Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 24/02/2013 22:29:57
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Les Cahiers d'attelage.org: dressage, vous avez dit dressage ?


 

 

 

Le "dressage moderne" celui des cavaliers de compétition n'en finit pas de faire germer des discussions avec ceux que l'on appelle généralement  les tenant de l'Equitation Classique" dont l'objectif principal est la recherche de la légèreté.

Nous avons tous cavaliers et meneurs intéressés par le dressage du cheval, essayé de comprendre ce qui nous différencient, avides comme nous le sommes de trouver "des outils", des conseils, une ligne directrice sources de progrès dans le dressage de nos chers compagnons.

 Cela ne va pas sans que ces recherches se terminent par des "aller /retour", des doutes, des certitudes aussi, mais  que le cheval ne manquera pas un peu plus tard de vous en retourner la contradiction. Et nous revoilà face à nous même devant  l'immense vanité dont nous avons fait preuve …

Les résultats de nos voisins germaniques nous interpellent, eux qui raflent à peu près tout dans les 3 disciplines olympiques. Au-delà des différences structurelles qui organisent les sports équestres dans les principaux pays ou le cheval tient une place importante, et qui sont aujourd'hui bien identifiées, il est intéressant de faire un peu d'histoire pour mieux comprendre d'où vient cette hégémonie germanique.

Autant le dire je suis convaincu (grand vaniteux!) des principes de Kurt Albrecht comme ceux de Decarpentry. De toute évidence les allemands ont adapté le cheval et son dressage, à l'émergence des compétitions équestres telles que nous les connaissons aujourd'hui.  Simple bon sens, le compétiteur ne  doit il pas répondre aux attentes de ses juges ?

 

Etienne Saurel, ancien de l'Ecole de Cavalerie de Saumur a écrit dans son livre "Histoire de l'Equitation" quelques pages qui concernent mes propos. La dernière phrase tirée du passage retenu de l'ouvrage est limpide et devrait réconcilier les tenants de l'équitation moderne sportive et ceux de l'équitation classique.

 

JCG

 

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Etienne Saurel, Histoire de l'Equitation page 392 1971  Edition Stock

 

"Maintenant que l'utilité pratique du cheval n'existe plus ou presque dans la vie civile ni dans l'armée, l'équitation actuelle pourrait être schématisée par une pyramide dont la base serait celle d'une équitation de loisirs et d'agrément qui, par les degrés d'une compétition successive­ment locale, régionale, nationale, internationale, s'élèverait peu à peu vers une équitation de spécialistes, culminant aux Jeux Olympiques.

  

   Or, il est symptomatique de remarquer qu'avec toutes leurs qualités ceux que nous appellerons les cavaliers pasteurs sont, sauf rares exceptions, incapables de briller aux plus hauts degrés de la compétition sportive moderne tant elle réclame de technicité et d'adaptation du couple cavalier-cheval à une spécialité particulière.

    Il y a plus. Certaines con­naissances théoriques leur manquent au départ, auxquelles l'expérience empirique et une équitation utilitaire ne suppléent pas. Et, comme le dit d'Aure, l'art doit servir « à faire naître des moyens plus exacts, plus positifs afin de mieux posséder le cheval ». Au niveau de l'équi­tation supérieure et de ses procédés, Baucher écrira de l'éperon qu'il sert à « déplacer la quantité de forces dont la main s'empare au profit de l'équilibre ». Toutes choses qui ne s'apprennent qu'à l'école des maîtres, qu'ils le soient de l'équitation de manège ou de celle d'ex­térieur."

 

   " On doit le constater, que l'on s'en félicite ou non : c'est une optique                « germanique » bien plus qu'une optique « latine » qui domine à l'heure actuelle les critères d'appréciation des juges internationaux des épreuves de dressage tel que leur programme est établi. Or, selon les Allemands, leur doctrine n'a pas varié depuis un siècle, ce qui ne signifie pas forcément que le style ou les procédés d'exécution en soient demeurés totalement inaltérés. L'évolution de la vie et des êtres s'impose à leur insu aux plus résolument et honnêtement conservateurs. Toujours est-il que la tradition de l'équitation germanique découle de trois sources : Gôttingen, prolongée par Hanovre, école tour à tour civile puis militaire, les écuyers prussiens et Vienne. Les influences réciproques et la parenté autro-prusso-hanovrienne sont sensibles chez les Hunersdorf, Seeger, Seidler, Steinbrecht, Plinzner, von Holleuffer, Gebhardt, Heydebreck, qui sont à l'Allemagne du XIX ème  et du pre­mier tiers du xxe ce que Baucher, d'Aure et les maîtres de Saumur sont à la France.

  

   L'équitation académique allemande, telle qu'on l'enseigne actuellement sous les directives du général Niemack au centre de préparation aux épreuves internationales de Warendorf (Westphalie), «invariable depuis un siècle », serait conforme aux tra­ditions classiques transmises par Seeger (1794-186.), ancien élève à Vienne de Maximilien von Weyrother et directeur à Berlin du « Seeger-shof », et de son élève, neveu et successeur Steinbrecht (1808-1885)."

