Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 23/05/2014 14:41:50 Rubrique : Interviews, lu 3924 fois. Pas de commentaires |
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La nouvelle vie de Thibault Coudry
En juillet 2013, Thibault Coudry a décidé de changer de vie professionnelle. Il nous explique dans cette interview, sa nouvelle organisation, et sa vision de la compétition d'attelage internationale à quatre chevaux.
TC: « mon métier de transporteur était devenu de plus en plus compliqué du fait de la situation économique, de la concurrence étrangère, de la gestion de 50 clients, et de celle des salariés. Cette situation exigeait de très grosses journées qui ne me laissaient pas beaucoup de temps aussi bien pour ma famille, que pour la préparation de mes chevaux. Il s'en est suivi un ras le bol général.
Une opportunité s'est présenté de revenir à mes anciennes activités agricoles avec des voisins et amis qui avaient besoin d'une main-d'œuvre agricole. J'ai donc abandonné mes activités de transport pour en revenir à une société de services. Cette situation me laisse plus de temps pour me consacrer à la préparation des chevaux, que ce soit pour les compétitions internationales à venir ou les JEM. C'est une qualité de vie incomparable qui me permet de rentrer chez moi le midi et le soir. C'est aussi une autre vie pour ma famille et pour les chevaux...
J'aide également un ami pour qui je travaille dans la préparation de ses chevaux. Cela enrichit également mes expériences. Finalement je travaille peut-être plus aujourd'hui autour des chevaux qu'autre chose.
a.o : cette situation a-t-elle été inspirée par l'observation des professionnels de l'attelage que tu as l'occasion de côtoyer ?
TC:" non, je pense que c'est surtout l'opportunité qui m'a été offerte d'orienter ma vie de cette façon. Aujourd'hui je me sens beaucoup mieux, la vie en extérieur me convient mieux que la cabine d'un camion. Je retrouve ce que j'ai toujours aimé, le travail en agriculture."
a.o : on te sent plus heureux
TC: "oui c'est un fait: plus de personnel à gérer, plus de clients ou presque, je fais pleinement aujourd'hui ce que j'aime."
Le regard de Thibault Coudry sur la compétition
a.o : y a t' il une évolution dans certains domaines sur l'attelage à quatre de haut niveau ?
TC: "quelques améliorations dans le règlement, mais rien de fondamental. Aujourd'hui la compétition de haut niveau c'est d'abord le dressage. On le savait, mais c'est encore plus important aujourd'hui. On peut dire aussi que nous avons maintenant les trois épreuves qui comptent en égale importance. Sur les grandes épreuves, les cinq meilleurs du dressage sont également les cinq meilleurs du marathon et sont aussi les cinq meilleurs de la maniabilité. Le niveau du dressage par rapport à 2006, l'année où j'ai débuté, s'est considérablement amélioré.
Le marathon a lui aussi considérablement évolué. On va beaucoup plus vite qu'auparavant. Je crois que dans les obstacles qui nous sont proposés aujourd'hui nous sommes très probablement au maximum des vitesses possibles. Il faudrait une évolution vers d'autres formes d'obstacles pour avoir des possibilités de vitesses supérieures. C'est un peu la même chose en maniabilité. Les choses sont rendues difficiles par les chefs de piste. Quand il y a une carrière à traverser pour aller chercher la prochaine porte, le galop rapide est indispensable si l'on veut rester dans le temps autorisé."
a.o: tu participes depuis plusieurs hivers aux épreuves indoor de la coupe du monde FEI, y a-t-il des échanges avec les meneurs étrangers, et qu'elle est l'ambiance avec eux?
TC: "les meneurs étrangers sont tous globalement simples et accessibles. Ils sont très sympas avec moi, "le petit frenchie". Il y a vraiment de l'intérêt pour cette World Cup. Cela fait travailler les meneurs durant la période hivernale. Le fait d'avoir un temps très court pour la reconnaissance des maniabilités indoor est également un excellent entraînement pour les reconnaissances des maniabilités outdoor. Bien sûr les grandes vitesses qu' exigent les maniabilités indoor sont également un bon entraînement pour la manipulation rapide des guides. C'est une épreuve très médiatique et c'est donc très positif pour l'attelage. Enfin ce qui ne gâche rien il y a des gains importants et nous en avons besoin pour entretenir nos attelages.
a.o: parlons justement des besoins financiers de cette catégorie dès lors où l'on veut être performant à haut niveau.
