Article proposé par JeanClaudeGrognet, paru le 12/09/2011 08:49:11 Rubrique : Interviews, lu 8298 fois. 2 commentaires |
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CARINE POENTIS
Carine Poentis est ce que l'on appelle "une femme de tête". Elle n'est pas tombée dans le cheval étant petite, mais déjà très tôt elle a trouvé sa voie. C'est à l'âge de 7 ans, comme beaucoup de petites filles lors d'une ballade à poney, un été au bord de la plage. Elle veut "faire du cheval et pas du poney" dit-elle à ses parents. Elle fait ses débuts très vite dans un grand club où l'on pratique le CCE. Son fort caractère résiste à son instructeur qui veut l'envoyer au Poney Club, car beaucoup trop jeune pour le club hippique ! En CSO elle ira jusqu'en B2 (1.30m).
A 12 ans elle montait aussi chez un éleveur de pur sang arabe, et pendant des années elle va se former et se passionner pour l'élevage. C'est sa grand' mère qui va lui acheter sa première pouliche, elle a 6 mois. Les parents n'en sauront rien et découvriront 1 an plus tard une affreuse créature au fond d'un pré! Mais Carine a déjà le coup d'œil de l'éleveur: à 2 ans la jeune pouliche sera Championne de France des 2 ans au Haras du Pin. L'année suivante elle gagne à Fontainebleau … pas mal pour une gamine face aux éleveurs professionnels !
Picasso d’autan à 3 mois
Ensuite viendra une grande série de poulains « d’autan ». Plutôt que de faire naître, elle aura seulement une vingtaine de produits, Carine préfère élever en achetant tous les ans 2 ou 3 poulains. Ils portent tous l’affixe de l’élevage car Carine les achète très jeunes et avec l’accord des éleveurs, elle donne son affixe.
Carine montant Miltonia d’autan à 3 ans (pseudo qu'elle prend pour a.o), une fille de Flipper d'Elle. Sous l’œil de sa grand'mère, qui ne sera pas la dernière à suivre les résultats de Lipica !
Une des grandes réussites de l'élevage aura été Jalisco d’autan (acheté à 8 jours), un petit frère de sa première jument. Jalisco sera le meilleur de sa génération à 4,5 et 6 ans en cycle classique de concours complet, sera agréé étalon, tourne sur le circuit "Coupe du Monde" sous la monte de Christian Weerts. Aujourd’hui encore l’étalon fait le bonheur d’une jeune cavalière en CSO. Un caractère en or !
Jalisco d’autan finale des 6 ans
Jalisco est né d'un croisement avec un KWPN. Carine avait déjà il y a une quinzaine d'années vu la montée de l'élevage hollandais. C'est l'une des grandes qualités de Carine, prendre du recul, observer pour en dégager une vision du futur.
Carine a été mariée un temps, elle a aujourd'hui un petit garçon Pierre-Antoine. Son mariage l'éloigne géographiquement de ses parents, alors qu’elle a installé 2 jeunes poulains chez ses parents et qu’elle a des chevaux chez elle et dans une écurie de compétition. La situation n'est pas facile à gérer, aussi toute la famille décide de se rassembler dans une très grande propriété à la campagne pour plus de facilités.
Le cheval est une passion que Carine conduit en parallèle de sa profession. Elle tient le poste de Directeur de Projets dans l'entreprise familiale EXM Compagny (50 employés). L'entreprise est implantée dans l'aéronautique, Carine est aussi consultante chez Dassault Aviation. Sa mission principale "la conservation du Savoir" dans les entreprises : "Secrets Industriels", "Secret Défense", "Confidentiel Défense" … les militaires sont aux ordres !
Papa Poentis qui accompagne sa fille sur tous les concours était aussi dans l'aéronautique chez Airbus: "tout ce qui touche l'aéronautique ne laisse pas indifférent la famille, et si je n'avais pas des problèmes de vue, je serais aux commandes d'un avion de chasse !"
Les poneys de Carine au pré
Forts de leur grosse expérience en matière de simulateurs, c’est avec beaucoup de plaisir que Carine et son papa participent depuis plusieurs mois au projet attelage initié par Jacques Tamalet. Un simulateur attelage, un peu comme Persival le cheval robot de l'ENE. Aujourd'hui le projet est très avancé dans son étude, le savoir faire en matière de simulateur de la société a permis de résoudre tous les problèmes. De plus "croiser son savoir-faire métier et sa passion, c’est très intéressant". Reste le financement du projet.
Ce simulateur attelage permettra aux meneurs de s'entraîner sur les obstacles avec tous les paramètres d'une compétition (perte de fouet, cheval qui tombe sur un tournant, relance, transitions, cheval qui tire, qui ne tourne pas assez etc.. etc…). Jacques Tamalet en a été l’initiateur, Carine et son papa sont ravis qu’il perpétue ce projet dans ses nouvelles fonctions.
C'est par le shetland (2004) que Carine va débuter l'attelage. C'est d'abord papa qui sera aux guides " en plein divorce, ne pouvant résoudre des problèmes administratifs sur la propriété de ses chevaux, il fallait nous trouver un terrain de compétition, car dans la famille la compétition c'est toujours et dans tous les sports."
