Article proposé par Toto, paru le 23/09/2014 08:09:26 Rubrique : L'attelage de Tradition, lu 2652 fois. Pas de commentaires |
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Préambule :
Qu'est-ce qu'un bicorne ?
Personnellement, je me suis posé la question dans l'autre sens : quand on ajoute un cheval supplémentaire en flèche devant une arbalète (ou unicorne), on obtient un tandem devant une paire (4 chevaux au total); comment cela peut-il s'appeler ? Par dérivation de l'unicorne, j'ai nommé 'bicorne' cette formation ; certains m'ont dit qu'elle portait un autre nom, mais n'ont jamais pu m'indiquer cet autre nom.
Dans un avenir que j'espère proche, je vais essayer de mettre au point un tricorne, c'est-à-dire un tridem devant une paire (5 chevaux au total).
L'idée n'est pas de moi. Elle m'a été suggérée en plaisantant par Gérard DUPONT en Mars 2002, lors d'un stage d'attelage où, ne disposant pas le jour du stage de suffisamment de poneys que je partageais alors avec un poney-club, j'avais apporté une arbalète à la place de mon attelage à 4 : c'est ainsi que j'ai attelé pour la première fois en 'bicorne' en Novembre 2002.
(photo Nathalie LAUNAY) : Le bicorne en 2003
Le bicorne :
J'avais commencé à atteler en tandem en 1975, avant même d'atteler en paire; mes débuts ont été difficiles, car j'utilisais une voiture très basse, le brancardier me cachant totalement la volée, et, de plus, je m'étais muni de 4 guides identiques. Mais j'ai ensuite perfectionné mon matériel et pratiqué de temps en temps, c'est-à-dire entre une et quatre fois par an pendant une vingtaine d'années. En 1999, j'ai essayé le tridem, avec une voiture à 2 roues qui ne pouvait pas contenir mes deux grooms, et le groom piéton peinait beaucoup plus que les poneys à courir dans la boue: ainsi, la solution que proposait Gérard m'a séduit car elle permettait de mener à 6 guides en attelant une voiture à 4 roues transportant suffisamment de grooms aptes à intervenir immédiatement, ce qui a été parfois nécessaire au début, quand tout s'emmêlait. Le matériel était relativement simple : en avant d'une paire, je plaçais un petit palonnier et deux poneys en harnais de tandem, avec des panurges un peu partout et de grandes guides pour la volée ; cette fois, j'utilisais des guides de largeurs différentes : 25, 20 et 16 mm.
Depuis, j'attelle en bicorne environ une fois par an ; un peu plus en 2003 et 2004, où j'ai participé à un concours d'entraînement : j'ai juste fait le tour en 2003 puis, en 2004, j'ai proposé les 6 guides aux juges ou à d'autres concurrents. Craignant de se ridiculiser, les juges ne s'y sont pas risqués, mais des concurrents d'attelage à un ont mené mon attelage avec un certain succès.
Ceux qui ont pu comparer l'attelage à 4 et le tandem ont pu constater l'extrême sensibilité de cette dernière formation. Le problème du tandem est qu'on perd le contrôle de la direction dès que la volée ralentit, et il faut donc disposer d'un cheval de volée ayant une forte impulsion naturelle, mais qui reste calme s'il lui arrive de s'emmêler dans les traits ; on n'a pas le même problème en attelage à 4, car les volées ne pratiquent que rarement un ralentissement simultané. Mais, avec un tandem, un simple pincement de guide peut provoquer un quart de tour immédiat ; avec un bicorne, c'est un demi-tour immédiat que l'on peut obtenir par un simple pincement (différencié) de deux guides.
(photo Josette LAUNAY) : Le fouet télescopique permettant de toucher la volée.
Dans un bicorne, le cheval de volée assure la direction, ce qui est essentiel; les timoniers assurent le plus gros de la traction (les volées ne venant en renfort que dans les côtes), ce qui est utile; le cheval du milieu ne sert pas à grand-chose, si ce n'est éloigner la volée du meneur et monopoliser une paire de guides.
Avec le temps, j'ai essayé différents poneys en volée de mon bicorne : Uhlan, Mistral, Ramsès, Taxi, Loupiot, puis Qyo à partir de 2009 : j'ai enfin trouvé un volée ayant l'impulsion idéale, grâce auquel mes poneys ont cessé de se prendre les pieds dans les traits (dans mon attelage à 4 de compétition, Qyo est timonier, et c'est lui qui assure l'essentiel de la traction).
