Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 02/07/2013 08:05:40
Rubrique : Interviews, lu 9002 fois. 2 commentaires
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Portrait: Laurie Astégiano, ''made in USA''


 

     LAURIE ASTEGIANO

 

                Laurie c'est l'élégance, la distinction, dans la vie comme sur son attelage. C'est dans le Limousin, un peu au dessus de Limoges qu'elle élève des poneys welshs. Elle a un voisin célèbre à une vingtaine de kilomètres, Monsieur Bastin Lavauzelle que d'aucuns ont connu aux guides de 4 chevaux aux débuts des compétitions internationales. Mariée avec Luc depuis 14 ans elle élève une grande famille de 5 enfants dont 3 sont issus de son premier mariage. Seule la petite dernière Cassandre s'intéresse vraiment au cheval, mais pas vraiment à la compétition. Son fils Théo est souvent sur la voiture de marathon "c'est un très très bon navigateur".

         Laurie est américaine de naissance, de par son père et sa mère. Elle est née à New York. Son père décède alors qu'elle était très jeune. Sa mère entreprend un tour du monde, s'arrête en France, fait la connaissance d'un français qu'elle ramène aux USA. Ce dernier comblera la jeune fille comme sa propre fille, il porte un nom illustre. Laurie me remet vite les choses dans l'ordre:   "je ne suis pas née Toulouse Lautrec, j'ai été élevé Toulouse Lautrec. J'ai été élevée par un homme formidable." La nationalité française elle l'a demandée lors de son installation en France. Sa maman,  Miranda, certains de nous  la connaisse bien pour l'avoir souvent vu sur les terrains, infatigable du matin au soir à soigner les chevaux, porter les seaux, le foin,  et s'activer autour de l'attelage de Georges Caroly. Miranda aujourd'hui élève des moutons, des anglo-arabes et des cerfs.

         C'est à cheval que Laurie a débuté, comme tout le monde dans un club " maman y tenait beaucoup."

En 1984 avec Kébaillas

         Les études compte aussi, il n'y a pas que le cheval. Elles sont d'abord littéraires en France,  et se poursuivent aux USA pendant 3 années en université pour  aborder la biologie: " j'ai pensé un temps aborder une carrière de vétérinaire, mais je me suis rendu compte très vite que le côté guérison de petits bobo ou les vaccins à la chaine n'étaient pas pour moi. " 

         L'élevage est une affaire de famille. Miranda élevant des anglo-arabes depuis déjà plusieurs années,  Laurie possède donc naturellement des notions d'élevage. C'est en 2004 qu'elle se lance véritablement et son élevage aujourd'hui est composé de 40 poneys destinés à l'attelage et  expressément sélectionnés sur le tempérament: " c'est une chose que l'on a trop souvent tendance à oublier en France. En Grande Bretagne 70 % de la sélection se fait sur le tempérament. C'est très important en attelage, surtout dans les attelages multiples. C'est au Pays de Galles, lors d'une vente aux enchères que tout a débuté vraiment : j'ai fait la connaissance d'une vieille grande dame anglaise, connaissant toutes les origines welsh, elle m'a orientée et conseillée. J'ai rapporté 5 poulinières et 1 étalon très gentil qui transmet son caractère à ses descendants. Nous l'avons surnommé Barbie parce qu'il ressemble aux poneys des poupées Barbie." Jean Charles Davoust possède 2 poneys de l'élevage de Laurie dans son attelage actuel, ils " m'ont tapé dans l'œil " d'ailleurs à Reignac cette année.

 

Laurie et Barbie

         Le choix d'atteler des poneys s'est fait lors d'un concours à Compiègne où un meneur belge dont elle a oublié le nom menait avec brio un attelage de 4 poneys gris. C'est donc aussi avec des petits poneys gris que l'attelage a débuté ... " je ne savais pas mener, j'ai brulé les étapes et bien sûr les anecdotes et accidents sont légions. C'était un peu idiot, à ne pas prendre en  exemple ! j'ai été arrêté d'attelage pour clavicule et doigts cassés ... avant de reprendre par un meilleur bout. Un peu d'attelage en paire, mais très vite je suis passée à 4 . Débuts idiots, mais à l'époque l'attelage était à peine une discipline et pour se former il n'y avait pas beaucoup de solutions. "

 

Chamberet 2005

Saumur 2005

         Laurie a fait  l'acquisition de poneys plus grands et de robe alezane. Ce qui explique qu'elle ne présente pas encore en compétition des chevaux de son propre élevage. Jean Marie Villanuéva un jour lui indique que des poneys sont à vendre en Belgique, un attelage à 4 tout prêt pour la compétition. Luc va faire le forcing auprès de Laurie et va la convaincre d'aller voir ces poneys. Elle va s'y résoudre sans conviction... pour finalement avoir le coup de foudre et revenir avec les 4 poneys.   

         Les choses ne se passent pas aussi simplement qu'espéré. Les poneys sont à la main de l'ancien propriétaire mais pas à la main de Laurie. La solution elle l'a trouve grâce à Anne Violaine et Jean Pierre Brisou qui à cette époque travaillaient avec Werner Ulrich. Laurie deviendra donc un temps picarde par sa licence d'équitation:

 " Werner a été extraordinaire ! à ce jour si j'en suis où j'en suis, c'est grâce à Werner ce n'est pas tant par la technique, mais par la confiance que j'ai acquise  et par une manière de regarder les chose différemment. Il m'a enseigné l'art des réglages, et j'ai commencé à rouler de plus en plus vite. J'ai aussi appris à être patiente avant d'avoir des résultats. Il faut se donner le temps de construire pas à pas."