1. On sait, par exemple, que, comme jadis Versailles, l'Ecole espagnole de Vienne, conservatrice par définition de l'art équestre classique, transmettait taci­tement ses principes par tradition orale. Il n'y avait guère eu d'exception depuis l'origine qu'avec les Directives (1898) du général von Holbein, plutôt réservées à l'usage interne d'ailleurs. Or, depuis la dernière guerre, le colonel Podhajsky, ancien directeur de l'Ecole, a publié à son sujet et sur le lipizzan plusieurs fort intéressants ouvrages traduits en plusieurs langues. Après les initiés, « l'infor­mation " atteint le grand public !

 

 

         " Steinbrecht était l'auteur du fameux Gymnasium des Pferdes1 dont Plinzner, écuyer de Guillaume II, fit publier le manuscrit (1885) pos­thume. Enfin, le colonel H. von Heydebreck (1866-1935), qui revit la quatrième édition du Gymnasium, était considéré outre-Rhin non seule­ment comme un remarquable exécutant, mais comme le plus grand expert contemporain en matière d'équitation classique que l'Alle­magne ait possédé. Ce qui n'est pas peu dire sachant avec quel sérieux nos voisins approfondissent tout ce qu'ils entreprennent !

          Il n'en reste pas moins qu'en deux siècles et même en un, sans parler de l'état général de la société, les chevaux ont changé et que les règles strictes et mathématiquement rigoureuses des épreuves modernes de dressage paraissent assez incompatibles avec le brillant et la « grâce » dont se parait l'équitation de cour du XVIII ème. Et peut-être s'en rapprocheraient-elles davantage si, à côté du programme imposé, figurait comme dans d'autres sports une reprise libre, où tout ne serait pas permis pour autant ! (ndlr)

 

Pour en revenir à Steinbrecht et à son ouvrage effectivement, et dans tous les sens du terme, « monumental » (Decarpentry), il est instructif de noter à quel point la meilleure littérature équestre reflète la personnalité du pays dont elle émane : claire, synthétique, parfois un peu courte chez les Français. Par parenthèse, ce sont les Questions équestres de L'Hotte, brillante philosophie équestre, qui, à notre avis, « pensent » le mieux la question et élèvent le plus haut le débat sous un volume restreint. Essentiellement pratique, réaliste et simple jusqu'à en être terre à terre chez les Anglais. Elle prend chez les Allemands un tour didactique et savant, une profondeur dans l'analyse poussée en ses plus infimes détails, qui n'est pas, pour nous, toujours limpide ni convaincante.

                   Hunersdorf, par exemple, qui pourtant n'écrit « que pour les amateurs », consacre des pages et des pages à la description des différents mors et de leurs effets, de façon que, avant de monter à cheval, le cavalier dûment instruit puisse « juger d'un coup d'œil  si tout est à sa place, ce qui est fort bien mais un peu surabondant, pour arriver à cette conclusion que c'est la main qui rend le mors agréa­ble ou désagréable et que la sensibilité des bouches est inégale !

        

                  Stein­brecht, héritier spirituel de Seeger lui-même formé à Vienne, témoigne tout naturellement une admiration éperdue aux vieux maîtres, « impé­rissables modèles » ! et à l' « inégalité », Newcastle en tête. En revan­che, tout le sépare de « M. Baucher », un charlatan qui emploie des moyens « indignes d'un écuyer » et obtient des « airs d'école qu'aucun maître avant lui n'a encore ni décrits ni montrés ». Impardonnable sacrilège contre l'orthodoxie ou jalousie professionnelle, l'un et l'autre formant des écuyers de cirque ?

        

                   Nombre de principes de Steinbrecht ressortissent à cette vérité unique, qui vaut pour toutes les écoles et que reconnaît le général Decarpentry : le calme, le travail dans     « l'en­train et la joie », la recherche constante de l'impulsion, de la recti­tude, l'importance de l'arrière-main, la « perméabilité de la nuque à une impulsion venue de derrière », etc. Mais, écrit Steinbrecht, « la main forme pour ainsi dire la barrière (sic) devant laquelle la jambe et l'éperon amènent le cheval à mâcher son mors », mais, vite et comme effrayé des conséquences de ce qu'il a écrit, il ajoute un peu plus loin que « l'on se garde bien d'un trop fort appui » !

 

" Et c'est bien là l'écueil. Il est difficile de préserver la légèreté, comme la grande discrétion des aides, si l'on recherche à la fois une bonne impulsion et l'exécution dans une obéissance absolue d'airs difficiles qui doivent s'enchaîner avec une rigueur quasi mécanique, que le cheval soit prêt ou non."

 

 

 

Etienne Saurel, Histoire de l'Equitation page 392 1971  Edition Stock

1.           Littéralement : Gymnase du cheval », c'est-à-dire méthode d'équita­tion pratiquée au manège, nous précise le traducteur, le commandant Dupont (qui est aussi celui du colonel Podhajsky). Nous ne pouvons malheureusement donner ici de cet ouvrage important qu'une idée très sommaire.

2.           Ndlr on sait qu'aujourd'hui c'est le cas avec les reprises libres en musique.

 

 

 


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