Au Salon du Cheval la famille achète harnais et voiture. Avec Benjamin Aillaud d'abord, la famille se forme à l'attelage. Frédéric Bousquet sera aussi très présent dès 2005, c’est lui qui nous prépare pour notre premier Championnat de France.
Mr. Poentis et ses premiers pas à l'attelage avec Benjamin Aillaud.
Mais rapidement (2005) les guides passent aux mains de Carine qui fera 2 saisons avec. Viennent rapidement les poneys landais, dont Jazz
Jazz
Le premier CAI
Cela n'empêche pas Carine de toujours regarder et de chercher ce qui se fait de mieux chez les autres. Lors de Championnat du monde poneys à Dorthéalyst au Danemark, il y a 4 ans, où elle était simple spectatrice, elle fait la rencontre du belge Mark Van der Speeten et en revient avec l'un de ses poneys. Mark lui en prépare un autre et une nouvelle paire est constituée, c'est la paire actuelle qui partira à Lipica avec en plus un poney de Mark pour faire la réserve, celui justement que Mark n'a pas voulu lui vendre ! Il est ce week-end à nouveau champion de Belgique en paire !
CAI Le Pin 2011
" Mark sera avec nous à Lipica. Je travaille avec lui tous les mois à Toulouse. Je passe avec Mark de longues heures sur la carrière. Ca ne me dérange pas du tout de laisser mes poneys à Mark à la détente avant le dressage en compétition. C'est une chose que l'on voit peu en France mais beaucoup à l'étranger. On travaille comme çà à la maison, alors pourquoi pas en compétition ! Que ce soit Mark, Anne Violaine ou Jean Pierre (Carine fait parti de Chantilly Attelage), du fait que les poneys sont mieux quand je les reprends, pourquoi m'en priverais-je ? Je n'ai pas de problème psychologique à ce sujet ! Je ne suis pas une meneuse douée, je suis là par le travail mais pas par un feeling particulier."
La meilleure reprise de Carine à Autrans 2011
Carine a rejoint Chantilly Attelage depuis 2 saisons. L'hiver les poneys sont parfois plusieurs jours à Chantilly, travaillés par Anne Violaine et Jean Pierre Brisou. Carine monte souvent en région parisienne pour son travail. Elle en profite ainsi pour faire des week-end de travail dans de très bonnes conditions. Carine ne se regarde pas le nombril, pragmatique et efficace elle explique son choix et sa stratégie: " il suffit de regarder. Chantilly Attelage est une équipe qui marche, qui a des résultats, des médailles. Pour atteindre le haut niveau il faut aller chercher ceux qui ont fait leurs preuves. On ne peut pas réinventer la roue. S'il y en a qui ont la solution il faut aller les voir. On n'est pas non plus fermé, il n'y a aucun souci pour avoir Jean Pierre Brisou en même temps que Mark ou Olivier Lemessager. Il faut travailler avec les meilleurs dans chaque domaine pour y arriver."
C'est le papa qui groomait sur le marathon dans les débuts. Aujourd'hui elle fait équipe avec Céline Bertocchi.
Céline Bertocchi
Précise jusque dans les détails Carine a fait construire chez ATEL une voiture avec une répartition des masses adaptée au petit poids de Céline.
"On ne peut y arriver seul. Le dernier exemple est celui du Championnat du Monde à Conty. Les meneurs de l'Equipe ont accepté de se faire coacher par Jean Pierre sur la préparation de la maniabilité. On connait le résultat. Là j'ai pris une grande leçon ! "
Carine connait les sports équestres de haut niveau dans toutes les disciplines. Mais pour elle l'attelage demande plus de travail sur les chevaux. Il faut se préoccuper beaucoup de leur mental. Quand je lui demande quel regard elle a de " l'attelage français", j'obtiens une réponse claire et sans langue de bois " je crois que la majorité des meneurs sont loin de savoir la quantité de travail qu'il convient de faire sur les poneys. Et puis il faut également chercher de bons poneys et ne pas perdre son temps. Le travail doit aussi se faire avec des professionnels, quand on ne l’est pas soit même". Les esprits changent, on voit apparaître le coaching chez les poneys, j’en suis ravie …c’est pour moi essentiel !
Tous ces moyens, la démarche, la vision de Carine du chemin qui mène à la performance ne sont qu'une étape, et la capitalisation des expériences serviront pour la suite, le passage dans la catégorie 2 chevaux : " lorsque je serai meilleure meneuse qu'aujourd'hui, je ferai l'acquisition d'une paire de chevaux ayant du potentiel. De toutes façons mon fils me pousse et ne pense qu'à prendre les guides…"
Pierre-Antoine et Origan des Girards, l’un des shetlands qui a fait démarrer Carine
Dans quelques jours ce sera le départ pour Lipica, accompagnée par Mark et Jean Pierre. Elle ne le dit pas trop fort, mais l'objectif est de monter sur le podium et de rayer définitivement cette maniabilité désastreuse au Haras du Pin cette année, alors que le podium s’offrait largement à elle au côté de son idole Ewoud Boom ! Les poneys ont changé de côté, un gros travail technique a été fait, avec un résultat à Autrans très correct. Carine et son équipe n'ont jamais été aussi prêts pour Lipica !
JCG