C'est alors que j'ai été tenté de sortir mon bicorne. Il était hors de question de participer à un concours Amateur, où la catégorie n'est d'ailleurs pas prévue; et j'ai constaté que les concours de Tradition, que je suivais de loin sans y avoir jamais participé, sont ouverts à tout : attelage à 1, paire, tandem, évêque, arbalète, tridem, attelage à 4 et 'autre'. J'ai contacté l'A.F.A., où on m'a précisé que 'autre' pouvait parfaitement être ce que j'appelle un bicorne, et j'ai commencé au début de 2014 à préparer mon matériel pour Rambouillet, en Septembre.
Tradition en bicorne :
On ne peut pas vraiment dire que le bicorne soit une forme d'attelage traditionnelle, puisque je n'ai même pas trouvé dans la littérature de mot le désignant. Mais j'ai monté mon bicorne en suivant les règles de la tradition, que ce soit pour la confection des harnais, ou pour la méthode de menage Achenbach.
Renonçant à améliorer les harnais disparates que j'utilisais (après un examen minutieux, presque toutes les pièces auraient été à remplacer), j'ai (Nonette-Cuirs) créé de nouveaux éléments à ajouter à mon harnais de présentation à 4 : cela a surtout concerné l'équipement du poney de milieu, qui est un brancardier de tandem sans brancards. J'ai donc fabriqué sur mesures une bricole de brancardier de tandem, et tout le jeu de traits correspondant. Pour les guides, comme mon projet de tricorne mûrit depuis longtemps, j'avais acheté il y a quelques années des lanières de cuir découpées d'un seul tenant, sans aucune couture : bandes de 12,50m de long en 20mm (volée de tandem ou milieu de bicorne), de 18,50m en 18mm (volée de tridem ou de bicorne) et 23m en 16mm (volée de tricorne): je n'ai eu qu'à coudre des boucles aux extrémités des deux premières pour obtenir des guides de volée. Malheureusement, je ne sais pas qui les a fabriquées, car je les ai achetées à un revendeur qui a fermé depuis.
(photo Annie VANTROYS) : L'atelier lors de la confection des guides de volée, avec les modèles et les guides neuves. Au premier plan, les futures guides du tricorne.
Depuis que l'on abandonne les terrains de concours en herbe pour les remplacer par des terrains artificiels plus ou moins sablonneux, les épreuves de dressage avec une voiture traditionnelle à bandages de fer ressemblent de plus en plus à des épreuves de traction; j'ai donc dû cesser d'utiliser en concours la voiture de mon arrière-grand-père (1880) au profit de voitures modernes plus légères.
Mais c'est une voiture adaptée aux concours de Tradition: je l'avais restaurée vers 1978 et, outre des retouches de peinture et graissages divers, j'ai refait cette année tous les garde-boue et garde-crottes en cuir, en remplaçant certains panneaux endommagés. Pour les besoins du bicorne, j'ai ajouté un porte-fouets en cuir placé juste derrière moi, destiné à accueillir les fouets à manche télescopique permettant d'atteindre le poney de milieu et celui de volée. Et, pour me conformer à la tradition concernant un propriétaire qui mène son propre attelage, j'ai remplacé mes chaînettes en cuir par d'autres, en chaînes de laiton.
Mon bicorne au C.I.A.T. de Rambouillet
(Concours International d'Attelage de Tradition):
Le Samedi avait lieu la Présentation, dans le jardin à proximité immédiate du château. Les poneys ont été sages pendant la Présentation elle-même. Nous n'avons connu nos notes qu'à l'issue du concours, et regrettons de n'avoir eu aucun commentaire proprement dit. Ces notes ont varié entre 12/20 ('satisfaisant', le 10 signifiant 'suffisant') et 17/20 ('très bien'). L'un des juges a pénalisé la voiture (peinture verte écaillée, présence de freins à disques non traditionnels); un autre les poneys (probablement à cause de la ferrure, citée expressément dans les critères de notation: deux de nos poneys n'étaient pas ferrés) et les harnais (ce juge veut des harnais brillants, même si ce brillant est obtenu par des méthodes non traditionnelles, et s'est opposé aux agents des haras, qui affirmaient qu'il est impossible de faire briller des harnais datant de Colbert); le troisième juge a été très homogène. Les trois juges nous ont cependant attribué notre meilleure note pour 'Impression d'ensemble', ce qui semble une appréciation du bicorne lui-même.
(photos Pixelvisuel) : la Présentation
Remarques: en Tradition, la passagère est souvent une vénérable personne d'âge mûr; nous avons préféré transporter une jeune et jolie cavalière, mais je ne suis pas certain que tous les juges aient apprécié cette jeunesse. Par ailleurs Patrick a observé que les autres concurrents en grandes guides ne menaient pas tous de manière traditionnelle: plusieurs utilisaient des guides bouclées.