Le Pin 2006 avec Laurie et Barbara

Le Pin 2006: dans la voiture son fils Théo et Edouard Simonet

         Le travail avec Werner va se poursuivre. Ce sera notamment fait  à l'occasion de deux concours au Portugal pendant 2 semaines organisé par Mr de Mello. Les premiers résultats positifs commencent à tomber en dressage et en maniabilité. Aujourd'hui les poneys sont attelés 2 fois par semaine à 4 et souvent 2 autres fois en paire. Ils sont le reste du temps au pré, Laurie y tient beaucoup, c'est pour elle un gage de bonne santé, physique et morale en plus du marcheur qu'elle utilise également.

 

           Sous les couleurs des USA

          Lors d'un concours à Windsor, elle fait la connaissance d'une américaine, Katie Whaley qui louait 2 poneys à Mia Allo. Cette américaine fait la proposition à Laurie de prendre sa licence au USA qui manque cruellement de meneurs à 4 poneys. On est en 2007. L'affaire en serait resté là si peu de temps après, lors d'un concours à La Motte Beuvron, Serge Lecomte récemment élu Président de la fédération n'avait pas avancé sa vision de l'avenir de l'attelage lors d'une réunion. Les propos du nouveau Président qui ne donnent grâce qu'aux attelages à 4 chevaux révoltent la meneuse de poneys. A la suite de ce discours un simple coup de téléphone à la Fédération américaine suffit  pour changer la nationalité de sa licence: "c'était en mars, 1 mois plus tard je menais sous les couleurs américaines à Conty."

         " L'organisation américaine est particulière et très efficace. La fédération  constitue un groupe de 6 sélectionneurs lors de chaque championnat, chargés de suivre les attelages US sur les concours internationaux. Ces sélectionneurs  font ensuite leurs comptes rendus sur les meneurs lors d'une vidéo conférence ou d'une conférence téléphonique avec l'entraineur et le chef  d'équipe. C'est une décision collégiale qui décide donc de la composition de l'équipe US pour les Championnats du Monde à venir,  poneys ou chevaux. Ainsi je suis moi même mandatée et déléguée pour suivre les meneurs US sur des concours en Europe. Je trouve ça bien, on évite l'arbitraire et on peut relativiser les performances comme les contre performances. Cette organisation génère moins de stress pour les meneurs, il n'y a pas cette chape de plomb que l'on connait dans le système de sélection français. Autre exemple, nous devons qualifier nos chevaux ou nos poneys dans l'année qui précède le Championnat du Monde. Les critères sont ceux de la FEI pour être sélectionnable. Les résultats  sur ces concours ne sont pas primordiaux, il faut avant tout se libérer de cette contrainte afin d'avoir l'esprit libre pour l'année de l'objectif. "

Windsor 2008

Greven 2009

Lipica 2011

L'équipe US à Lipica en 2011

à gauche Luc, debout au dernier rang 4ème Chester Weber

7 ème Koos de Ronde (assistant entraineur) 9 ème Mickël Freund au centre Laurie

( Luc est navigateur pour Chester Weber sur la voiture de marathon)

Les meneuses poneys

Visite vétérinaire à Montemendio

Montémendio 2013 avec Charlotte et Lulu

 

            L'entraineur  Mickaël Freund  

            La Fédération des US a engagé Mickaël Freud pour gérer l'entrainement de l'ensemble des meneurs de la discipline, poneys et chevaux confondus. " L'équipe poney est performante mais il nous manque à 4 de la résistance face à un Bram Chardon ou à un Dobrowitz Jr. La communication fonctionne très bien, toutes les informations officielles  nous parviennent 1 fois par semaine. Il y a un bon esprit. Les sélectionnables pour les CDM sont invités aux stages de Mickaël Freund, les autres sont pris en charge par quelqu'un d'autre comme Pieter Tischer. Moi étant en Europe, je me déplace chez Micha (Mickaël Freud) pour mon suivi. Il est très juste, très direct et très neutre. Il suit ses meneurs de très près.  Pour la petite histoire, pour débuter la journée chez Micha il y a une visite véto des poneys avant de commencer le travail.  "

 

         LUC  

         "Luc a été très clairvoyant pour ma carrière sportive, en m'engageant à acheter cet attelage et en me persuadant de prendre la nationalité américaine. Il assure la tenue de la maison et la charge des enfants lorsque je suis en concours. Il m'aide aussi dans le travail des poneys et s'occupe de toute l'intendance de l'attelage. C'est un très bon navigateur pour Chester Wéber, mais pas pour moi, il me met trop de pression. C'est de toutes façons un homme très positif même dans les moments difficiles."

 

         Laurie et les autres        

         Laurie aime la convivialité sur les concours. Cette photo prise avec l'équipe allemande à Minden en 2011 en est un exemple: " j'adore aller en Allemagne et j'aime beaucoup l'ambiance qui y règne dans l'équipe poneys. Ils sont très fair play, un vrai bon esprit sportif. La remise des prix est pour eux quelque chose de très important, elle se pratique d'ailleurs après chaque épreuve. En France, je trouve que les concours sont souvent tristes. C’est dommage… "

Laurie, Mia Allo et l'Equipe allemande

 

         Pour débuter cette année, Laurie vient de remporter le CAI de Saumur, elle sera une redoutable concurrente au Championnat du Monde. La patience elle l'a apprise avec Werner Ulrich, la technique avec Boyd Exell et l’envie de se battre avec Micha . Elle est  tenace et combative avec un gros moral comme le sont toujours les américains  dans le sport. Son coach Micha sait aussi lui faire relativiser les enjeux. De bons ingrédients pour réussir.

JCG

 


  Commentaires
-Laurie une grande dame de l'attelage par PHAETON (02/07/2013 12:20:06)
-Bel hommage, par 23 (03/07/2013 19:34:35)