peux faire mieux. L'expérience reste positive et elle devrait servir en 2015. »
On lui souhaite ainsi qu'aux autres meneurs poneys.
Voir le dressage de Laurent Jélowicki au dressage de Reignac 2014
Voir Laurent Jélowicki à Reignac 2014 obst 4
Interview JCG
photo Jessica Payssan