(photos Pixelvisuel) : la Présentation
L'épreuve du Dimanche matin était un routier de 15 km, dans le Parc du château et le terrain des chasses présidentielles, où nous avons aperçu des faisans et des biches. Comme nous avons de petits poneys (moins de 1,34m), on nous a demandé une vitesse de 9 km/h. Comparée aux 13 ou 14 km/h qu'on nous demande d'habitude en phase A, cette vitesse peut sembler très lente, mais il faut prendre en compte différents facteurs: une phase A, parcourue au trot, ne mesure le plus souvent que 4 km environ, et il faut introduire des périodes de pas dans un routier de 15 km; en marathon, nous utilisons une voiture de 300 kg avec 3 personnes à bord, et la charge que nous avions à Rambouillet était presque le double; enfin, le temps des points de contrôle qui sont dans le parcours n'est pas décompté, et il peut même arriver qu'on y fasse la queue. C'est pourquoi des chevaux, auxquels on demande 13 km/h, ont eu des problèmes dans un autre concours de Tradition où le routier comportait une section urbaine avec la queue à un Stop. Si nous avons été dans le temps pour l'ensemble, nous n'avons pas brillé sur les points de contrôle (remiser sur gravier, rail le long des trompes).
(Photo Pixelvisuel) : les breloques individualisées (visibles aussi, au complet mais moins distinctes, sur l'autre photo du routier): Pique, Cœur, Carreau et Trèfle, avec les rouges sur les bais et les noirs sur les bai-bruns.
Le règlement exige que l'on porte, tout comme la même voiture et les mêmes harnais, les mêmes beaux habit pendant l'ensemble des épreuves, y compris le routier; on est seulement autorisé à y superposer des imperméables en cas de pluie. En concours FFE, il y a un panneau 500m avant l'arrivée, à partir duquel on n'a plus le droit de galoper. En concours de Tradition, il y a un panneau 300m avant l'arrivée, à partir duquel on n'a plus le droit de s'arrêter. Et comme les attelages qui nous avaient dépassés étaient allés trop vite, il se sont tous arrêtés juste avant ce panneau.
(photos Pixelvisuel) : le Routier
Le Dimanche après-midi, avait lieu la maniabilité. Vu la longueur de mon attelage, on peut considérer qu'elle était sinueuse. Dans un terrain en herbe en légère pente d'environ 100 x 40m, il y avait 20 portes, avec notamment un cercle et une serpentine de 4 portes espacées de 15m. L'espace entre les portes de la serpentine permettait cependant de faire tourner simultanément tous les poneys entre deux portes. Nous avons été largement dans le temps, mais 6 boules sont restées sur le carreau, certaines du fait du poney de volée (alors que les quilles n'ont pas été renversées).
(photos Pixelvisuel) : la Maniabilité
(photos Pixelvisuel) : la Maniabilité
on distingue le porte-fouets supplémentaire
Le photographe a pris quelques clichés de mon menage: je n'ai pas, et de très loin, la dextérité de Benno von Achenbach décrite par Max Pape. Ces photos ont été prises lors d'une vraie maniabilité, au lieu d'être des poses prises sur une 'machine à mener' (que je ne possède pas). On y voit que ma main droite, tenant le fouet, est en permanence en avant de la main gauche, et pince presque continuellement une, deux ou trois guides, voire quatre ou cinq dans des cas d'opposition. Lors des oppositions (rappel: technique de contournement d'un trottoir sans monter dessus, où les chevaux doivent suivre la même trace, c'est-à-dire tourner au même endroit mais pas en même temps), on fait le plus souvent une action directe sur la volée, et une opposition seulement sur les timoniers, simultanément à une action sur les trois guides de gauche ou les trois guides de droite pour régler l'angle du virage. Pour pouvoir mener plus précisément, j'ai porté en maniabilité des mitaines à la place des gants. Le maniement des guides doit s'effectuer sans quitter des yeux les poneys et le parcours.
(photos Pixelvisuel) : détails du menage. On distingue les cœurs frappés sur les guides de volée pour mieux les distinguer des guides de milieu.
(photos Pixelvisuel) : détails du menage.
Comme il n'y avait que 26 concurrents, cette maniabilité s'est terminée à 16h30 et la Remise des Prix, attelée, a commencé 15 minutes plus tard: c'était la quatrième épreuve du concours, obligatoire. Elle a duré une demi-heure.
Emmanuel VANTROYS
Pour la confection ou la modification de harnais : Nonette-Cuirs à Gouvieux (Oise)
Contact : evantroys@free.fr / 06.07.24.71.72 / 03.44.58.04.51
Si vous désirez participer à une séance en bicorne : La Bricole Nanteuillaise à Nanteuil-le-Haudouin (Oise)
Contact : evantroys@free.fr / 06.07.24.71.72 / 03.44.58.04.51