TC: un attelage "modeste" ne peut aujourd'hui espérer entrer dans les 10 meilleurs mondiaux ni même dans les 15. Il faut quoi qu'il arrive, un meneur d'expérience avec des chevaux d'expérience, routinés à travailler ensemble. La force des meneurs étrangers est qu'ils ont un réservoir de chevaux important. Ils achètent d'abord des chevaux de dressage qui sont attelés ou non, qu'ils travaillent ou font travailler. Ainsi selon les concours ils font entrer dans l'attelage un ou deux jeunes selon les épreuves. Ces attelages sont donc toujours au top, ils ne terminent pas la carrière d'un team pour en débuter une autre avec d'autres chevaux. Ces meneurs ne disparaissent donc jamais du haut niveau international. C'est un roulement indispensable aujourd'hui pour figurer parmi les meilleurs. C'est au moins 10 chevaux qu'il faut dans l'écurie. Pour ma part j'ai à ma disposition aujourd'hui 7 chevaux, et je suis à la recherche d'un complément de 2 ou 3 chevaux. Je suis dans cette logique. Ainsi à Rennes j'ai fait le dressage avec mes quatre chevaux de pointe et le marathon et la maniabilité avec deux chevaux de moindre expérience. Je vais continuer cette année en participant à des concours comme Reignac ou Chablis pour aguerrir tout le monde. Je crois qu'il faut sortir le plus possible en faisant tourner les chevaux dans l'attelage, cela donne de l'expérience et de l'entraînement non seulement aux chevaux mais à l'ensemble de l'équipe meneurs et coéquipiers. Je crois que mon résultat du dressage à Rennes, le meilleur sans doute réalisé jusqu'à ce jour tient en grande partie à ma nouvelle situation professionnelle. "
a.o: tout cela ne va pas j'imagine sans sponsors comme pour tous les sports à un certain niveau ?
TC: "les meneurs auxquelles je fais allusion, ont tous des sponsors auxquels ils ont des comptes à rendre et des résultats à obtenir. Ils doivent également maintenir une certaine image, ce qui explique aussi la recherche permanente de chevaux de dressage. Cette recherche se fait aujourd'hui moins sur les chevaux allemands avec des allures plutôt "devant" mais, sans doute avec l'effet Boyd Exell, nous avons besoin de chevaux expressifs, et plus faciles à rassembler. Le brillant est aujourd'hui une chose importante sur la carrière de dressage. La soumission des chevaux est également très regardée, mais également l'aisance et la facilité d'exécution des mouvements de la reprise par le meneur. Si l'on ne dispose pas d'une fortune personnelle, le sponsor privé ou national comme l'IFCE aujourd'hui en France est indispensable. Le sponsoring d'État ciblé sur un ou deux meneurs capables de résultats significatifs sur les compétitions majeures me semble idéalement la chose qu'il faudrait faire après les JEM."
a.o : Les résultats de Windsor sont encourageants, n'est il pas ?
TC: " le résultat au dressage de Stéphane à 47 points, c'est du jamais vu pour un attelage français. C'est une locomotive qui on l'espère va nous tirer vers ces notes là. Même avec ce beau score le premier est à 15 points devant. C'est donc extrêmement compliqué à 55 points, à 60 c'est mission impossible. Il faut vraiment descendre sous les 50 points, et avec un marathon à+ 5 ou 10 points et une maniabilité sans faute, on peut passer dans les 10 meilleurs."
a.o : 19 nations et 15 équipes aux JEM. Quelles sont les chances françaises ?
TC:" si l'on regarde les résultats de l'année, (mais il faut aussi attendre les résultats de Saumur), si nous avons un attelage à 47 l'autre à 53 et deux marathons derrière à moins de 10 points de la tête, et deux maniabilités sans faute, nous ne serions pas loin du podium. Cela fait beaucoup de "SI", mais aujourd'hui je pense que nous nous sommes rapprochés, et que nous n'avons jamais été aussi proches des meilleurs. Après il faudra être à 100 % le jour J sur les 3 tests, avoir aussi de la chance. Bien sûr la Hollande est très forte, la Belgique a de bonnes chances d'être sur le podium avec Glenn Gerrts et Edouard Simonet, l'Allemagne... Il y aura aussi le phénomène "France", cela peut jouer également beaucoup sur le résultat. Le passé nous a montré avec Pierre Jung et Stéphane Chouzenoux, que nous n'étions jamais aussi forts que dans ces moments-là. Évidemment ce serait une belle récompense pour tous, les administrations, les sponsors, les meneurs. Depuis deux années il a été fait beaucoup de sacrifices. Faire de l'attelage, c'est payer sa maison sur 25 ans, et non pas sur cinq ! L'apport de l'IFCE a été fondamental pendant cette période.
interview JCG du 22 mai 2014
Conclusion: Saumur va infirmer ou confirmer les progrès enregistrés en ce début d'année. Il nous manque des appréciations sur certains attelages comme ceux de Sébastien Mourier ou de François Vogel. Incontestablement les meneurs ont beaucoup travaillé, incontestablement le niveau général a progressé, incontestablement quelques meneurs après Saumur vont peut-être prendre un statut différent et sortir de la moyenne commune.
Restera-t-il après les JEM une volonté de continuer les efforts ? efforts indispensables pour consolider des fondations qui restent pour le moment très fragiles et dépendantes pour beaucoup de ressources financières indispensables à ce niveau.
JCG